Section Fêtes : Beltane

Dec 15, 2008 03:17

Titre : Beltane
Personnages/Pairing : Albus/Gellert + brève apparition d'Irma Pince.
Disclaimer : Les personnages appartiennent à JKR, l'extrait de Faust appartient à Goethe et la fête de Beltane, à tous ceux qui croient.
Rating : PG-13
Défi : Section Fêtes
Nombre de mots : 2 437
Note : Attention, Angst à gogo. Et, euh, veuillez prendre cet avertissement au sérieux s'il vous plait.
Note 2 : Ceci se passe en 1945, au cas où vous vous poseriez la question.
Note 3 : (J'adore demander ça :D) Je pourrais avoir le tag "Gellert" please ? ^^

Beltane.

Fête de feu.

Fête de joie.

Fête de fertilité, aussi.

Les Dieux marchent aux côtés des mortels, laissent une parcelle de leur essence vitale sur terre.

Entre les mains d'un homme.

Dans le ventre d'une femme.

Dans l'âme d'un enfant.

Dans l’esprit d’un vieillard.

Les morts reviennent de l'au-delà cette nuit, traversent le voile qui sépare le monde des vivants de l'Annwyn.

Comme les tambours martyrisés par des mains avides, ils dansent dans la foule inconsciente de leur présence tourmentée, entre les brasiers que l’on allume en prévision de la célébration.

Célébration de la vie.

Célébration du mystère.

Walpurgisnacht.

**********

Le tic-tac de l’horloge égrène le temps inlassablement. Dans la bibliothèque, pas un souffle de vie, pas un bruit, hormis ce son irritant, monotone.

Lorsque la porte s’ouvre pour laisser passer Albus, le grincement se réverbère dans l’espace clos. Le professeur de métamorphose grimace. Il n’aime pas être remarqué.

Pas de cette façon.

- Oh, Albus, c’est vous ! sursaute Irma Pince, bibliothécaire impitoyable. Vous ne vous rendez pas à la célébration ? Je croyais que tous les professeurs…

Albus sourit plaisamment.

- Je me suis porté volontaire pour la surveillance des élèves, dit-il. Je suis venu emprunter un livre afin que ma ronde soit plus plaisante.

- N’oubliez pas de venir le reporter avant la fin de l’année, le dispute-t-elle sévèrement. Je ne voudrais pas avoir à lancer des accio dans vos appartements afin de récupérer la propriété de l’école ! L’année dernière m’a suffi !

Il a la grâce de rougir, mais sous le ton pincé de la femme, il perçoit le frémissement, l’attente. Il soupire.

- Je vous le promets, répond-il, un mince sourire aux lèvres, car il sait que ses paroles ne sont que brise, comparées à la tourmente qui agite son âme.

Elle le regarde. Sa retenue est visible.

- Vous devriez y aller, lui fait-il remarquer doucement. Cela va commencer bientôt.

- Albus… ne le ressentez-vous pas ?

Et son ton est suppliant, nostalgique, avec cette fébrilité sous-jacente, et il ne peut qu’hocher la tête, non, il ne le ressent pas, c’est pourquoi année après année, il se porte volontaire pour demeurer à Poudlard, lorsque les autres enseignants attendent impatiemment que le soleil se couche afin de s’éclipser dans les collines jouxtant Pré-au-Lard. Alors elle hoche la tête à son tour et le quitte, car elle ne peut plus attendre, l’appel de l’esprit, de la chair, de la magie est trop fort, et la porte se referme dans un claquement sourd qui se réverbère à nouveau dans la bibliothèque redevenue silencieuse.

Albus laisse échapper un bref soupir de regret.

**********

Fête de feu, et le soleil se couche lentement, embrasant le ciel.

Fête de joie, et les sourires sont exubérants, les rires cristallins.

Fête de fertilité, et les regards sont appuyés, les frôlements de plus en plus précis.

Les brasiers chassent les ombres, les souvenirs, l’individualité même. Bientôt, les esprits, les corps seront un, tous unis dans la gloire de leur héritage renouvelé.

Bientôt.

Bientôt.

L’attente se fait éprouvante, oppressante.

Chacun s’en remet à la magie qui les habite, car c’est ce soir qu’elle est la plus forte, c’est ce soir qu’elle réclame son dû.

Et son dû elle obtiendra.

**********

Ses pas le mènent au hasard entre les rayonnages, tandis que le tic-tac de l’horloge martèle ses pensées. Il a menti, bien sûr - il n’est pas venu chercher un livre, mais un refuge.

Un refuge contre les souvenirs, contre l’oppressant appel qui le tourmente nuits et jours, ce soir surtout, l’appel auquel il refuse de céder, celui qui supplante l’appel de la magie, celui qui n’a de cesse de lui répéter viens, viens, ne te bats plus, rejoins-moi, nous ne sommes pas faits pour être séparés, Kedvesem, viens à moi, viens à moi, cet appel auquel il se refuse de penser mais contre lequel, un jour, il ne pourra plus résister.

Et alors, que se produira-t-il ?

Il ne veut pas y songer. Il ne veut pas imaginer quelle parcelle de lui-même se découvrirait au grand jour s’il venait à céder, s’il se laissait aller vers cette tentation irrésistible qui sommeille en lui.

Sa main se lève, saisit un livre au hasard. Le regard trouble, aveugle de souvenirs, se pose sur la couverture - Faust, bien sûr.

Albus hoche la tête, sans sourire. Il n’y a pas de hasard. Ni hasard, ni destin - il le disait, autrefois.

Que reste-t-il, alors ? demandait Albus, les yeux candides.

Le libre arbitre, répondait l’autre, et son sourire l’intoxiquait, mais pas aussi bien que ses baisers, pas aussi bien que sa peau contre la sienne. Il l’intoxique si bien, encore aujourd’hui, qu’à présent, près de cinquante ans plus tard, il se trouve toujours incapable de répondre à l’appel d’un sourire qui n’est pas le sien, d’un corps, d’un esprit qui n’est pas le sien.

Il ne le désire pas, du reste. Une fois lui a suffit.

Lentement, il s’assoit à cette table, près de la fenêtre. Celle où il aimait, étudiant, rêver en contemplant le monde dont il n’était séparé que par une plaque de verre. Il sait désormais que la vitre derrière laquelle il contemple le monde n’est plus celle, tangible, de la bibliothèque.

Sur la surface de bois patiné, deux grimoires gisent, oubliés par les élèves qui les consultaient précédemment.

Le premier, vieux de plusieurs siècles, peut-être, traite des fêtes sorcières - un étudiant ressentant pour la première fois les émois de Beltane, certainement, l’a laissé ouvert au chapitre correspondant. Quand à l’autre…

Les yeux d’Albus se ferment brièvement.

Les Contes de Beedle le Barde.

Bien sûr.

**********

La lune se lève, et avec elle les esprits s’échauffent. Le vent lui-même, frisquet, ne parvient à étouffer le feu qui brûle en chacun.

Cela doit être ainsi.

Un lent frisson parcourt l’assemblée, alors que les brasiers semblent soudain plus vifs, la nuit plus noire.

Le mince croissant se découpe nettement contre le velours du ciel. C’est une chance qu’elle ne soit pas pleine pour la cérémonie, nul ne supporterait son appel irrésistible - mais elle le sera sous peu, comme chaque femme le sait, le sent dans le secret de son âme.

Toutes, elles s’offrent pour un enfant de Walpurgisnacht.

**********

Par un accès de pur masochisme, c’est vers le recueil de contes qu’il tend la main. Ses doigts effleurent la couverture de cuir usée, patinée par le temps. C’est un exemplaire tout semblable à celui qu’il possédait, autrefois - écrit en runes anciennes, orné de ce petit symbole dans le coin supérieur gauche, celui qui atteste de l’authenticité du volume.

Albus observe ses mains un moment, ces mains dont la peau plus fine, plus usée qu’autrefois contraste avec ce volume qui n’a rien perdu de sa fraîcheur d’antan. Puis, s’en remettant au destin - au hasard - à son libre arbitre, il l’ouvre.

Le sorcier au cœur velu, dit le titre du conte.

Il n’est pas surpris.

Avec un mince sourire, il se remémore ses propres pensées - le verre derrière lequel il observe le monde sans y prendre part ressemble fort au coffre dans lequel le sorcier enferme son cœur.

À la différence que la tour dans laquelle il s’abrite lui permet de voir - seul lui est interdit le ressenti. Le verre est transparent. Il ne sert qu’à contenir la souffrance, sa souffrance, non à le couper du monde.

… n’est-ce pas ?

Fatigué, il repousse le grimoire de Beedle. Il n’a pas envie de se livrer à ce genre d’introspection cette nuit. Surtout pas cette nuit.

Son regard glisse sur l’autre livre.

… le rituel par lequel chaque sorcier renouvelle sa magie. Les manifestations de l’effet de la célébration sur le psychisme du sorcier éveillé à sa propre magie sont généralement ressenties comme un tiraillement de plus en plus présent qui débute au coucher du soleil et ne s’apaise qu’à l’aube du 1er Mai. Souvent confondu avec le désir, rares sont ceux qui échappent à…

Ne pouvant en supporter davantage, il referme le bouquin afin de ne plus voir les phrases qui dansent devant ses yeux. Mais c’est inutile - déjà, sous l’effet de son appel, les souvenirs reviennent à l’assaut, embrument sa conscience.

**********

Les souffles sont oppressés.

Les corps se frôlent.

La fébrilité est à son comble. Ils ne peuvent supporter cette attente - c’est la vie qui sera célébrée cette nuit, leur nature profonde qui sera renouvelée.

Inutile de patienter plus longtemps !

Le moment est venu.

Les membres sont indissociables les uns des autres - à qui appartient ce bras, cette jambe ?

Quelle importance ?

Hommes, femmes, ils se mêlent, s’entremêlent, sans souci de savoir qui est leur partenaire cette nuit. Tous, ils en sont dignes.

Tous, peu importe les différents anciens, les rivalités mesquines.

Le temps n’est plus aux questionnements stériles.

**********

Tu es né le jour de Lammas ! s’était-il exclamé, stupéfait, et Albus avait sourit, car il était si difficile de le surprendre.

C’est un signe, avait-il repris, glissant ses doigts dans les cheveux si roux, à l’époque. J’ai été renvoyé de Durmstrang juste avant Walpurgisnacht, nous nous sommes rencontrés pour le solstice de Litha et voilà que ton anniversaire a lieu… am Vorabend des Augusts… le premier août. Il avait hoché la tête. Où serons-nous pour Alban Elfed, à l’équinoxe de septembre ? avait-il ajouté d’un air taquin.

Concentré sur les doigts déliés sur son crâne, Albus n’avait pas pris la peine de lui faire remarquer qu’il se contredisait, qu’un « signe » n’était pas un exemple foudroyant de libre arbitre. Il s’était tût, car en réalité, il aimait bien l’idée que leur rencontre ait été prédestinée.

Prédestinée au malheur. Albus hoche la tête. Il ne doit pas l’oublier.

Il se lève, se force à chasser les souvenirs. Il n’aurait pas dû venir ici. La vision des étagères couvertes de livres ne peut que lui rappeler inlassablement la bibliothèque de la demeure de Mme Bagshot, son sourire juste avant qu’il ne l’embrasse, juste avant qu’il ne presse son corps contre le sien, calé entre la table d’étude et l’étagère, juste avant qu’ils ne…

Non ! Non, pas ça, pas ce souvenir-là, pas ce soir, pas ce soir, pas alors que la magie est prête à fondre sur lui, à déchirer les barrières qu’il a élevées afin de se prémunir de cet appel qui se fait plus pressant, qu’il entend clairement à présent, auquel il a envie de répondre reviens, reviens, ne me laisses plus seul, j’ai besoin de toi, tu es si loin, Liebster, reviens-moi, reviens-moi, cette réponse qu’il ne peut laisser franchir ses lèvres, ni même les limites de ses pensées, cette réponse que tant de gens condamneraient, ceux qui le supplient de leur venir en aide depuis plus de cinq ans maintenant…

La tête enfouie entre les mains, Albus laisse échapper un gémissement d’agonie.

**********

L’homme marche entre les couples sans se soucier de la débauche extatiques à ses pieds, sans se laisser toucher par la frénésie dont chacun est ici victime. Ses cheveux blonds étincellent à la lueur des feux. Son regard est féroce.

Il a présidé à la cérémonie, comme l’exige le devoir lié à sa charge, mais à présent, il désire être seul. Sans un mot, il repousse l’homme qui pose sa main sur sa hanche, qui lui lance un regard suppliant. Ce soir, il n’est pas d’humeur à jouer. Il ne ressent pas les émois de cette nuit.

Il ne les a plus ressentis depuis… Lui.

Lentement, il gravit les marches de pierre qui le mènent au sommet de la tour. Ici, seuls ses souvenirs pourront lui tenir compagnie, s’il leur permet seulement de l’accompagner.

Il verse du vin dans une coupe, porte machinalement la coupe à ses lèvres. Il contemple la plaine en contrebas. L’homme qui l’a arrêté précédemment s’est couché auprès d’une jeune femme blonde qui l’a accueilli avec tendresse, mais ce n’est pas ce couple qui attire son attention.

Juste un peu plus loin, deux jeunes gens sont étendus, visages et corps en ombres chinoises. Ce sont les cheveux de la femme qui ont accroché son regard.

Rouges.

Aussi rouge que le vin qu’il porte à ses lèvres.

Aussi rouges que ceux de ses souvenirs les plus amers.

Aussi amers que le goût du vin dans sa bouche.

Il termine sa coupe, la projette contre le mur.

Puis, il prend la plume.

**********

L’aube est encore rosée quand Albus, hagard, reprend ses esprits.

La nuit a été longue - de cette plongée dans sa mémoire, il en retient le vertige, la sensation d’échapper à la réalité, alors que l’appel l’attirait toujours plus bas, toujours plus profond, loin dans ses souvenirs.

À présent qu’elle est terminée, qu’il se relève lentement, jambes tremblantes, il réalise que l’appel s’est tût. Il a tout donné cette nuit. Tout. Même sa voix, qui résonnait encore en lui, moins de quelques heures plus tôt. La magie s’est renouvelée, malgré lui.

La guerre n’est peut-être pas encore gagnée, mais il s’est vaincu lui-même et la victoire, ce matin, est sienne.

Pour la première fois, il envisage de le revoir.

Pour l’arrêter.

Le tuer, il en sera à jamais incapable.

Un tapotement contre la vitre interrompt ses pensées. C’est d’un geste calme qu’il ouvre la fenêtre. Il laisse la chouette se poser sur son bras.

Il n’est pas réellement surpris.

La missive est enroulée sur elle-même, exactement comme autrefois. Les mains tremblantes, il la déroule - la cursive soignée, méticuleuse, n’a que peu changé depuis leur jeunesse.

Kedvesem,

Personne ne devrait être seul pour Walpurgisnacht… ou, si tu préfères, Beltane, ainsi que tu appelles cette nuit chez toi.

Cinq années que l’on me menace de faire appel à toi. Cinq années qui passent sans le moindre signe de ta part.

Nos retrouvailles n’ont que trop tardé.

Viens.

Je t’attends.

Gellert

Il laisse tomber le morceau de parchemin. Inutile de prétendre - ces mots le touchent toujours, malgré la force qu’il a gagnée cette nuit. Mais ce n’est pas irrémédiable, il en est conscient.

Sans prendre la peine de récupérer sa lettre, il tourne les talons. Ses appartements ne sont pas loin - il y trouvera sa cape d’hiver.

Il a un voyage à entreprendre, au bout duquel il craint de trouver le froid.

Avant de sortir de la bibliothèque, Albus remet Faust à sa place. Il n’a pas besoin de le relire, il en connait chaque mot. L’écho d’une strophe résonne à présent en lieu et place de l’appel qui était autrefois si pressant, et qui n’est à présent plus rien, plus rien.

Tout va périr ; et, moi, je m’achemine
Vers le Blocksberg pour la dernière fois ;
Déjà mon vase est troublé. Je le vois,
Le monde touche à sa ruine.

... pas taper...? ^^;

section:fêtes, irma pince, fanfic, albus dumbledore, gellert grindelwald

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