Titre: Le temps d'avoir du temps
Auteur: drakys
Fandom: d.gray-man
Personnages: reever, komui et un tout petit brin de miranda
Rating: PG
Disclaimer: katsura hoshino
Notes: fic de noël écrite pour
flo_nelja.
Il n'était pas quelqu'un de particulièrement difficile: il n'y avait qu'un tout petit nombre de choses qu'il détestait et l'une d'entre elles, c'était de se réveiller parce qu'il n'arrivait plus à respirer. Reever ouvrit donc les yeux, cherchant pour quelle encore obscure raison l'air ambiant refusait cordialement d'aller faire des coucous à ses poumons.
Il y avait une longue liste d'explications possibles, la première était sa fâcheuse tendance à dormir n'importe où barre oblique n'importe comment quand il était vraiment crevé et il était plausible, dans son genre de travail, de s'endormir et continuer à roupiller même si une pile de bouquins lui tombait dessus. Ça lui était déjà arrivé, c'était Johnny qu'il l'avait sauvé d'un mort certaine par ingestion d'une dose excessive de poussière. Avec le nombre d'heures de sommeil auxquelles les malheureux membres du département scientifique avaient droit, il ne fallait rien de moins que la fin du monde pour les réveiller quand on leur accordait deux ou trois heures pour recharger leurs batteries.
Reever réalisa d'abord qu'il était sur le dos. Ce qui était un excellent signe, parce que d'habitude, il s'écrasait en boule dans un coin de son lit dans l'espoir de se perdre dans quelque détour des draps et qu'on oublie qu'il existe, donc qu'on ne vienne pas le chercher pour qu'il retourne travailler, et effectivement, parfois ça coupait un peu l'air entrant, surtout quand il s'enfouissait la tête sous l'oreiller. Il réalisa ensuite que Komui était assis sur sa poitrine.
Ça expliquait très bien pourquoi il se sentait si lourd et pourquoi il commençait à étouffer.
Puis, il s'attarda sur un détail un rien plus intéressant: qu'est-ce que Komui faisait dans sa chambre, tout son supérieur qu'il était et surtout, qu'est-ce qu'il faisait installé confortablement en tailleur sur son torse avec un air si guilleret?
"...Grand Intendant Komui?"
Reever savait mieux que de relâcher sur la politesse quand on risquait de se faire écraser à mort par un chinois qui vous souriait d'un air bizarre.
"Ah, tu es réveillé!", s'exclama Komui, de l'air de quelqu'un qui n'était pas du tout assis sur le torse de son prochain. "C'est parfait, parfait!"
Le pauvre australien commençait à voir des étoiles qui ne lui rappelaient aucune constellation précise, mais en fait, c'était plutôt des points blancs qui dansaient devant ses yeux, signes annonciateurs d'un évanouissement prochain. Pas que la précision lui importait à ce moment précis, enfin, pas quand il allait certainement mourir bientôt.
"Grand Intendant Komui!", répéta-t-il, mais en y mettant une certaine mesure de panique.
Komui, dans un grand élan de générosité, ou peut-être parce que ça cadrait dans l'horaire qu'il s'était fixé, sauta en bas du lit. Ce qui n'était qu'un exploit de petite taille, vu la hauteur du lit en question et le niveau de risque quasi nul de la manœuvre. Le blond se redressa et inspira profondément, ses poumons hurlant silencieusement leur contentement. Puis, réalisant que son apparence devait faire négligé, il essaya d'aplatir ses cheveux et de leur redonner un semblant d'ordre. Bon d'accord, ses cheveux partaient habituellement n'importe comment comme ça leur plaisait, mais c'était bien pire quand il sortait tout juste du lit. Ce que, techniquement, il n'avait pas tout à fait encore accompli.
"Qu'est-ce que vous voulez?"
Normalement, eut-il été encore nouveau et naïf, il aurait poliment demandé En quoi puis-je vous aider?, mais c'était pile le genre de questions qui avait le chic d'attirer les conséquences néfastes. Comme de se retrouver à moitié nu au-dessus d'un grand bassin de liquide bouillonnant dans lequel une chute planifiée ou non était de toute évidence la promesse d'une mort certaine. Pour tester la résistance à la chaleur d'un nouveau type de corde.
"C'est une surprise!", s'écria Komui et réapparaissant soudain à un centimètre et demi de son visage, tout sourire, dents blanches et haleine fraîche à l'odeur de menthe. Ou à l'odeur de menthe fraîche.
Komui lui tendait une chemise propre et sa cravate et Reever fronça les sourcils. Bien sûr, la logique aurait voulu qu'il s'oppose farouchement à la quelconque nouvelle façon de le torturer que l'énergétique chinois venait de toute évidence de développer, mais il arracha plutôt sa cravate des mains de l'autre homme, accompagnant le geste d'un regard noir.
"Ça faisait à peine une heure que je dormais!
- Oh, tu es chou quand tu fais cette tête-là!", s'extasia Komui, sans demander pardon, de toute évidence.
Reever cligna des yeux, grinça des dents et envisagea sérieusement d'étrangler l'autre homme et cette façon ridicule qu'il avait d'essayer d'entrer dans ses bonnes grâces. Ça lui permettrait d'avoir la paix pour dormir, mais la perspective de passer le restant de ses jours au fond d'une prison pour meurtre le découragea de mettre à exécution son idée.
Le chinois fit apparaître une tasse de café dans ses mains et le blond allait le remercier d'au moins avoir eu la générosité de lui apporter un peu de carburant, mais Komui prit une gorgée en le fixant, l'air de dire 'non mais allez, dépêche-toi maintenant!'. L'idée de l'étrangler retrouva un chemin détourné par lequel revenir dans les pensées de Reever. Il s'appliqua à retrouver le mécanisme complexe par lequel on arrivait à attacher une chemise et, ayant vaincu la sadique ligne de boutons, décida de se lever.
Dans le meilleure des mondes, il aurait pris une douche, se serait rasé et aurait trouvé une paire de pantalons pas trop sales quelque part sous un rapport à moitié complété ou dans la tasse de café de la veille, mais Komui le tirait présentement vers la porte, avec une insistance qui semblait impliquer qu'il devait se balader au quartier général en chemise, cravate et boxers à pois. Au passage, Reever attrapa de justesse des pantalons abandonnés sur le dossier d'une chaise et réussi à sautiller, se vêtir et suivre Komui tout en même temps.
***
Le périple les mena du point A, la chambre de Reever, au point B, le bureau de Komui.
Comme Komui était Komui, la ligne ne fut que relativement droite, parce que l'escalier P était charmant, même s'il impliquait un détour considérable et que 'oh, passons donc aux cuisines pour prendre de quoi grignoter' et 'zut, j'ai oublié un cahier de notes dans mon laboratoire', 'je n'entre pas là-dedans!', 'oh, vous avez peur de quoi?'
Bref, le périple les mena finalement au bureau de Komui.
Bureau qui, outre un rideau suspendu au milieu de la pièce pour cacher quelque chose, était absolument fidèle à l'image que Reever en gardait. Fidèle en tout point, jusqu'à la moindre pile des documents que le chinois aurait dû lire, signer et classer depuis la dernière fois qu'il l'avait visité. Le blond fronça les sourcils, d'une manière prononcée même et il devait y avoir quelque chose sur son visage trahissant comment fort il allait hurler, parce que Komui détourna habilement son attention.
"TADAM!"
Komui tapa des mains un coup et le rideau fut soulevé et la nouvelle exorciste, Reever plissa les yeux à essayer de se souvenir son nom, fut soulagé en réalisant qu'il se rappelait que c'était Miranda, apparue, un peu décontenancée, un peu perdue, en tortillant ses mains nerveusement. L'australien soupira, voulut demander qu'elle excuse les lubies nombreuses et surtout stupides du chinois, mais Komui les fit sursauter tous les deux d'un second TADAM! gueulé de toute la force de ses poumons qui n'avaient pas été écrasées par le poids de quelqu'un d'autre assis sur sa poitrine.
"Tadam quoi?", demanda Reever, ne voyant pas trop où était matière à tadamer comme ça, deux fois plutôt qu'une.
Komui piétina et fit la moue, croisa les bras avec un hmpf! qui avait toutes les intentions de bien faire comprendre à Reever qu'il était un imbécile doublé d'un crétin, potentiellement croisé avec un ou deux gène de taré profond et quelques autres d'individus tous aussi respectables. N'écoutant que sa patience limitée à cette heure avancée de la nuit, ou du matin, il n'était pas certain, le blond soupira et menaça fort de se détourner.
"Je retourne dormir."
Il se détourna même complètement et il y eut un Non! à réveiller les morts et peut-être aussi la moitié du QG et soudainement, les bras de Komui l'encerclaient, solidement en plus. Ses jambes s'étaient aussi enroulées autour de lui et Reever décida que les talons brutalement enfoncés dans ses cuisses pourraient peut-être sous peu parvenir à un niveau comparable de douleur à celui de quelque chose de très déplaisant. Pas aussi déplaisant que d'être suspendu au-dessus d'un grand bassin de liquide bouillonnant dans lequel une chute planifiée ou non était de toute évidence la promesse d'une mort certaine, mais quand même.
Le blond dut faire quelques pas rapides pour conserver son équilibre et une position verticale, par opposition à s'écrouler par terre et se fracasser le crâne contre une pile de bouquins. Il se demanda comment un truc rachitique et maigrichon comme Komui pouvait peser autant. Il devait cacher une brique sous son béret. Ou c'était les cinquante kilos de photos de Lenalee qu'il planquait dans les poches de son sarrau.
Une joue s'écrasa contre son dos, le chinois était en train de geindre comme une bête blessée.
"Non, j'ai besoin de ton aide!"
Reever voulut hurler. Quelque chose, n'importe quoi, peut-être seulement un cri primordial de rage ou d'un sentiment similaire, ou encore pour exprimer combien à ce moment précis il aurait voulu être ailleurs. Comme au fin fond de la petite bourgade australienne d'où il venait, où il y avait peu de débouchés, mais pas de Komui. Ou à la limite, juste au fond de son lit, ça aurait été chic.
"Pour faire quoi?", finit-il par demander, suspicieux.
"À quand remonte ta dernière bonne nuit de sommeil?", demanda Komui, index et pouce encadrant savamment son menton.
Bien sûr, son index et son pouce encadrèrent savamment son menton une fois qu'il eut libéré l'autre homme et qu'il se soit planté devant lui, pour s'assurer que plus aucune fuite n'était possible.
"...L'année dernière?", offrit Reever.
Il se rappelait vaguement une excellente blague qui avait mal tourné et comment un innocent gobelet d'eau s'était révélée dangereusement rempli de somnifères. Assez pour le plonger dans le coma pendant trois jours. Komui avait, parait-il, failli péter les plombs quand il s'était écroulé comme une masse, au milieu d'une phrase qui avait certainement dû être 'arrêtez de roupiller et signez ces damnés formulaires!'.
"Excusez-moi", interrompit Miranda.
Enfin, c'est ce que Reever déduit, parce que ses lèvres avaient à peine bougé et qu'il y avait à peine quelque chose comme un petit filet d'une voix tremblante qui était sorti. Komui fut aussitôt sur elle et ce qu'elle allait dire ensuite sembla mourir dans sa gorge avant même que l'air pense aller faire mumuse contre ses cordes vocales. Il pointa, d'une façon fort théâtrale, fort exagérée et Reever sentit le besoin irrépressible de rouler des yeux. Ce qu'il fit aussitôt.
"Retour en arrière!", annonça le chinois, en pointant toujours un point invisible au plafond, mais avec aussi un éclat malsain dans un coin de ses lunettes.
Par automatisme, ou peut-être par pure terreur au contact de l'autre main de Komui, qui serrait son épaule comme pour ne pas qu'elle s'échappe, Miranda activa son Innocence. Il y eut un effet de lumière, ou de son imagination, pensa Reever, et soudain, il n'était plus fatigué. Plus fatigué du tout.
Ça aurait été l'occasion de faire des oh! et des ah!, mais Komui relâcha Miranda aussi subitement qu'il l'avait capturée et fonça droit sur Reever. Avant de le percuter, il s'arrêta et désigna son bureau d'un geste large, tout sourire, tout éclat malsain dans un autre coin de ses lunettes.
"Maintenant, tu es en forme pour m'aider à classer tout ça! Et comme on triche le temps, je n'ai même pas besoin de te payer d'heures supplémentaires!"
Le blond se pencha et commença à ramasser les livres abandonnés par terre, avec un calme exemplaire. Il coinça une pile entre sa poitrine et son bras droit, gardant un livre supplémentaire dans sa main libre. Il se releva lentement, fit un grand sourire à Komui qui le lui retourna, tout fier de voir que son plan avait fonctionné et qu'il pouvait aller se cacher derrière son bureau pour dormir subtilement comme Reever rangerait tout pour lui. Reever le dépassa d'un quart de pas, d'un demi pas, d'un pas en entier.
Et bam! La tranche du bouquin que l'australien tenait à la main percuta soudainement la nuque de Komui, qui se retourna aussitôt, massant la partie meurtrie de son anatomie. Le visage de Reever était très très près du sien et ses yeux avaient une qualité obscure qui ne promettait rien de bon.
"Si je vous vois ne serait-ce qu'essayer de dormir derrière une pile sur votre bureau, vous allez le regretter."
Komui le fixa et hocha la tête le plus lentement possible, soudain convaincu qu'un le moindre mouvement brusque allait causer sa perte. Reever avait sur les traits de son visage l'expression de l'homme qui était tout à fait prêt à dépecer son prochain avec ses ongles et ses dents. Une fois libéré du regard meurtrier, Komui soupira bruyamment, soudainement plus très chaud à l'idée d'utiliser l'Innocence de Miranda: quel intérêt s'il fallait qu'il bosse honnêtement?
"...J'aurais dû te laissez dormir", grommela-t-il.
Peu importe ses multiples et vocales protestations futures, Reever ne céda jamais: Komui avait complètement et hors de tout doute raisonnable mérité que l'épais Dictionnaire de Physique et de Mécanique Appliquée lui tombe un peu malencontreusement en pleine tronche.
(19 octobre 2007)