Titre: L'enfer du dimanche
Auteur:
owlie_woodEquipe/Joueurs: OC (staff et équipe des Wigtown Wanderers)
Catégorie: Entraînement
Rating: PG
Note de l'entraîneur: Bon, c'est tout moisi et cliché, mais c'est fait.
"L'enfer du dimanche" est la traduction du titre d'un film sur le football américain. Pour "L'enfer du dimanche"? Parce que les matchs se déroulent ce jour là! Cet Os aurait aussi pu s'appeler "La chance n'existe pas".
L’enfer du dimanche
- Miss Livingstone, s’il vous plaît ?
Et voilà… C’était à prévoir. Après tout, c’était son idée. Il l’avait d’ailleurs, à plusieurs reprises, mise en garde.
Mais non, mademoiselle était têtue, mademoiselle n’en faisait qu’à sa tête. Mademoiselle aurait donc à se sortir seule de ce mauvais pas. En tous cas, lui n’interviendrait pas.
Un sourire désolé aux lèvres, la jeune femme s’excusa.
- Je serai ravie de répondre à vos questions lors de la conférence de presse. Pour l’instant, j’ai des affaires urgentes qui m’attendent.
Le ton était poli, la voix calme et posée. Si Ferris ne connaissait pas aussi bien Libby, même lui s’y serait trompé. Avec grâce et assurance, elle se dirigea vers la porte de la salle que le club avait mise à disposition de la presse à l’occasion du match et qu’il lui avait ouverte. Malheureusement, faire en sorte que cette fuite soit naturelle l’avait aussi rendue trop lente. Chose que tous deux avaient tenté d’éviter, un début de question accompagna leur départ.
- Que pouvait faire votre équipe face au dispositif mis en place par les Arrows aujourd’hui et l’excellent match de Runner qui…
Ferris, assistant de la présidente et porte-parole du club des Wigtown Wanderers, suivit le pas décidé de sa patronne dans le labyrinthe des couloirs du stade. Une fois à l’abri des oreilles et des plumes indiscrètes, Libby Livingstone laissa enfin sa colère éclater.
- Bordel de merde, ce n’est pas vrai ! s’écria-t-elle quand ils atteignirent la zone interdite aux visiteurs.
Là, il retrouvait la Libby qu’il connaissait. Prompte à la colère quand son équipe perdait. Il avait dû, au fil des années, trouver maints prétextes justifiant ses emportements. Le poids reposant sur les épaules de la jeune héritière, la pression que son poste lui conférait, sa nature joueuse et son implication dans la réussite du club… La presse adorait.
En réalité, Livingstone ne supportait tout simplement pas l’idée de défaite. Encore moins dans les conditions de cette journée.
- Lib’, soupira-t-il pour tenter de temporiser. Je t’avais dit de ne pas aller voir le match avec eux. Tu as la tribune présidentielle pour toi !
- A quoi cela m’aurait servi aujourd’hui ? s’écria-t-elle furieuse. A voir d’encore plus près quelle bande d’incompétents je me ruine à payer ?
- Ils ont fait de leur mieux, tenta Ferris lentement.
- Alors ce n’est pas suffisant ! rétorqua-t-elle sèchement.
Son cri résonna dans le couloir. Essoufflée, elle prit quelques secondes pour reprendre son souffle et se força à inspirer profondément, acceptant de laisser sa rage retomber. Ferris avait vu ses rages les plus noires. Ce n’était donc pas par égard pour lui qu’elle se calmait mais simplement parce qu’elle venait d’avoir une idée.
- Réunion de crise dans mon bureau, déclara-t-elle en tournant les talons. Amène-moi Puck et Salinger.
Au nom de l’assistant de l’entraîneur, il ne put empêcher ses sourcils de se froncer.
- Tu es certaine de ne pas vouloir passer un savon à Portman directement ?
Elle se tourna vers lui, un petit sourire aux lèvres.
- Non, il recevra le second prix avec les joueurs… Les spectateurs et la presse attendent cela. Et puis, nous allons parler de choses qu’il n’apprécierait pas.
Sans se laisser troubler par ce que sa patronne sous-entendait, Ferris opina du chef et disparut dans les couloirs.
oOo
Libby Livingstone monta directement à son bureau sans prendre la peine d’adresser un sourire compatissant aux employés de la maison qu’elle croisait. Ils avaient vu le match, ils savaient pertinemment ce qu’elle devait penser. Fermant derrière elle la lourde porte sur laquelle était accrochée une plaque en or où « présidence » était gravée, elle poussa un profond soupir et repoussa pour l’instant toutes pensées autres que le plan qu’elle venait de concevoir.
Les comptes qu’elle allait devoir rendre et la défense qu’elle adopterait attendraient. Elle contourna la table en bois précieux et se laissa tomber dans le fauteuil en cuir. La clameur du stade lui parvint alors. Elle se força à jeter un coup d’œil par la grande baie vitrée lui offrant une vue imprenable sur le stade. Les supporters acclamaient leur équipe récompensée pour avoir été battue. A domicile et sous leurs yeux.
Un ricanement lui échappa.
La dernière fille d’Angus Livingstone laissa sa tête aller contre le haut dossier de son fauteuil. Cela faisait désormais trois longues années qu’elle avait prit la tête du club. Elle gérait dépenses et entrées d’une main de maître, avait remis à flot la machine, trouver de nouveaux investisseurs, fait venir de grandes stars. La réussite sportive pourtant la fuyait. La seule chose qui finalement comptait.
Son père estimait que prendre la tête des industries Firewhisky, propriété exclusive et enviée du clan Livingstone depuis des centaines d’années, ne pouvait se faire qu’en s’illustrant dans le club que la famille possédait. Son frère aîné avait remporté le championnat deux années consécutives et occupait désormais à l’une des places clés de la société, prêt à succéder à leur père quand celui-ci raccrocherait.
Libby n’y était toujours pas parvenue. Elle n’apparaissait, du coup, pas assez légitime pour prendre part aux affaires de la société. Libby s’en contrefichait. Rester au club ne la gênait pas. Son frère aimait le pouvoir, elle aimait la victoire. Les choses pouvaient rester ainsi.
Ce n’était pas pour une question de promotion qu’elle désirait tant gagner. Simplement pour une histoire de respect.
Cela ne pouvait plus durer.
Trois légers coups furent frappés à la porte qui s’ouvrit, sans attendre un quelconque assentiment, juste après. La tête de Puck ne tarda pas à apparaître dans l’encadrement.
- Mme la Présidente ?
D’un geste de la main, elle l’invita à entrer. L’avocat du club, petit homme rondelet qui n’avait rien à envier en malice à l’elfe de Shakespeare, s’avança vers le bureau. A l’aide de sa baguette magique, elle lui fit apparaître un fauteuil. L’instant d’après, son assistant revenait avec Salinger, le second de l’entraîneur, peu surpris de cette invitation. Une fois installés, elle dévisagea tour à tour chacun des trois hommes. Une ultime hésitation passée, elle prit la parole.
- Je suppose que vous savez pourquoi vous êtes là… déclara-t-elle lentement, les mains croisées devant elle.
Aucun d’eux ne prit la peine de répondre. Seuls les cris provenant du stade rompirent le silence.
- Plus jamais ça ! reprit-elle lentement d’une voix où grondait la menace. Je ne veux plus jamais voir un score de la sorte s’inscrire sur le panneau lumineux de mon stade. Je ne veux plus voir mon équipe perdre, à domicile, un match de cette importance… Pathétique, cracha-t-elle. Ils étaient tout simplement pathétiques.
Libby s’interrompit alors pour reprendre son souffle. C’est en entendant l’écho de sa voix dans l’immense bureau qu’elle occupait qu’elle réalisa qu’elle s’était à nouveau mise à crier.
- Je suis prête à supporter de me faire lyncher demain dans la presse, reprit-elle d’une voix qu’elle essaya de rendre plus posée. Ainsi que tout à l’heure, lors de la conférence de presse. Je le ferai. Je suis prête à assumer totalement cette défaite. A la simple condition que je sois certaine que cela ne puisse plus arriver.
- Les Arrows étaient meilleurs, vous le savez, tenta Salinger, l’assistant de l’entraîneur, mal à l’aise.
La présidente des Wigtown Wanderers sentit un sourire étirer doucement ses lèvres.
- Je ne veux pas d’excuses, répliqua-t-elle froidement. Je veux des solutions.
Les trois hommes échangèrent un regard circonspect. Comme elle s’y attendait, Libby aurait donc à mieux le leur expliquer.
- Que les choses soient claires, reprit-elle en s’enfonçant un peu plus dans son fauteuil, j’ai des tas d’impératifs et malheureusement plus de liquidités à investir dans le club. Vous voulez des moyens pour acheter des joueurs la saison prochaine ? Il vous faut de l’argent. Et pour que je vous en donne, il faut que les supporters prennent un abonnement, il faut que des spectateurs achètent des places. Il faut que des marques nous sponsorisent. Pour ça, il faut que le club soit vu, connu et respecté au-delà de notre petite Ligue. Je veux des résultats. Je veux l’Europe. Je me moque de la première place, du titre et du championnat. Je veux cette foutue troisième place qui m’assurera une entrée en Coupe d’Europe la saison prochaine.
Ses interlocuteurs la dévisagèrent sans mot dire, envisageant à peine maintenant la solution qu’elle allait leur proposer.
- Dans trois jours, fit-elle d’une voix lente, le hasard du calendrier veut que les Arrows reviennent jouer ici, pour la 23ème journée du Championnat. Vous les battrez.
Ce n’était ni une demande, ni un conseil. Il ne s’agissait pas non plus d’un ordre. Libby Livingstone venait d’énoncer un fait. Aucun des trois hommes n’en doutait. Comme elle venait de l’annoncer, ils gagneraient. Restait à savoir ce qu’elle avait prévu à cet effet.
- Runner réalise la meilleure saison de sa carrière, signala Salinger les sourcils froncés. Miss Livingstone, on ne peut rien faire contre ça. C’est un vrai problème pour nous.
- Faites en sorte qu’il n’en soit plus un ! répondit-elle, un sourire aux lèvres.
Elle vit l’assistant de l’entraîneur, incrédule, se tourner vers l’avocat et Ferris pour s’assurer de ne pas avoir rêvé, avant de se fendre d’un ricanement nerveux et gêné. Il venait à peine de réaliser ce qu’elle lui demandait.
- Vous voulez que… demanda-t-il d’une voix faible avant de s’interrompre.
- Je veux que mon club joue l’Europe, répondit-elle calmement. Et je suis prête à tout pour ça.
Laissant Salinger se remettre du choc, elle se tourna vers Ferris, sachant par avance que son éminence grise aurait une idée.
- Un coup à la tête dans les cinq premières minutes du match et cela devrait être réglé, expliqua-t-il en se levant et en allant s’adosser au mur le plus proche. Jamais on ne laissera un joueur commotionné continuer à voler, par simple mesure de sécurité. Runner ne pourra pas être remplacé et s’il devait l’être, ce serait par un joueur de moindre qualité. Le temps qu’il se remette, le match sera plié…
- Au pire, notre Batteur prendra trois matchs de suspension et le club une amende, enchaîna Puck. Les instructions de la Ligue sont assez floues à ce sujet. Nulle clémence ne sera accordée. Mais le châtiment dépendra du club, des conditions et de… l’auteur de la faute. Tout dépend donc du joueur que l’on compte sacrifier.
Le sourire de la jeune femme s’élargit alors.
- Parfait ! fit-elle satisfaite avant de se tourner à nouveau vers Salinger. Un nom à suggérer ?
L’assistant de l’entraîneur des Wigtown Wanderers sembla un instant hésiter.
- Tom est bon, finit-il par soupirer. On ne pourra pas s’en passer. Martin risque plus gros mais il est connu pour ses emportements. Cela pourrait faciliter les choses. Veronica, quant à elle, est en train de divorcer. Elle a besoin d’argent. Une prime pourrait l’aider.
- Parfait, souffla la présidente en se levant. Nous aurons donc le choix, quel que soit celui que Portman décide d’aligner jeudi. Messieurs, veuillez m’excuser. J’ai des joueurs à aller féliciter.
oOo
Considéré comme un entraîneur de la vieille garde, Herbert Portman était arrivé à cette place complètement par hasard. Suite à une carrière de batteur qui n’avait pas marqué les esprits, il s’était retrouvé, par un simple concours de circonstances, le temps d’un match sur « le banc », comme les moldus le disaient, pour dépanner l’un de ses anciens camarades en coachant l’équipe de réserve du Pride of Portree.
Le hasard avait dû bien faire les choses ce jour-là puisqu’à partir de cet instant, il n’eut jamais à quitter cette place et avait embrassé la carrière pour laquelle il était prédestiné. Il avait été de tous les grands matchs, de tous les combats, en Angleterre comme en Europe, à entraîner des générations de joueurs entières. Pour finir sa carrière en beauté, il avait décidé de rentrer au pays et de signer pour cinq ans chez les Wanderers, l’équipe dans laquelle il avait débuté.
Livingstone père était un ami. Il avait travaillé une année sous les ordres du fils et était désormais sous ceux de la fille. La petit Libby, qui comprenait, qui approuvait les choix qu’il faisait mais qui était également un peu trop engagée...
Cette défaite, cette pourtant remarquable seconde place… D’une manière ou d’une autre, quelqu’un allait devoir payer. Le mystère était de savoir sur qui cela pourrait tomber.
C’est avec cette idée en tête qu’il pénétra dans les vestiaires, peu après que ses joueurs, récompensés pour avoir perdu, l’aient eux même fait.
D’expérience, il avait pris l’habitude de croire que les joueurs étaient les premiers déçus et les premiers vexés lorsque la victoire leur échappait. C’était une position qu’il avait eu à revoir le jour où il avait pris place pour la première fois sur le banc et qu’il eut à définitivement abandonné le jour où il avait rencontré sa nouvelle présidente.
Comme souvent dans ces cas-là, pas un mot ne fut prononcé dans le vestiaire. Ceux ne désiraient rien entendre s’étaient précipités sous les douches. Ceux qui avaient quelque chose à dire attendaient, sur les bancs, la tête baissée et le regard vague, le courage de le faire. Ceux qui n’avaient pas pu jouer se consumaient intérieurement, ravalant avec douleur et amertume les reproches qui leur venaient à l’esprit. Le reste du staff respectait cela et s’affairait comme l’après-match le demandait.
Comme une mécanique bien réglée.
Lorsqu’il était entré, les regards s’étaient tournés vers lui avant de rapidement se détourner. D’un pas lent, il s’était dirigé vers le centre du vestiaire et prit une seconde supplémentaire pour réfléchir aux mots qu’il allait prononcer. La portée qu’ils auraient n’était pas à négliger.
Devait-il les mettre en garde ? Les rassurer ? Les féliciter ? Les morigéner ? La saison n’était pas finie, c’était à cela qu’il devait avant tout penser. Ils devaient repartir du bon pied. Même si pour cela un choc était nécessaire. En d’autres circonstances, il aurait pris le temps de mieux y réfléchir. Aujourd’hui, son ton était compté. Les officiels, Livingstone en tête, ne tarderaient pas à arriver. Seuls les premiers mots comptaient. Ils guideraient le discours que l’équipe tiendrait un peu plus tard devant la presse.
- Je sais que vous êtes déçus, dit-il d’une voix grave. Nous pensions tous à cette victoire. Cette coupe, tant convoitée, est l’une de celle que tout joueur souhaite compter dans son palmarès. Cela aurait pu être la conclusion parfaite de cette saison. Cela ne le sera pas. Nous avons perdu… Et je me fous de savoir à cet instant pourquoi. Mettez votre déception et votre colère de côté. Faites bonnes impression devant notre présidente et devant les journalistes. A défaut de cette coupe, nous aurons peut-être la médaille du fair-play.
Si sa voix n’avait pas été si amère, sa plaisanterie aurait presque pu fonctionner. Tyler, l’un de ses Poursuiveurs, sortit alors de sa douche, furieux.
- On n’en a rien à faire de tous ces cons et de la petite Livingstone !
- Ferme-la, Tyler, siffla la Capitaine, la tête plus basse que les autres.
- Je t’en prie, Fennel ! reprit-il, faisant visiblement peu de cas de sa nudité. Tu la détestes autant que moi ! Qu’est-ce qu’elle va nous sortir ? Que c’est dommage ? Que ça arrive même aux meilleurs ? Dans ce cas, qu’elle aille se faire voir. On n’a pas besoin de ça…
Herbert Portman aurait pu le contredire et lui expliquer ce que l’équipe méritait que Livingstone leur dise. Avec un peu de chance, elle se permettrait elle-même de le faire. Il ne le fit pas pour ne pas rajouter d’huile sur le feu et préféra ramener le calme dans le vestiaire, constatant que les autres joueurs allaient tous dans le sens de leur coéquipier.
- Taisez-vous ! Et toi, va te rincer.
Sa voix n’avait guère dépassé le volume d’un murmure, mais l’intention qu’il y avait mise avait réussi à ramener le silence. Sans plus insister, les joueurs se dispersèrent et même Tyler accepta d’aller retirer le savon dont il était encore couvert.
Ils étaient en colère, humiliés. Il en fut satisfait. Cela lui ferait au moins une bonne chose à exploiter. Dans trois jours, ils seraient plus que motivés.
- Nous la méritions, vous la méritiez, ajouta-t-il une fois les joueurs réunis devant leurs casiers. Je sais quels efforts vous avez fait, hélas en vain. Eux, siffla-t-il en montrant la porte du vestiaire, ne s’en soucieront pas. Ils ne vous ménageront pas. L’histoire de notre sport ne retient pas le nom des perdants. Seule votre défaite restera. Quel que soient les efforts que vous ayez faits aujourd’hui, vous avez perdu. C’est ce dont les gens se souviendront, tout ce dont ils se souviendront ! Alors n’y pensez pas. Ne pensez pas à eux. Ils ont tort et concentrez vous les trois dernières journées du championnat.
La porte du vestiaire s’ouvrit alors et les premiers journalistes entrèrent. Libby Livingstone ne tarda pas à arriver et se fendit d’un petit discours. Portman nota avec amusement la comédie qui était en train de se dérouler. Des encouragements que Libby prononçait, il pouvait jurer qu’elle n’en pensait pas un mot. Des félicitations qu’elle adressait aux joueurs, il savait qu’aucun d’eux ne les croirait. C’était pour la presse que cette représentation était donnée. Le jour où la présidente pourrait dire ce qu’elle pensait réellement serait un grand jour, sûrement un bon jour. Dans le Quidditch, contrairement à la politique, la langue de bois n’apportait rien de bon.
Une fois ce manège terminé, elle vint le rejoindre, laissant les journalistes reprendre leurs interviews là où ils les avaient laissés. Leur tour de passer à la question viendrait bien assez vite et eux n’auraient certainement pas droit à la même indulgence.
- C’est dommage, fit-elle dans un soupir. Nous méritions vraiment cette coupe.
Si la manière était feinte, il sut que le regret était vrai.
- Oui, nous la méritions… répondit-il gravement.
- Nous avons simplement manqué d’un peu de chance, tenta-t-elle d’un ton encourageant.
Un ricanement moqueur échappa à l’entraîneur.
- Dans le Quidditch plus qu’ailleurs, la chance n’existe pas… répliqua-t-il froidement.
Elle se tourna vers lui, légèrement surprise, avant de se fendre d’un sourire.
- Contente de vous l’entendre dire !
S’il n’avait pas été aussi préoccupé, ce sourire là, il s’en serait méfié.
oOo
Aussi surprenant qu’inattendue, cette victoire n’avait pas fini d’étonner. Malgré l’incident, les conséquences de ce bon résultat étaient trop formidables pour ne pas être fêtées. Après un tour de stade pour remercier leur public en liesse, les Wanderers avaient été accueilli au sol par une véritable haie d’honneur formée par le personnel du club, se joignant à la foule du stade et saluant la sortie de leurs héros, sous des tonnerres d’applaudissement. La nuit s’annonçait courte, excellente et pleine de surprise.
Cris et chants retentirent dans le vestiaire, se mêlant joyeusement à ceux provenant encore du stade et des extérieurs. Personne ne semblait capable de contenir un tel bonheur. Aussi les joueurs ne comprirent-il pas pourquoi leur entraîneur, loin de se joindre à la liesse, semblait hors de lui en les rejoignant dans le vestiaire.
Ils se rassurèrent rapidement en constatant que cette colère était dirigée contre leur Batteur. Avec cette expulsion, c’était mérité. Certes, le match avait été gagné, l’Europe était à eux, le titre pouvait encore l’être. Mais Portman était connu pour ne jamais rien laissé passer. Même une victoire en coupe du monde n’y aurait rien changé. Ne tenant pas à laisser la fête se gâcher, ils reprirent leurs chants là où ils en étaient.
- Qu’est-ce qui t’as pris ? s’écria l’entraîneur, sa voix couverte par les cris de joies des autres joueurs. Comment tu as pu…Tu vas être suspendu ! Et crois moi, je m’arrangerai avec la Ligue pour que ce soit pour la prochaine saison ! Et mets-toi dans le crâne que tu ne joueras pas les deux derniers matchs cette année ! Je te conseille de faire profil bas, ajouta-t-il menaçant. Le club peut très bien décider de prendre d’autres sanctions. Et crois moi, je ne les en dissuaderais pas.
S’il fit l’effort de prendre un air contrit, Herbert Portman devina rapidement que quelque chose n’allait pas. Un geste comme celui-là était un attentat sportif. Même sa brute de joueur le savait. C’étaient des remords qu’il attendait, pas les prémices d’un léger sourire. Il comprit alors que quelque chose devait se cacher derrière l’air peu impressionné par ses menaces de son joueur. Il réalisa également qu’il ne pouvait y avoir qu’une seule raison pour ça.
oOo
Libby Livingstone était femme à obtenir ce qu’elle voulait. Et à la différence de celle qui s’était tenue trois jours auparavant, elle savourait cette conférence de presse comme du petit lait.
Le match avait été remporté. L’Europe était assurée. Les supporters étaient heureux, les joueurs tout autant. Et d’après le hibou qu’elle avait reçu de son père avant d’entrer dans la salle et de faire face aux journalistes, la famille Livingstone entière était satisfaite.
Il n’y avait guère que Portman pour paraître troublé. Comportement qu’elle avait prévu mais qu’elle ne regrettait en rien d’avoir provoqué. Au contraire, cela l’arrangeait.
- Nous sommes sincèrement désolés pour l’incident et ce qui est arrivé à Runner, déclara-t-elle avant que la première question ne soit posée. D’après ce que nous avons appris de Sainte Mangouste, il se porte plutôt bien. La Ligue prendra les mesures qu’elle estime nécessaire, nous ne nous y opposerons. Au contraire, nous les appuierons et les renforcerons si nous le jugeons nécessaire.
Ce petit laïus fait, elle put se permettre de changer de sujet.
- C’est une très grande fierté pour les Wigtown Wanderers de pouvoir affronter la saison prochaine l’élite des clubs européens. Il s’agissait de l’un de nos objectifs premiers, et nous l’avons atteint. Je suis pour cela immensément reconnaissante à Mr Portman…
Celui-ci, le visage fermé, hocha faiblement la tête. Son air renfrogné ne pourrait qu’appuyer la thèse du malheureux incident, du coup de « pas de chance » qui avait tourné en leur faveur. Tout était parfait.
- La chance était du bon côté ce soir ? demanda un journaliste.
- Allons, reprit-elle amusée. Vous le savez aussi bien que moi… Dans le Quidditch, la chance n’existe pas…
Croisant le regard de l’entraîneur, elle sut que s’il n’avait pas déjà deviné ce qui s’était réellement passé, il venait de le faire.
Elle ne put cependant s’empêcher d’esquisser un sourire.