le Figaro

Jan 30, 2014 18:08

Un théologien médiatique est en disgrâce pour avoir dénoncé des pratiques de harcèlement sexuel dans l'Église orthodoxe qui pourfend pourtant l'homosexualité.

C'est vêtu de sa soutane noire de diacre, mais à l'écart de sa paroisse de Saint-Michel l'Archange, dans le silence de son appartement moscovite, qu'Andreï Kouraev a dévoilé ce qui pourrait devenir le plus grand scandale de la patriarchie russe: l'existence de pratiques de harcèlement sexuel exercé par les responsables d'un séminaire théologique de Kazan à l'encontre de leurs élèves. Depuis, le saint homme propage la nouvelle dans son blog, l'un des moyens les plus efficaces, selon lui, de communiquer avec les fidèles. Fin décembre, une commission du patriarcat avait été envoyée au Tatarstan ; et suite à cette visite, le prorecteur de l'institution, seul parmi d'autres coaccusés, a été muté dans un autre diocèse. De son côté, Andreï Kouraev a été radié de son poste de professeur à l'Académie spirituelle de Moscou, en attendant probablement d'autres sanctions. Le signe, selon lui, de la présence au sein du clergé russe d'un «lobby homosexuel» qui comprendrait notamment une «cinquantaine d'évêques» sur un total de trois cents. Des estimations recoupées par plusieurs spécialistes de l'orthodoxie.

«Ces faits s'apparentent à un péché au regard de la loi chrétienne et à un crime au regard du Code pénal» s'insurge le diacre aujourd'hui en disgrâce, qui ne craint pas de publier en plusieurs exemplaires la photo du recteur incriminé. L'accusation est d'autant plus dérangeante que l'Église russe est en pointe dans le combat politique engagé dans le pays contre l'homosexualité. Andreï Kouraev, lui, est une figure de la communauté orthodoxe, théologien brillant et atypique, un franc-tireur de la patriarchie aujourd'hui puni pour son audace.

Fils d'un bolchevique de choc qui portait son athéisme en bandoulière, baptisé en cachette de ses parents, il a renoncé à une vocation de prêtre pour ne pas rester dépendant de ses paroissiens. Comme diacre, il participe aux offices, mais préfère tenir des conférences que de prononcer des sermons. «Je suis un missionnaire, un interprète de la langue de l'Église, je fais en sorte que la babouchka dévote n'ait plus peur de l'étudiant et vice versa», explique cet intellectuel.

Dès la chute de l'URSS, ses talents de prosélyte - qu'il exerçait en citant des philosophes antiques - ainsi que son franc-parler, furent reconnus par un patriarcat qui émergeait de soixante-dix ans d'obscurantisme. Avec humour, le premier prélat de la nouvelle Russie, Alexis II, l'encourageait à professer toutes ses opinions, à condition qu'elles ne «deviennent pas celles de l'Église». À la mort de celui-ci, il fit campagne pour Cyrille à la manière d'un Mazarin, en attaquant la probité morale de son concurrent, le métropolite Kliment. Il sera récompensé en intégrant la commission du synode, puis en supervisant la rédaction du manuel religieux destiné aux écoles primaires. Mais la bureaucratie ecclésiastique ennuie vite cet homme, taillé pour les joutes intellectuelles. Lors de l'affaire des Pussy Riots, il appelle l'Église à rester en retrait du conflit tout en condamnant le spectacle des trois «punkettes».

Lorsqu'il apprend qu'une commission est chargée d'enquêter sur les pratiques du séminaire de Kazan, Andreï Kouraev s'engouffre - trop vite - dans la brèche. «Il n'agit pas en justicier homophobe, mais en prédicateur, à la manière d'un saint Jean-Baptiste. Pour lui, seul le droit séculier doit intervenir dans cette affaire. Il s'appuie sur Internet afin que ces personnes, à défaut d'éprouver la crainte de Dieu, puissent au moins ressentir la peur humaine», salue Andreï Soldatov, rédacteur en chef du site Credo.ru, qui vient aussi de publier le témoignage d'un jeune diacre, décrivant les attouchements sexuels qui lui ont été infligés par un supérieur. Au nom de pratiques communes à «l'élite» ecclésiastique, selon les propres mots de l'accusé relatés par sa victime.

«Aucune condamnation ne peut être prononcée sur la base de cancans», dénonce aujourd'hui le porte-parole de la patriarchie, Vsevolod Chaplin qui, récemment, se déclarait favorable au retour dans le Code pénal du crime de «sodomie». Ébranlée par ces révélations, l'Église s'emploie avant tout à condamner les méthodes du diacre. Dans son église de Saint-Michel l'Archange, rares sont les fidèles qui acceptent de commenter l'affaire. «Andreï Kouraev est un homme très intelligent mais qui a tort d'ignorer la hiérarchie», estime Tatiana qui, tout en vendant des livres pieux dans l'échoppe de la paroisse, suit avec assiduité la polémique sur le Net. «Si ses allégations se confirment, Dieu fera en sorte qu'il soit rétabli dans ses fonctions».

http://www.lefigaro.fr/international/2014/01/30/01003-20140130ARTFIG00056-russie-le-diacre-le-clerge-et-le-lobby-gay.php

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http://www.russian.rfi.fr/rossiya/20140130-dyakon-dukhovenstvo-i-gomoseksualnoe-lobbi

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