Apr 06, 2009 22:21
Yelina ouvrit les yeux et fut immédiatement rassurée de le trouver endormi sur le divan. A l’endroit exacte, où elle l’avait laissé la veille. Elle sourit en le regardant dormir calmement. Il avait l’air si détendu que l’on pouvait douter que quelques jours auparavant seulement, il avait attenté à ses jours. Aujourd’hui encore, malgré ce qu’elle avait appris, elle se demandait les raisons de son geste. Il n’avait rien laissé paraître, n’avait pas voulu qu’on l’aide, pourquoi. Peut-être un jour en parlerait-il, mais rien n’était moins sûr. Elle se leva sans bruit et se dirigea vers la cuisine. On était samedi, Ray ne se lèverait pas avant 10 heures. Ils ne l’avaient pas réveillé la veille. Il devait encore dormir calmement sans se douter de rien.
Plus tard dans la journée, elle devrait parler avec Horatio de l’agression et le décider à lui donner la permission d’en parler avec Stedler. Il n’allait pas aimer. Pourtant elle savait que c’était un passage obligé. Les services internes devaient être prévenus, et eux-mêmes devaient trouver une solution pour que l’agression ne se renouvelle pas. Peut-être devraient-ils s’installer ailleurs pour quelque temps.
J’y étais presque. Je devrais agir plus rapidement la prochaine fois. Ne lui laisser aucune liberté d’action. Les somnifères qu’il prend devraient me faciliter la tâche, j’ai agi trop tôt cette nuit. Horatio Caine, je t’aurais. J’ai presque failli cette fois, mais c’était juste un essai. Tu as gâché une expérience qui aurait pu fonctionner, je vais te rendre la pareille. Tu ne sauras plus où te cacher, et, au vu de tes réactions, cela ne devrait pas être trop compliqué de te faire faire un faux pas. Je t’aurais quand même cru plus coriace.
Il se réveilla en sentant une douce odeur de café se répandre dans le salon. Il ouvrit d’abord un œil puis l’autre en voyant sa belle-sœur l’observer en souriant une tasse à la main. Un deuxième bol fumant était posé sur la table à sa portée. Il se redressa et lui fit un petit sourire pour la remercier. Juste à coté, sur la table, étaient posés les cachets de son traitement. Intérieurement, il grimaça sans ceux-ci il aurait pu réagir normalement la veille au soir et l’agresseur serait déjà derrière les barreaux. Il soupira et avala les cachets.
- Tu veux qu’on en parle ? Je crois qu’essayer de comprendre ce qui arrive peut nous aider à capturer cette personne. Tu ignores de qui il s’agit, mais il y a peut-être des éléments à tirer des affaires que tu as résolue auparavant. Il faut essayer de comprendre ce qui motive la personne qui t’as attaqué hier soir.
- … il lui sourit pour l’inviter à continuer. Et aussi pour l’ironie de la formulation utilisée par sa belle-sœur. Parler alors qu’il était incapable de prononcer un mot, c’était comme de demander à un amnésique de se souvenir. Rien n’était plus normal depuis quelques jours, il se sentait flotter au-dessus de toute cette affaire, il en était un des principaux protagonistes et n’arrivait pas à se sentir concerné.
- Je sais déjà que tu ignores de qui il s’agit, mais peut-être certains éléments ont pu te frapper. Ceux-ci nous seraient utiles car Calleigh et Eric n’ont rien trouvé de particulier dans ta chambre. Nous n’avons aucun indice sur la personne qui t’a attaqué. Nous ne pourrons pas la trouver sans un minimum de preuves.
- … en l’entendant dire « ta chambre » il avait sourit. Il comprenait, mais n’arrivait pas à mettre en mot ce qu’il avait senti. Il n’était pas doué pour parler de ses impressions. Il pencha la tête pour réfléchir. Mais tout se bousculait encore. Il secoua la tête.
- Je sais que ce n’est pas facile, tu as le temps. Si tu vois quelque chose d’important, fais le moi comprendre. Maintenant, autre chose, il va falloir tout déballer aux affaires internes.
- … il fit la grimace en sachant ce que cela signifiait.
- Si il y avait un autre moyen, je l’utiliserais, mais nous devons leur signaler l’agression. Et nous ne pourrons le faire qu’en expliquant pourquoi tu n’as pas pu mieux te défendre et pourquoi tu ne peux pas les aider plus pour identifier ton agresseur.
- … il acquiesça conscient de ce que cela signifiait, il allait tout devoir revivre, mais il devait les protéger, même si cela le détruisait. Et pour cela il allait devoir s’ouvrir aux affaires internes sur toutes les implications, y compris son passé. Il devrait faire preuve de beaucoup de finesse pour ne par leur laisser voir que pour lui, il n’y avait plus d’espoir. Il voulait juste les mettre à l’abri.
- Horatio, je serais là tout au long de l’entretien. Ray restera avec le mari d’Alex et ses enfants jusqu’à ce que nous ayons fini. Ce sera éprouvant, mais nous n’avons pas le choix. Faisons le aujourd’hui, Stedler est de service, il nous connaît mieux que n’importe qui. Je sais que vous ne vous appréciez pas, mais il nous connaît mieux que personne et il est parfois capable de comprendre à demi mot.
- … il grimaça alors qu’il acquiesçait. Il n’aimait pas l’homme, mais il respectait son professionnalisme.
La jeune femme avait conscience de ce qu’elle lui demandait. Il était encore fragile, et allait devoir se mettre à nu devant une personne qu’il détestait presque. Elle lui fut reconnaissante d’accepter. Vers 11h30, après avoir déposer Ray, ils arrivèrent devant le bureau de Stedler, la jeune femme frappa à la porte, sans lui laisser le temps de réfléchir ou de faire demi tour. Cela devait être fait et autant que cela se termine rapidement. Un coup valait mieux qu’un millier de piqûres.
- Entrez.
Elle le regarda une dernière fois avant d’ouvrir la porte et d’entrer en le tirant par la main. Par ce lien, elle essayait de lui communiquer sa force.
- Yelina, Horatio. Que puis-je pour vous ?
- Nous voudrions te parler des événements des derniers jours.
- … l’homme la regarda sans comprendre, il jeta un œil sur celui qu’il avait toujours considéré comme son rival. Mais celui-ci avait le regard obstinément tourné vers le sol et se tenait en retrait, n’eut-il été tenu qu’il serait déjà sorti, il donnait l’impression de vouloir fuir. Je t’écoute.
- Dans un premier temps, je veux que tu comprennes qu’aucune faute n’a été commise. Que les événements ont été cachés à ton service pour des raisons purement médicales. Il y a maintenant quatre jours, une jeune femme a été retrouvée étouffée chez elle. Horatio la connaissait et le soir même, il faisait une tentative de suicide.
- … au dernier mot de la jeune femme, l’inspecteur avait relevé les yeux vers son rival. Mais il ne put rien desceller dans le regard toujours baissé de celui-ci, il invita la jeune femme à poursuivre. Tout en se demandant où tout cela les mènerait. Il savait que pour lui et l’inspectrice il n’y avait plus d’espoir leur histoire était du passé, mais il pourrait néanmoins lui montrer en l’aidant qu’elle pouvait avoir confiance en lui.
- Depuis ce moment, il n’a pas prononcé un mot. Il est sorti de l’hôpital voici 2 jours et s’est installé à la maison.
- … Stedler sursauta, mais ne fit aucun commentaire. Ce n’était pas le moment d’être envieux.
- Hier dans la soirée, un inconnu a essayé de le tuer. Malheureusement, aucun indice n’a pu être relevé et il n’a pu donner aucune description de son agresseur.
L’inspecteur les observa tous les deux un instant, à l’intérieur il jubilait le « grand » Horatio Caine avait besoin d’aide. Il ne pouvait néanmoins s’empêcher de se poser énormément de questions. Il n’allait pas profiter de ses faiblesses maintenant, mais plus tard cela pourrait lui être utile. Il comprenait maintenant son attitude effacée du début de l’entretien. Et pourquoi ne pas profiter de la situation pour reconquérir Yelina. En tirant son beau-frère de ce mauvais pas, il pourrait lui montrer qu’il avait commencé à changer, qu’il n’était plus le même homme que voilà quelques mois.
- Je vois. Tu veux une protection ?
- Ce serait bien, nous ne pouvons pas non plus rester à la maison. Nous courrerions tous un danger si l’agresseur décidait de récidiver. La seule chose qui nous a sauvé hier, c’est qu’il a essayé trop tôt. Un peu plus tard et Horatio aurait été trop abruti par les médicaments pour se défendre.
- Je comprends. Je vais vous arranger tout ça, je te téléphone début d’après midi pour te donner le nom de l’hôtel où vous logerez ce soir.
- Merci.
Stedler les regarda sortir en souriant presque. Il tenait sa revanche, jamais ils ne comprendraient d’où était venue l’attaque. Même si ils s’en doutaient, ils n’auraient jamais de preuves suffisantes pour l’accuser. Depuis longtemps, il attendait son heure. Toujours il l’avait considéré comme un rival, même si pour Yelina, il n’avait jamais rien été d’autre qu’un frère ou plutôt comme il l’avait compris plus tard lui l’a considéré comme une sœur, même si pour elle, il aurait pu remplacer son frère.
En sortant, Horatio se sentait mal à l’aise. Il avait perçu quelque chose sans pouvoir mettre le doigt dessus, c’était déstabilisant. Il avait peur sans savoir de quoi, c’était une peur primale. Il se sentait mal. Il ne laissa rien percevoir à Yelina. Encore et toujours cette retenue qui l’empêchait d’exprimer clairement pour autrui ce qu’il ressentait. Et puis, lui en parler n’était-ce pas lui faire courir un danger si son pressentiment se révélait exacte. Et quoi lui dire qu’une alarme s’était mise à sonner dans son cerveau au cours de l’entretien. Comment pourrait-il justifier sa méfiance pour un homme qui était en apparence prés à les aider et à comprendre. Pourtant malgré tout devait-il lui faire entièrement confiance. Non il ne lui ferait jamais confiance, il ne faisait jamais confiance à personne. Plus depuis longtemps.
La jeune femme l’observait, il avait l’air encore plus déstabilisé qu’avant. Ce n’était pas le but de la manœuvre. Elle sentait que quelque chose dans l’entretien qu’ils venaient d’avoir, l’avait titillé. Elle devait être prudente pour deux jusqu’à ce qu’il puisse exprimer ses peurs. Elle devait faire confiance à ses intuitions. Elle ne devait pas l’abandonner maintenant. Elle sentait le dénouement non loin, sans pour autant savoir quel il serait.
Ils reçurent l’appel promis peu avant 17h alors qu’ils étaient chez la légiste. Celle-ci avait absolument tenu à faire repasser une visite à son patron. Peut-être le temps aurait-il fait apparaître d’autres traces. Mais elle fit chou blanc. Elle sentait le trouble qui grandissait en son ami sans pouvoir rien y faire. Elle n’était même pas certaine que s’il avait pu parler, il lui aurait confié ce qui le préoccupait. Ne jamais parler de lui était une autre facette de sa personnalité. Elle le laissa tranquille pour le moment tout en notant dans un recoin de sa mémoire d’avoir une discussion à ce sujet lorsqu’il irait mieux.
Ils s’installèrent tous trois dans un petit hôtel de Miami. Deux chambres, une pour Yelina et son fils, l’autre pour lui. Et devant chacune un agent pour surveiller. Elles communiquaient entre elles par une porte. Yelina, après le dîner, se rendit chez lui pour veiller à ce qu’il avale ses médicaments. Elle était sortie de cinq minutes qu’il se rendit à la salle de bain pour vomir les cachets. Il avait eu tellement peur pour eux la veille qu’il ne se sentait pas capable de leur faire courir encore un danger en amoindrissant sa capacité de défense.
- Horatio, tu n’es pas raisonnable. Je ne veux pas te revoir dans l’état où je t’ai trouvé l’autre jour. Je sais que tu te sens coupable pour hier, mais la situation a changé, nous avons une protection. Tu n’as pas à te mettre en danger, aujourd’hui, c’est à d’autre de le faire, nous sommes sous protection, des hommes nous protégent. Tu peux dormir et te reposer, reprendre des forces et nous revenir. D’autres s’occupent du reste.
Il ne l’avait pas entendue faire demi-tour. Il n’arrivait pas à se faire comprendre par geste aussi inscrivit-il ce qu’il avait à dire sur le calepin qui ne le quittait jamais.
Je ne veux pas être en position de faiblesse lorsqu’il frappera de nouveau. Je veux pouvoir vous défendre.
- Je comprends, mais tu dois aussi te soigner. Tu ne pourras pas nous protéger sans dormir. Tu as besoin de repos. Et aussi du traitement. Tu es déjà même si tu ne veux pas l’admettre en position de faiblesse. Et refuser le traitement ne fera que renforcer cet effet. Tu dois te soigner pour pouvoir nous revenir.
Elle avait raison, mais il ne pouvait s’empêcher de penser que tout était encore de sa faute. Il n’arrivait pas à savoir ce qu’il devait faire. Sans qu’il s’en rende compte, il s’effondra le long du mur en pleurs. Encore une fois, ses nerfs lui jouaient un mauvais tour. Il devait se reprendre. Il devait les protéger, il s’en était fait la promesse.
- Je ne veux pas qu’ils vous arrivent quelque chose par ma faute. Je n’aurai jamais du accepter de vous mêler à toute cette affaire. J’aurai dû m’éloigner dés le début de cette affaire.
Elle le regarda un instant avant de le prendre dans ses bras, c’était si bon d’entendre enfin sa voix. Même si ce qu’il disait faisait mal à entendre. Il parlait et s’était déjà un progrès. Elle avait des difficultés pour comprendre les raccourcis que prenaient parfois ses pensées.
- Tu ne nous as obligé à rien, c’est cela la famille. Etre là pour les autres quand ils en ont besoin. Ne te tracasse pas, ça va aller. Tu dois prendre tes médicaments. Sinon, j’appelle Alex et elle te les administrera par piqûre. Si c’est ce que tu veux, pas de problème.
Il la regarda, et lui fit signe que non. Il n’arrivait de nouveau plus à s’exprimer. Ne pas pouvoir parler l’énervait, et pourtant il n’avait aucun contrôle sur la situation. Elle avait peut-être raison, même s’il en doutait. Il avait peur, peur de leur faire du mal, peur de ne pas être à la hauteur, peur de ne pas pouvoir les défendre le moment venu, peur d’échouer encore une fois. Elle le calma, lui fit reprendre ses médicaments et le veilla jusqu’à ce qu’il s’endorme d’un sommeil sans rêve. Lorsqu’elle retourna dans sa chambre, il dormait depuis une vingtaine de minutes déjà et elle s’était assurée qu’il ne feintait pas.
Deux heures plus tard, elle entendit du bruit dans la chambre d’à coté et se précipita. Il était en plein cauchemar, toute sa vie défilait devant lui. Avant le départ de son père, il avait huit ans et devait protéger son frère et sa mère des coups, alors il encaissait et ne disait rien. Il revivait tous les coups, les humiliations. Il n’avait jamais parlé de ces années avec personne, même pas son frère. Il se sentait coupable de ne pas avoir pu mieux les protéger. Lorsque son père était parti, il avait été soulagé pendant un court instant.
Yelina arriva en courant et le trouva se débattant seul au milieu de ses draps. Il était en nage. Elle se pencha vers lui, il dormait toujours. Elle le calma et commença à le changer comme elle faisait pour son fils lorsqu’il avait la fièvre. Il était trempé de sueur. Elle vit les marques lorsqu’elle lui ôta sa veste. Elle fit le rapprochement, cela lui fit mal pour lui, mais elle continua, le changea, le berça et attendit que son sommeil soit à nouveau tranquille avant de le quitter.
Il avait été battu dans son enfance et personne ne savait. A vrai dire, personne ne savait rien de sa vie personnelle. Elle s’en rendait compte maintenant, il avait souffert avant de pouvoir se défendre. Et maintenant, il était à nouveau en état d’infériorité même s’il était adulte. Il était resté l’enfant battu que tous avaient ignoré. Pendant toutes ces années, il n’en avait jamais parlé. Même son frère ne lui en avait pas parlé. Il était temps que quelqu’un le prenne en mains, qu’il se confie et puisse oublier pour avancer.
Elle devait avec son fils, ses amis, lui redonner goût à la vie. Elle comprenait maintenant l’attitude d’Alex la veille. Il avait été battu et avait continué à se battre pour tous jusqu’à ne plus le supporter. Il n’avait pas eu d’autre choix pour éviter de souffrir et de faire souffrir que de choisir une solution définitive. Une solution qui si elle faisait souffrir les autres, lui permettrait à lui de se reposer. Il avait choisi la mort plutôt que de devoir tout revivre.
Il devait y avoir eu une faille dans le système. Un enfant battu cela se remarque, on se pose des questions. Puis elle se rappela, avant la police trouvait normal qu’un enfant turbulent reçoive des coups. Quoique à bien y regarder vu l’adulte qu’il était devenu, il n’avait pas dû être si perturbateur que cela. Le changement d’attitude de la part de la police ne remontait pas à si loin, elle avait fait partie avec Horatio de la génération qui avait fait changer cela. Il avait été victime et voulait éviter que cela se reproduise. Il ne pouvait ignorer la souffrance des autres, il se souvenait trop des siennes.
Elle comprenait. Elle devait être l’adulte pour eux. Pour qu’il puisse franchir cette étape. La mort de son frère n’avait rien arrangeait de fragile, il était devenu vulnérable. Tout pouvait le blesser, le faire basculer vers l’irrémédiable. Il cherchait à protéger tout le monde et ne pouvait se protéger lui-même. Parce que dans chaque enfant battu ou triste, il se retrouvait. L’enquête qu’il avait menée, il y a quelques jours dans le milieu pédophile avait dû rouvrir sans qu’il s’en rende compte de vieilles blessures et la suite de la semaine n’avait rien arrangé ; il avait basculé à force d’accumuler les chocs psychologiques.
Elle pleura pour lui. Heureusement, son fils dormait profondément. Demain, elle devrait en parler avec Alex. Elle devait pour le bien d’Horatio mettre au point avec la jeune femme une stratégie qui l’obligerait à se confier, sinon sa faiblesse resterait. Elle ne pouvait imaginer le perdre, même si vivre avec lui en tant que mari était également impossible. Elle devait l’aider, lui prouver qu’il avait sa place. Il était une part importante de son bonheur. Elle l’avait aimé comme un homme, mais, au fil du temps, elle l’avait aimé pour lui comme un frère qui aurait besoin d’aide, elle lui devait beaucoup. Il s’était investi dans l’éducation de Ray junior quand son frère avait disparu.
Il dormit. En se réveillant, il remarqua immédiatement qu’il ne portait plus le même pyjama. Il se sentit mal, ce ne pouvait être qu’elle qui l’avait changé, elle ne pouvait pas avoir manqué de remarquer les cicatrices qu’il avait. Il se sentit prés à s’enfuir à nouveau, elle devait souffrir pour lui, de sa faute. Il se sentait coupable des souffrances, que ce qu’il avait vécu, entraînaient chez ses proches. Déjà son frère avait dû mal à supporter que pendant toute son enfance, il l’ait protégé en souffrant et maintenant elle. Il commença à pleurer, honteux. Il ne pouvait pas se maîtriser. Les digues étaient ouvertes et il n’arrivait pas à les fermer. La souffrance qu’il répandait autour de lui, le touchait. Il n’arriverait jamais à se détacher de tout. Il n’arriverait pas à vivre au milieu d’eux, même en son absence il souffrirait, mais forcément moins et plus brièvement que s’il restait au milieu d’eux. Ils devaient apprendre à l’oublier. Ils pourraient apprendre à vivre sans lui. Ils souffriraient juste un peu et puis ils l’oublieraient.
Yelina vit son fils reparaître dans la pièce, il avait voulu aller réveiller son oncle et elle le lui avait accordé.
- Maman, il pleure.
- Je vais aller voir, mais ne t’inquiète pas. Je t’avais prévenu que cela pourrait lui arriver. Va prendre ta douche, je vais aller le voir.
Elle entra dans sa chambre et le trouva replié sur lui-même. Des larmes coulaient effectivement sur ses joues, cela devait faire un moment vu l’état de l’oreiller. Elle s’approcha et voulut le prendre par les épaules, mais il se replia encore plus voulant s’éloigner d’elle. Elle n’arrivait pas à comprendre son attitude, puis la veille au soir refit surface, il devait avoir compris qu’elle avait vu les cicatrices. Les victimes se sentent souvent coupables de ce qui leur arrivent même si vu les positions occupées par un adulte et un enfant ne laissent jamais de doute sur le responsable. Il avait subi des maltraitances et s’en sentait coupable. Tout à coup, son suicide prenait une autre envergure, son mal-être datait de son enfance et la vie n’avait pas été tendre avec lui non plus. Elle et les autres allaient devoir lui apprendre à se construire, à ne plus être l’enfant qui protège, mais l’adulte qui peut s’épanouir. Comment devait-elle réagir ? Elle ne savait même pas comment elle devait lui parler, comme à un enfant ou comme à un adulte. Elle resta dans la chambre et appela Alex. La jeune légiste devait sûrement avoir plus d’expérience qu’elle. La jeune femme arriva une demi-heure plus tard, il n’avait pas bougé, pas fait un geste, les larmes coulaient toujours sur ses joues, des larmes sans sanglots, longtemps retenues et dans la nuit, la digue était tombée.
- C’est bon Yelina, je vais voir ce que je peux faire. Occupe toi de Ray, sortez faire un tour, allez déjeuner. Je vais lui parler. Et au vu de ses réactions, on calquera nos attitudes. Ce ne sera pas facile, c’est sûr. Mais ce n’est pas désespéré, il vit et cela seul importe dans un premier temps.
La jeune inspectrice sortit de la chambre et les laissa seul, elle emmena son fils se promener sous la protection de leur ange gardien. Permettant ainsi à son amie et à son patient d’être un peu plus au calme et dans l’intimité.
- Horatio, il faut que tu réagisses, tu es un adulte. Ce qui s’est passé dans ton enfance, ne doit pas t’arrêter. (elle essayait de se rappeler ses cours) Tu dois faire un pas à la fois, ne pas te laisser submerger par le passé. Le passé est le passé, tu ne peux plus rien y changer, tu dois apprendre à oublier.
- …
- Tu sais que tu es adulte, tu n’es plus l’enfant qui ne peut pas agir. Qui doit subir. Qui doit protéger. Regarde moi quand je parle (elle avait haussé le ton pour prononcer la dernière phrase, pour le stimuler, l’obliger à réagir).
- … il ne fit qu’un bref mouvement, mais cela parut encourageant à la jeune femme.
- Essaye de te calmer, elle sait, elle souffre pour toi, mais tu n’es pas responsable. Elle souffre parce qu’elle t’aime, quoique tu en penses, tu fais parti de sa vie. Tu n’es pas responsable des souffrances que les actes des autres peuvent provoquer. Tu dois être fier, tu aurais pu ne rien faire. Tu aurais pu ne défendre personne. Et reproduire ce que tu avais vécu sur d’autres, tu l’as souvent vu, c’est une des défenses des avocats pour leurs clients violents. Sois fier, tu n’as pas franchi la limite, tu es resté droit.
- … les larmes coulaient toujours, mais son attitude recroquevillée sur le lit était moins crispée. Ses mots le touchaient bien qu’il veuille s’en défendre.
- Horatio, essaie de me regarder. Tu as mal, tu souffres, mais il faut que tu oublies. Le passé ne doit pas avoir de prise sur toi. Tu ne peux pas tout contrôler. Tu dois revenir. Nous avons tous besoin de toi, Yelina et Ray encore plus que les autres, tu es leur seul famille. Réagis, tu n’as pas le choix. Tu ne l’as jamais eu et la mort n’en est pas un. Tu crois qu’en mourrant tu arrêteras de les faire souffrir. C’est faux, la mort d’un proche est toujours difficile à accepter. Surtout s’ils s’en sentent responsable et pour le moment, c’est le cas. Ils se sentent responsable de ton état, veux-tu que ton neveu vive ce que tu as vécu après la mort de ton frère.
- … Il comprenait ce qu’elle disait, mais n’arrivait pas à réagir. Il avait mal, avait fait du mal à son entourage. Il se sentait responsable. Comment pouvaient-ils encore lui faire confiance ? Il avait failli.
- Non, je ne crois pas que tu veuilles cela, sinon cela te ferait moins souffrir toi-même. Tu dois accepter qu’il n’y ait aucun moyen de revenir en arrière, de tous changer. Tu dois réagir. Vivre pour l’instant qui arrive. Je ne connais pas toute ton histoire, mais si tu veux en parler, je suis là. Ma porte ne te sera jamais fermée. Tu as le droit de vivre, de vivre heureux. Les autres ne font pas tant de manière, ils vivent c’est tout. Tu n’as pas le choix. C’est difficile à admettre, mais c’est ainsi.
- … il avait déplié ses bras. Ce n’était pas grand-chose, juste la preuve qu’il l’écoutait.
- Je vais m’approcher de toi. Tu n’as pas besoin de me repousser. Je ne suis pas ton amie, juste un médecin. Plus tard lorsque tu iras mieux, nous pourrons redevenir ami si tu le désires. Pour le moment, je suis juste là pour t’aider.
La jeune femme s’approcha doucement du lit, s’y assit et le rapprocha d’elle petit à petit. Jusqu’à ce que sa tête à lui soit contre sa cuisse, elle lui caressa lentement les épaules. Pratiquant sans qu’il s’en rende compte un massage relaxant, comme pour un enfant en crise. Il était stressé, sur les nerfs. Tous ses muscles étaient tendus. Son cerveau n’arrêtait pas de tourner, se faisant d’incessants reproches. Elle le sentit peu à peu relâcher la pression, elle sourit, elle n’avait pas perdu la main.
csi miami