Le pêcheur des perles
Parabole
1
Les profondeurs de l'océan fascinaient par leur beauté. Le garçon polynésien, se déplaçant doucement avec des troupeaux de petits poissons, a examiné de près le fond marin. Son corps basané, couvert seulement d'un pagne, était élastique et souple comme le corps d'une murène et il pouvait en outre rester longtemps sous l'eau sans air.
Avec les autres garçons, il venait tous les matins au bord de l'océan afin de plonger durant la journée, à la recherche de coquillages à perles. Une fois par semaine, ils percevaient une somme de misére comme salaire de leur travail, mais malgré ces maigres revenus, il aimait son travail. Il aimait l'océan et s'apparentait presque à lui et il ne passait les meilleures heures de sa vie que lorsqu'il était dans ses profondeurs.
Aujourd'hui, dès le début de la matinée, lors de sa première plongée, le garçon a découvert une énorme coquille qui contenait probablement une très grande perle, mais la coquille était trop profonde et se déplaçait constamment à cause des courants sous-marins. Le garçon a perdu la paix et a passé toute la journée à la chercher, mais il n'a pas réussi à obtenir cette coquille.
La journée s'était déjà inclinée vers le coucher du soleil, quand le garçon, passant par-dessus bord, s'est effondré sur le banc en bois d'un grand bateau.
- Tu es revenu avec rien, Léa, dit l'homme lourd et trapu qui était son employeur, tu n'as apporté aucune perle toute la journée. Pourquoi est-ce que je devrais te payer?
Léa baissa la tête et dit doucement:
- Silver, j'ai trouvé un évier incroyable. Je te l'ai déjà dit. Il a une perle de la taille d'une balle de tennis. J'en suis sûr. Mais l'évier est trop profond et se déplace constamment à cause de...
- Je l'ai déjà entendu, interrompit Silver, et suis fatigué de ta paranoïa. Regarde les autres, - l'homme hocha la tête en direction de la bande de garçons assis à l'arrière du bateau, - bien qu'ils apportent de petites perles, mais toujours. Aucun d'entre eux n'est sorti les mains vides.
- Mais il y a une fortune dans cet évier, Silver, dit Lea avec ferveur, il me manque littéralement un mètre pour l'obtenir. Il me manque juste..., le garçon se mit à chercher le bon mot, il ne me manque qu'un sur-effort.
Silver regarda attentivement le jeune pêcheur de perles.
- Idiot! - enfin, dit-il, qui a besoin de tes sur-effors? Soutiens-toi d'une loi non écrite qui peut être appliquée dans la vie dans n'importe quel domaine - deux petites choses font toujours plus qu'une chose grande.
- Oui, je sais, - a convenu Lea, se souvenant que les commerçants sur le marché, en vendant la moitié de leurs marchandises, ne vendent pas à moitié prix, mais un peu plus cher.
- Et si tu le sais, jette cette lubie hors de ta tête. Sur-effort! Quel mot qu'il a trouvé! - Silver regarda au loin, là où les lumières du soir de la grande ville ont commencé à s'allumer à l'horizon, et l'a pointé vers le garçon, regarde, Léa, il y a des milliers de personnes dans cette ville. Ils sont tous riches et heureux, mais ils ne sont capables de montrer leurs sur-efforts que dans un cas - quand ils font caca à la constipation.
Les garçons, assis à la poupe, roulaient en riant.
- Et ce manque de sur-efforts, poursuivit Silver, ne les empêche pas d'être comme des coqs en pâte parce qu'ils ont de l'argent. Dans ce monde, Léa, seul l'argent règne. Souviens-toi de ça. Tu n'as que treize ans et tu ne sais pas encore ce qu'est la vie.
Le garçon était silencieux, regardant le soleil couchant.
- Je veux obtenir cet évier, dit-il enfin.
- Eh bien pis! je te donne une autre chance. Plonge. Fais ton sur-effort. Mais si tu reviens avec rien cette fois, je te priverai de ton salaire hebdomadaire. Tu acceptes ces conditions?
Léa serra les dents et hocha la tête affirmativement. Puis il a sauté à bord et, s'orientant vers le soleil pour déterminer le plus précisément possible le lieu de la plongée, s'est repoussé du bord et a plongé.
Léa était absent bien longtemps. Les minutes coulaient et il n'était pas là. Silver regarda avec inquiétude la surface de l'océan. La mort d'un jeune pêcheur de perles pourrait lui apporter beaucoup de problèmes, ce qui entraînerait inévitablement des dépenses supplémentaires. Silver avait déjà commencé à regretter d'avoir accepté cette entreprise stupide, comme Léa a finalement émergé à la surface. Il a nagé jusqu'au bateau et, complètement épuisé, a traversé le bord.
- Eh bien, quoi? - demanda Silver.
Le garçon ne répondit rien et détourna les yeux.
- Tu te souviens de notre entente? Je te prive de ton salaire hebdomadaire, et plus encore, j'ai décidé de te virer. Tu ne peux pas aller travailler demain. Je n'ai pas besoin d'aventuriers et de charlatans, - Silver se retourna vers les garçons et ordonna sèchement, - ramez, la journée de travail est terminée...
2
Léa était assis tout seule au bord de l'océan. Des larmes coulaient sur son visage. Lors de sa dernière tentative, il avait déjà touché l'évier avec sa main, mais avait failli s'évanouir à cause d'une pression d'eau trop forte. L'instinct de conservation l'a forcé à se précipiter à la surface. Cependant, cette fois-ci, l'évier, comme s'il appréciait ses efforts, s'est légèrement entrouvert et maintenant il n'avait aucun doute qu'il y avait un véritable trésor à l'intérieur.
L'océan baignait les pieds du garçon comme une bête douce qui voulait réconforter son maître, et Léa se calma petit à petit. Il était assis immobile sur le sable humide et admirait le beau coucher de soleil. Le soleil à l'horizon s'est connecté à l'océan et a illuminé sa surface avec des couleurs vives étonnantes. Le garçon s'est figé d'admiration, mais soudain, une pensée l'a fait se lever et sauter sur ses pieds. Encore un quart d'heure où maximum vingt minutes, et sous l'eau il y aura un crépuscule complet, dans lequel il sera impossible de voir quoi que ce soit. Léa, n'hésitant plus une seconde, se jeta dans l'eau et nagea vers le soleil couchant. S'étant éloigné assez loin du rivage, il s'arrêta et regarda autour de lui. Pris en compte le fait que l'évier pendant ce temps pourrait se déplacer un peu plus et, en tapant dans les poumons de l'air, il plongea. Essayant de ne pas dépenser beaucoup d'énergie, Léa glissa doucement dans l'océan, travaillant avec ses pieds. Il devenait plus sombre, mais les profondeurs marines étaient riches en plantes et en poissons, d'où émanait une faible lueur et, en outre, le garçon connaissait cette partie du fond sur le bout du doigt, c'est pourquoi que Léa s'orientait facilement.
Cependant, la pression devenait déjà presque insupportable et le fond n'était toujours pas atteint. Deux mètres de plus, un mètre de plus. Seulement ne pas perdre conscience. Finalement, Léa la vit. Elle était couchée, les vantaux complètement ouverts, et dans ses profondeurs, comme une princesse sur des oreillers moelleux, gisait une énorme perle d'une beauté frappante.
Léa, se trouvant au-dessus du fond la tête en bas, prit soigneusement l'évier dans sa main droite. À ce moment-là, ses poumons semblaient entrer dans la stupeur, il y avait un bourdonnement dans les oreilles, la tête bourdonnait. Il a soudainement réalisé avec horreur qu'il commençait à s'affaiblir rapidement. L'énergie semble l'avoir quitté. De ses dernières forces, le garçon repoussa avec ses mains, ne pensant qu'à ne pas laisser tomber le trésor qui se trouvait dans sa main. Léa se précipita vers le haut, mais la lumière du jour venant de la surface de l'océan était infiniment loin. La vue du garçon se troubla de telle sorte qu'il ne pouvait plus savoir s'il faisait des efforts pour remonter ou s'il se précipitait à nouveau vers le bas. Il a constaté une perte totale d'orientation et a commencé à paniquer, mais l'idée qu'il était encore conscient l'a encouragé et il a de nouveau gagné ses jambes, croyant qu'il ne s'était pas trompé dans le choix de la direction.
Soudain, il sentit la présence d'un corps grand, lisse et fort. Dauphin. Avec sa main gauche libre, Léa saisit sa nageoire et, quelques secondes plus tard, saisit avidement l'air à la surface de l'océan. Le dauphin est sorti plusieurs fois à côté de lui, s'élevant haut, et s'est emporté comme une torpille dans les vastes étendues de l'océan.
Léa s'allongea sur le dos et flotta sur le dos, ne travaillant que les pieds. Cette méthode de natation lui donnait l'occasion maximale de se reposer et de gagner de la force. Il avançait lentement vers le rivage et sentit finalement le sable de mer côtier...
3
Léa se coucha sur le ventre et, posant devant lui un évier ouvert, en examina le contenu avec admiration. La perle était magnifique, il était impossible de détourner le regard. Elle était fascinante. Le garçon l'admirait, oubliant tous les problèmes de la journée passée.
Soudain, une question surgit dans sa tête: qu'est-ce qu'il a fait, que ce bijou lui appartient maintenant? Quand Léa a trouvé la réponse à cette question, son visage a été illuminé par un sourire heureux. Eh bien, bien sûr. Silver se trompe profondément en croyant que ce monde est gouverné par l'argent. Et lui, un garçon de treize ans, a soudainement découvert une telle connaissance qui était plus chère que toutes les perles du monde. Cette connaissance a sauvé Léa de la peur de l'avenir pour toujours, il lui a donné de la force et de la confiance en soi.
Léa couvrit soigneusement les volets de la coquille et, regardant autour de lui, courut sur le haut éperon qui surplombait l'océan de l'autre côté de la lagune. Quand il a grimpé au sommet, il faisait déjà complètement noir. Loin devant l'horizon, une grande ville débordait de lumières. Léa regardait au loin, éprouvant la sérénité et la joie. Maintenant, il sait où se trouve la clé du succès. Maintenant, rien ne le cassera. Et même cette perle délicieuse, il n'a plus besoin d'elle.
- Vis, murmura le garçon et, fermant les volets de l'évier, le jeta loin de l'éperon dans les vagues déchaînées
Il regarda de nouveau au loin la ville lumineuse. Il la regarda comme le grand maître aurait regardé l'échiquier, derrière lequel se trouve un débutant non intelligent comme adversaire.
Encore une fois, il n'avait rien d'autre que son pagne, mais, ne craignant plus l'avenir et n'ayant plus aucun doute dans son cœur, il partit pour conquérir ce monde.