Sep 25, 2007 13:29
Parce que je n'ai pas grand chose de mieux à dire ...
7 ~ Roi de Pique
Elle arriva dans un bureau tout ce qu’il y avait de plus normal. Une grande baie vitrée occupait le mur du fond, derrière Juliette se trouvait une porte en bois et des étagères, face à elle un large bureau derrière lequel était assis un homme en costume d’excellente coupe, des diagrammes, des planning et tout le tintouin nécessaire à un honnête homme d’affaire. Cependant si on n’y regardait de plus près on s’apercevait que quelque chose clochait ; le grand diagramme affiché sur le mur de droite et qui présentait une quasi constante augmentation de ses données commençait à la date de moins trois millions d’années avant Jésus Christ (selon le système occidental de datation). De même une grande faux était appuyée contre la baie vitrée et un immense parchemin intitulé « Death Plan » se déroulait depuis le bureau jusqu’à un coin reculé de la pièce. Pire encore (si c’était possible), l’unique pot à crayon qui ornait le plan de travail était décoré à l’effigie de Mickey Mouse. Décidément Juliette ne s’y ferait jamais.
Elle regarda un instant Mr Black qui écrivait avec frénésie, virevoltant d’une feuille à l’autre. C’était exactement le genre d’homme que Juliette qualifiait de « trop beau pour être honnête », avec sa peau cuivrée d’amérindien, sa silhouette gracieuse, ses cheveux bruns qui retombaient en mèches rebelles devant ses yeux noirs et mystérieux et ses lèvres fines. Notre secrétaire rougit un peu avant de chasser le trouble qu’inspirait naturellement son supérieur ; la technique était simple, il suffisait de se rappeler qu’aux yeux de n’importe qu’elle homme (mis à part les gays qui le voyait comme Juliette) Mr Black devenait Miss Black. De quoi refroidir n’importe quel fantasme.
- Humhum … Mr Black ? Appela-t-elle espérant attirer son attention
Ce dernier releva brusquement la tête et ouvrit de grands yeux surpris.
- Ah, Juliette ! Ca fait longtemps que tu es là ? demanda-t-il de sa belle voix grave et vibrante.
- Non pas du tout, répondit-elle avec une bouille adorable, ne vous en faites pas !
- Excuse-moi. Pour changer, hier soir, une nouvelle guerre a éclaté au Proche-Orient et j’ai une série d’attentats sur les bras au Brésil. Je trouve que j’ai déjà suffisamment de morts naturelles à gérer comme ça, alors si en plus les humains s’entretuent … De fait depuis hier soir je n’ai pas une seconde à moi, je n’ai même pas quitté ce bureau !
Il soupira et se passa la main dans les cheveux d’un air las. Juliette quant à elle était plutôt contente. Mr Black semblait hors de tout soupçon … mais vieux valait s’en assurer. En s’approchant pour déposer les papiers le concernant sur son bureau elle demanda.
- Alors vous n’êtes pas du tout sortit la nuit dernière Monsieur ?
- Je suis juste allée une ou deux fois dans l’antichambre, histoire que ces pauvres ères n’attendent pas trop avant le grand voyage. Sinon j’ai passé la nuit sur cette chaise, d’ailleurs, un petit café ne serait pas de refus.
Juliette, qui étaient parcourue de frissons irrépressibles depuis qu’il avait évoqué l’antichambre, déglutit et se repris. Elle le fixa un instant suffisamment long pour que Mr Black lui rende un regard surpris tout en réfléchissant. Après tout elle pouvait bien lui dire ce qui s’était passé et sa réaction pourrait confirmer la présomption d’innocence que Juliette avait fondé.
- Et bien, à ce propos, nous avons un petit problème …Le café … Il a été volé, lâcha-t-elle finalement en rentrant la tête dans les épaules.
- Tu n’es pas sérieuse, dit-il, incrédule.
- Malheureusement si. Et je pense même que … que c’est un membre de la direction qui a fait ça.
Elle essaya encore de se rapetisser ; elle avait peur d’être allée trop loin.
- Mmh, fit-il en se tenant le menton, tu as certainement raison, je ne vois pas qui d’autre aurait pu faire ça. Tu as pensé à Schnelly ? Ibrahim m’a dit qu’elle avait recommencé à faire … tu-sais-quoi.
- Oui, répondit-elle, rassurée, mais de toute façon je vais aller voir tout le monde puisque je dois faire ma tournée. Dès que j’aurais retrouvé notre or noir je repasserais vous voir.
- Bah ne t’en fais pas, j’ai envoyé deux Kobolds au Brésil je vais leur demandé de m’en rapporter un thermos. Ils ne devraient plus tarder à rentrer.
- Très bien dans ce cas j’y vais. A plus tard Mr Black.
- A plus tard Juliette.
Sur ce notre secrétaire fit volte-face laissant la Mort à son imposante tâche.
8 ~ Dame de Cœur
Juliette soupira, ce bureau la mettait toujours mal à l’aise, quand elle ne fixait pas Mr Black c’était sa faux qui lui sautait aux yeux. A sa sortie Doris l’attendait, elle lui résuma l’entretien et la Kobold confirma que Mr Black ne semblait pas avoir quitté son bureau au cours de la nuit passée. Un suspect de moins. Ce jugement arrêté, il était temps de passer au bureau suivant. Cette fois Juliette et Doris firent face à la Dame de Cœur dont le sceptre était barré d’une plaque au nom d’Ambroise Jekyl. Laissant la Kobold sur le seuil Juliette s’engagea à nouveau sur un chemin de cartes.
Elle arriva cette fois dans un immense laboratoire pourvu sur deux cotés d’une rangée de fenêtres de taille tout aussi démesurée que les fioles gigantesques dans lesquels bouillonnaient d’étranges liquides colorés. Juliette aurait pu entrer toute entière dans chacune des pièces de verrerie. Devant chaque fenêtre se trouvaient des arcs ou des canons. L’un de ces derniers s’actionna alors automatiquement tout près de notre secrétaire et envoya son projectile dans un bruit assourdissant la faisant sursauter. Elle continua à avancer prudemment, en regardant bien où elle mettait les pieds ; elle n’avait pas très envie d’attraper un sentiment expérimental.
Au détour d’un bec verseur, elle trouva enfin Mr Jekyl. Il était en train de tremper une flèche dont la pointe était en mousse dans un liquide rosâtre avec un petit rire diabolique. Ambroise Jekyl était un personnage atypique ; il avait la peau très blanche de ceux qui ne voient pas souvent le soleil, des cheveux châtains en guerre mondiale bien plus qu’en simple bataille, de grand yeux rieurs, un petit bouc (plus le fruit d’un mauvais entretien de sa barbe que d’un souci d’esthétisme), une blouse maculée de tâche et des vêtements désassortis.
Son sourire éternel s’illumina encore un peu plus quand il vit Juliette.
- Hey Juliette ! Salut ! Hinhin fit-il en plissant les yeux, … je sens le doute et la volonté en toi, une farouche détermination … Quel beau mélange ! Très réussi ! Mais tu as toujours été très réceptive à mes préparations !
Il partit dans un grand éclat de rire et Juliette, partagée entre la gène et l’amusement (décidément il lui en faisait voir de toutes les couleurs) lui rendit ses salutations.
- Bonjour Mr Jekyl ! Voici les derniers dossiers. Et je voulais vous demander …
Mais il ne l’écoutait déjà plus. Il se précipita vers un alambique dans lequel on aurait pu ranger 2 éléphants et dont l’embout s’amincissait jusqu’à n’être qu’à peine plus épais qu’une spaghetti. Le savant archer y recueillit une unique goutte à l’aide d’un tube à essai. Il y ajouta immédiatement un quelconque solvant et le porta ensuite à hauteur des yeux tout en parlant avec agitation.
- Regarde Juliette, cette solution se décante … c’est merveilleux.
- Elle se décante ? Cette petite goutte ? demanda-t-elle (il était inutile d’essayer de l’interroger avant qu’il ait finit) Ca veut dire que vous obtenez deux sentiments.
- Oui ! Oui ! Et lesquels à ton avis ?
- Je donne ma langue à Shiru.
- Ce sont la haine et l’amour, ma grande ! Mes deux créations les plus puissantes ! exulta-t-il avant de repartir dans un éclat de rire diabolique.
- Lequel est le plus lourd ? La haine ?
- Eheh bien sûr que non ! La haine est vide et stérile, elle n’engendre que l’absence alors que l’amour est une force génératrice lourde à porter.
- Etrange que deux choses aussi différentes soient issues de la même origine.
- C’est l’histoire de l’univers ma grande ; chaque chose a son contraire …
Il sépara alors les deux demi-gouttes, boucha les tubes dans lesquels elles se trouvaient et les enferma dans un coffre scellé par une combinaison compliquée. Il se retourna brusquement, soupira de contentement dans un calme rare et éphémère. Juliette en profita pour lui poser la question à laquelle elle était sûre de connaître la réponse.
- Mr Jekyl, je voulais savoir, est-ce que vous êtes descendu chercher du café la nuit dernière ?
- Non, affirma-t-il à peine surpri, pourquoi ferais-je ça ? Quoique, je pourrais peut-être essayer de mélanger du café avec ça et puis ça.
Sa voix se perdit dans un chuchotement incompréhensible que Juliette ne tenait pas à comprendre. Elle adorait Mr Jekyl mais pas au point de le suivre dans ses délires. Et elle avait toujours été certaine qu’il n’avait rien à voir dans cette affaire ; il était bien trop fou pour prendre part à un plan aussi minutieux. Il n’était donc pas question de s’attarder le temps pressait.
- Et bien je vais y aller Monsieur. A tout à l’heure.
Il lui répondit d’un vague signe de la main, de nouveau accaparé par une de ses curieuses mixtures. Juliette franchit la porte avec l’habituel sentiment de profonde fatigue que lui inspirait l’enthousiasme inépuisable du Maître des Sentiments.
9 ~ As de Trèfle
- Bien, dit-elle à Doris qu’elle venait de retrouver, jusque là rien d’étonnant. Je me doutais bien que Black et Jekyl serait hors de cause même si je n’exclus pas qu’ils nous aient mentis pour couvrir le coupable … Enfin ça me surprendrait quand même.
Doris haussa les épaules. A ce stade il était difficile d’estimer l’envergure de la conspiration. Depuis le début Juliette avait bien quelques suspects privilégiés, notamment grâce à ses précieux indices, mais il était assez fastidieux d’en parler avec quelqu’un qui ne pouvait vous répondre que par mouvements du buste.
- Il ne nous reste plus qu’à passer au suivant, déclara Juliette en se tournant vers le bureau de Mr Artige. Peut-être, en arrivant ce matin, avait-il eu vent de quelque chose.
Mais elles avaient à peine levé un pied qu’elles tombèrent sur l’As de Trèfle, Aqua, l’une des quatre filles de la directrice générale. C’était une jeune fille (elle n’avait pas l’air d’avoir plus de vingt ans à cet instant) aux longs cheveux blonds qui tombait en cascade sur ses épaules pâles et elle était vêtue d’une magnifique robe bleu-verte. Aqua sortait de chez Ibrahim et, dès qu’elle les aperçut, se tourna avec grâce vers Juliette et Doris.
- Bonjour Mesdames, entonna-t-elle d’une voix douce, comment allez vous ?
- Très bien ! mentit Juliette tandis que Doris sortait une pancarte de nulle part pour faire une réponse similaire
- Vous venez voir Ibrahim ?
- Oui, je fais ma tournée.
Juliette montra sa pile de document pour prouver le caractère parfaitement anodin de ses visites.
- Et vous que faisiez-vous chez Mr Artige ? Il a finit de ranger ses affaires ?
- Oui, je l’ai un peu aidé - tu sais comme il peut-être désordonné parfois … Oh, et devine qu’elle est sa nouvelle lubie ! Il veut des canaux, comme à Venise ! Une chance qu’il ne soit pas allé en Sicile sinon il aurait demandé un volcan à Ignis !
- En effet c’est heureux, renchérit notre petite rouquine. Et vous avez accepté ?
- Oui, il a promis de me promener en gondole, ça me fait rire. Je lui ferais ça certainement demain. Aujourd’hui j’ai simplement étudié la configuration des lieux. J’allais justement le retrouver pour lui demander des précisions. Tu veux que je lui transmette un message ?
- Ah, il n’est plus dans son bureau ?
- Non, il pense avoir perdu quelque chose au parking, son tube de brillantine je crois, et il est redescendu pour voir s’il le trouvait.
- Dans ce cas ne vous en faites pas, il n’y a pas d’urgence. Je repasserais le voir plus tard.
Et elle lui adressa son sourire le plus innocent, qu’Aqua lui rendit aussitôt. La secrétaire en profita alors pour l’interroger.
- Excusez moi de vous posez cette question, mais est-ce que la nuit dernière vous avez eu une soudaine envie de café ?
- Non, pas que je me souvienne. Il faudra demander à Terra. Elle dit que je parle la nuit, alors elle m’aura peut-être entendu prononcer le mot café.
- Vous n’êtes pas descendue alors hier soir ?
- Non, et puis maman n’aime pas qu’on se lève la nuit. Elle dit qu’après nous sommes de mauvaise humeur le lendemain.
Juliette se rappela qu’effectivement les quatre As n’avait pas l’autorisation de se balader durant les heures nocturnes.
- D’accord, c’était juste pour savoir, lança-t-elle joyeusement avant de s’apercevoir qu’Aqua portait un sac en toile épaisse où on pouvait lire « SUGAR ».
- Du sucre ? C’est pour Peter ? Je peux lui apporter si vous voulez.
- Oh c’est gentil mais ne t’en fais pas, c’est pour moi, fit Aqua avec une petite moue gêné, j’ai sauté le petit déjeuné alors … je grignote.
Juliette rit devant l’air coupable de la jeune fille. Ca ne devait pas être facile tous les jours d’avoir pour mère la présidente.
- Ne vous sentez pas mal à l’aise ! Moi aussi je fais ça tout le temps !
- C'est gentil d'essayer de me rassurer ! Mais c’est pas tout ça, je te laisse continuer. Merci et bon courage !
C’est ainsi que l’Eau se retira vers le hall d’entrée.
Ne t'en fais pas Charlène, Peter arrive dans le prochain épisode ^^ !
ucsvp