reste figé.

Jan 12, 2010 03:55


Plongé dans ses pensées, Dylan n'avait pas vu l'heure tourner et la nuit était tombée. Il était seul dans ce grand parc désormais. On n'entendait plus les cris des enfants. Ils étaient tous rentrés chez eux à la tombée de la nuit et seul un grand homme y restait, seul, inquiétant un peu le voisinage. Il était recroquevillé sur lui-même et ne bougeait pas vraiment : les bruits qu'il faisait n'étaient pas clairs. On aurait dit des sanglots, des reniflements mais comme personne ne s'en approchait, personne ne savait. Les immeubles alentours étaient juste spectateurs, notamment les habitants dans les rez-de-chaussée. Il y avait quelques passants nocturnes mais ils ne prêtaient pas attention à Dylan et ce dernier le leur rendait bien. En fait, il y avait plein de monde dans cette ville mais jamais le jeune homme ne s'était senti aussi seul. Combien y avait-il de personnes à Paris et dans ses banlieues ? Combien de foyers, d'histoires d'amours, d'amis, de familles ? Il n'en savait rien. L'actualité française lui avait aussi certainement échappée que le pays lui-même. Au début, il revenait. Puis au fur et à mesure ses retours en France s'écourtaient pour devenir ensuite des visites puis des souvenirs. Comme Morganne, en fait. Mais de la même façon que la France, Morganne était un souvenir qui revenait à la vie une fois que Dylan s'en approchait. Comment passer outre cette horrible sensation ? Son corps entier était engourdi depuis deux longues heures. Il ne ressentait plus le froid à force et ne comprenait plus ce qui l'entourait : le voisinage le croyait drogué, peut-être n'avaient-ils pas torts de penser ainsi. Pourtant, bien qu'en possession de seringues, Dylan était parfaitement net. Il était tout simplement abattu, écrasé par un amour qui le dévorait tout entier. Il transpirait : Morganne le rendait presque fou, en un sens. Il avait essayé de renifler le bout de papier qu'elle lui avait laissé en espérant retrouver cette odeur perdue. Dylan cherchait à s'en souvenir depuis des années mais il ne savait bien évidemment plus le nom du flacon préféré de sa belle. Une odeur de fleurs. Il n'y avait pas de fleurs dans ce parc. Un peu comme dans celui où il avait rencontré la jeune Cathy pour la première fois : l'endroit était commun, banal et ressemblait au parc en Angleterre, mais le voyant ainsi le jeune homme se sentit particulièrement mélancolique. Il aurait aimé pouvoir serrer sa Cathy fort dans ses bras à cet instant : la demoiselle n'aurait pas demandé mieux que de pouvoir rendre son affection à l'homme qu'elle aimait le plus au monde, mais jamais elle n'aurait eu la possibilité de le porter en cet instant. Dylan s'écroulait totalement sous le poids de sa conscience ; il se laissait volontairement envahir par des images, des souvenirs et des envies. Sans rien contrôler, sans même le vouloir. En fait, il faisait un peu peine à voir : ses yeux gris semblaient vides et désabusés. Ses larmes ne coulaient plus mais son visage avait un peu gonflé et sa voix était cassée, enrouée tout au fond de sa gorge. Il avalait avec difficultés et sa pomme d'adam lui semblait douloureuse. Incapable de réfléchir, d'agir, il resta une heure de plus assit dans l'herbe qui devenait froide. Les températures se refroidissaient et pendant qu'il perdait conscience de tout ce qui l'entourait, il était devenu l'objet d'une grande curiosité.

Un peu plus loin sur les sentiers du parc où se trouvait Dylan, un bel homme marchait paisiblement tout en regardant de temps à autres le ciel. Les étoiles étaient particulièrement nombreuses à se découvrir ce soir-là et ce dernier semblait prendre plaisir à en profiter. Ne faisant pas vraiment attention à ce qu'il se passait devant lui ce dernier faillit trébucher brutalement mais se rattrapa in extremis. Il se redressa, remit sa veste correctement sur ses épaules et passa une main dans ses cheveux courts déjà ébouriffés. Il n'était plus très loin de Dylan à présent ; il passa non loin de lui sans le voir vraiment. Il avait bien remarqué que quelqu'un restait assit là sans bouger mais n'y prêtait pas plus d'attention. Ce ne fut que lorsqu'il entendit un reniflement sonore et non dissimulé qu'il tourna de nouveau la tête vers l'inconnu. Malgré l'obscurité de la nuit tombée, les lampadaires du parc éclairaient suffisamment le visage de l'homme pour choquer son observateur. Il avait ce même menton discret et ces traits bien dessinés. Des cheveux de la même couleur, des petits yeux discrets et une bouche dessinée de la même façon : la supérieure étant légèrement plus grosse. Dylan était bien le portrait craché de son père, sauf ses yeux. Mais l'homme n'était pas assez proche pour voir leur couleur. Cependant il ne pouvait plus bouger pour le moment car la silhouette qu'il venait de croiser et d'observer en détails lui coupa presque le souffle. Cet homme affichait sans le savoir une expression d'ahurissement total. Fort heureusement pour lui personne ne le voyait ainsi et surtout pas Dylan qui était toujours loin dans ses pensées. Il pouvait donc observer ce dernier le temps qu'il faudrait... Mais il mit à peine quelques secondes pour conclure que l'homme assit là-bas dans l'herbe était le portrait craché de son père du temps de sa jeunesse, durant laquelle il fut mannequin.

Erwan était trop intrigué.
Et il n'aimait pas ça du tout. Du haut de ses 26 ans, ce jeune homme était toujours en activité ; il aimait faire mille et unes choses et se disperser un maximum. Quelque chose qui lui échappait, cela l'énervait pendant des jours : il préférait courir derrière les choses et les comprendre au bout d'un moment s'il le fallait, plutôt que de ne jamais les rattraper. Mais sans vanter mon personnage, Erwan est d'une lucidité et d'une perspicacité rare : à toute épreuve il a toujours su ce qu'il voulait savoir et ne laissait rien lui échapper non plus. En fait il était plutôt un battant dans la vie et un curieux. Ce qui faisait tout son charme en plus de son physique très avantageux, c'était son imprévisibilité. Combien de fois s'était-il déjà échappé en voyages un peu partout en France et dans le monde, afin de pouvoir être seul ? Il adorait partir, par-dessus tout. C'était quelque chose de beau pour lui, quelque chose qui l'attirait irrésistiblement et qui le comblait mais qu'il devait toujours réitérer parce que cela provoquait une grande soif en lui. Un passionné, une personne entière mais encore bien jeune malgré tout. Joueur et taquin avec les gens qu'il aime il ne les épargne pas pour autant quand ils ne vont plus dans son sens. Suivez-le, il vous tiendra la main. Écartez-vous et il ne se retournera même pas, fâché ou non. Erwan est une personne qui a constamment besoin d'avancer pour vivre et de vivre pour avancer. Il a peur de stagner et de rester figé, ce qui lui est déjà arrivé comme tout le monde, remarque ! Oui, c'est un type commun quand même ! En fait ce qui pourrait sortir un peu de l'ordinaire chez lui c'est sa beauté : non seulement beau à l'intérieur mais aussi à l'extérieur. Il avait une barbe de quelques jours sur le visage, des cheveux courts dressés sur sa tête, un tatouage sur le poignet droit, très fin et discret et un style qui lui allait comme un gant. Des chaussures, des baskets, tout lui va, en passant par les costards et autres pulls et jeans. Ce soir-là, Erwan avait un costard, sa veste sur son épaule, sa chemise noire légèrement entrouverte (il n'est pas frileux). Ses cheveux d'un noir de jais étaient toujours aussi rebelles et ses yeux verts eux, fixaient le portrait de son propre père. Sans se douter qu'il s'agissait en fait de son aîné, son demi-frère. Et pourtant Dylan avait bien des points communs avec lui... A commencer par leurs apparences similaires, bien que Dylan était définitivement encore plus beau à sa manière et surtout un peu plus sensible.

Une sensibilité qui le poussa d'ailleurs à se lever enfin de là où il était, ignorant que son demi petit frère le regardait depuis déjà plusieurs minutes. Dylan relut le papier une dernière fois avant de le ranger dans sa poche et se remémora l'adresse inscrite dessus. Il fit une recherche rapide sur son portable et oublia tout le reste de nouveau. Fou amoureux, il avançait sans réfléchir une seule seconde. Il n'imaginait pas son demi-frère si proche de lui - bien qu'il ne voulait rien savoir de l'autre vie de son père, comme il se disait - et il imaginait encore moins que ce dernier se dirigeait lui aussi chez Morganne.

dylan

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