Umineko no Naku Koro Ni - When They Cry 3 et 4

Nov 09, 2010 15:06


Ceci est ma 300ème entrée, je fête donc le nombre en finissant et publiant (enfin) cet article sur Umineko no Naku Koro Ni que je me suis promis de faire depuis presque un an !

C'est un article de présentation ; garanti sans spoilers, même si on pourrait objecter que parler de la série en est un en soi. Les textes en italiques sont mes traductions personnelles, basées sur les traductions de Witch Hunt ; j'ai conscience qu'il est regrettable de faire une double-traduction, mais pour des raisons linguistiques évidentes, c'est comme ça. Et contrairement à ce que pourrait vous laisser penser la phrase du cut, cet article est intégralement en français ^^





Ce que l’on attend de toi n’est ni une recherche du coupable, ni un travail de détective.
Quand croiras-tu en moi ?
C’est tout ce qui importe.
Si tu veux jouer au détective, à ta guise.
Si tu crois qu’il y a une réponse, vas et continue de chercher.
C’est une torture éternelle qui ne s’arrêtera pas avant que tu puisses croire aux sorcières.

Titre : Umineko No Naku Koro Ni et Umineko No Naku Koro Ni Chiru (When They Cry 3 et 4, « - Welcome to Rokkenjima »).

Studio : 07th Expansion.

Genre et thématiques : mystère, fantastique, tragique, épique, drama, magie, jeu (maître du jeu, découverte progressive des règles), manipulation, romance, action, affrontements, duels de logiques, des pointes de comédie ; jeu d’échecs, horreur, famille, meurtres, torture psychologique, énigmes, île close, caractérisations, théâtre, pacte de lecture, focalisations et points de vue, vérités et réalités, déconstruction et réflexion autour du fonctionnement de l’uncanny, mise-en-abîme et imbrications, torture et viol des quatrièmes murs.
En bref, une sorte d’hybride entre shôjo, shônen, seinen, des essais, et beaucoup d’autres choses. La série est qualifiée de « Mystery horror novel », mais votre classification personnelle dépendra de ce qui vous intéresse le plus.

Langue d’origine : Japonais. Une équipe de traduction non-professionnelle propose une version en anglais avec la bénédiction de l’auteur ; les patchs des six premiers Épisodes et les premiers chapitres du septième sont disponibles, le patch complet du septième n’arrivera probablement pas avant décembre (Witch Hunt).

Média d’origine : Sound Novels, c’est-à-dire un roman conceptuel sur ordinateur, avec bande-son (pas de doublage), fonds et sprites de personnages. Il n’y a pas de « routes », vous ne vous confondez pas avec personnage principal ou les personnages narrant, vous n’influez en rien sur le déroulement de l’Épisode : vous êtes un lecteur, et à ce titre, vous n’êtes pas passif.
À noter les adaptations qui ont suivi (anime, mangas à la parution indépendante pour les six premiers Épisodes) et différents projets non-professionnels (CD audio d’inspiration…) qui peuvent néanmoins se retrouver dans le travail officiel lors des opus suivants. Le Sound Novel de Alliance of the Golden Witch contient les quatre premiers Épisodes ; Requiem of the Golden Witch, les trois premiers Épisodes de Chiru. Le premier Épisode, qui apparaît comme une introduction, est également téléchargeable gratuitement en tant que demo.

Note : le titre vous renvoie avec raison à Higurashi no Naku Koro Ni et Higurashi no Naku Koro Ni Kai du même studio (When They Cry 1 et 2). Le lieu, l’année et les personnages sont différents entre les deux séries ; Higurashi est mentionné dans Umineko, mais en tant qu’œuvre fictionnelle, et les relations entre les deux séries n’apparaissent que dans des écrits annexes de l’auteur. On peut toutefois recommander de prendre connaissance d’Higurashi (surtout Kai, ainsi que Rei) avant de se lancer dans Umineko : l’aura qui entoure les personnages de « Bernkastel » et de « Lambda » se savoure bien plus si vous « savez » pour Higurashi. Sinon, vous prenez simplement le risque d’encore moins comprendre Umineko que les autres, et de façon générale, de passer à côté d’une autre excellente série avec un Vrai Scénario.

Statut : en cours, sept Épisodes sortis. Série entamée en août 2007, parution d’un nouvel Épisode à chaque Comicket, soit en août et en décembre. Le huitième épisode devrait être le dernier.

Umineko no Naku Koro Ni :
EP1 - Legend of the Golden Witch
EP2 - Turn of the Golden Witch
EP3 - Banquet of the Golden Witch
EP4 - Alliance of the Golden Witch

Umineko no Naku Koro Ni Chiru :
EP5 - End of the Golden Witch
EP6 - Dawn of the Golden Witch
EP7 - Requiem of the Golden Witch
(en cours)

L’anime (2009, Studio DEEN, Chiaki Kon à la direction), composé de 26 épisodes, adapte (ou essaie) les quatre premiers arcs, soit jusqu’à Alliance of the Golden Witch.
Le manga adapté de Legend of the Golden Witch (par Natsumi Kei) et celui de Turn of the Golden Witch (Suzuki Jirô) sont les seuls à être terminés ; Banquet of the Golden Witch (Natsumi Kei) et Alliance of the Golden Witch (Soichirô) sont en cours de parution. Les manga de End of the Golden Witch et de Dawn of the Golden Witch entament leur prépublication.

Ma ville natale bien aimée, traversée par une rivière abondante.
Toi qui désires la Terre d’Or, vas à vau-l’eau et cherche la clef.

Si tu suis le cours de la rivière, tu trouveras un village.
Dans le village, recherche le rivage dont les deux te parleront.
Là repose la clef de la Terre d’Or.

Celui qui met la main sur la clef voyagera selon les règles suivantes.

Au premier crépuscule, tu offriras en sacrifice les six désignés par la clef.
Au deuxième crépuscule, les rescapés sépareront les deux qui sont proches.
Au troisième crépuscule, les rescapés glorifieront mon très honorable nom.
Au quatrième crépuscule, gouge la tête et tue.
Au cinquième crépuscule, gouge la poitrine et tue.
Au sixième crépuscule, gouge le ventre et tue.
Au septième crépuscule, gouge le genou et tue.
Au huitième crépuscule, gouge la jambe et tue.
Au neuvième crépuscule, la sorcière sera ramenée à la vie et aucun ne sera épargné.
Au dixième crépuscule, le voyage s’achèvera et tu atteindras le village d’or.

La sorcière honorera le sage, et accordera quatre trésors.
L’un sera, tout l’or de la Terre d’Or.
L’un sera, la résurrection de l’âme de tous les morts.
L’un sera, jusqu’à la résurrection de l’amour perdu.
L’un sera, endormir la sorcière pour l’éternité.

Dors paisiblement, ma bien aimée sorcière, Beatrice.

On raconte qu’Ushiromiya Kinzo aurait jadis conclu un pacte avec la Sorcière Beatrice, et qu’il garderait précieusement l’or qu’elle lui aurait confié.
On raconte que l’île sur laquelle il vit aujourd’hui reclus, Rokkenjima, était autrefois habitée par des démons.
On racontait aux enfants de la famille qu’entrer dans la forêt de l’île revenait à se mettre à la merci de la Sorcière.
On raconte que le vrai maître de Rokkenjima serait la Sorcière Beatrice.

4 octobre 1986.

Kinzo, le patriarche de la famille Ushiromiya, n’aurait plus que trois mois à vivre. Habitant sur Rokkenjima avec son médecin et ami Nanjo, plusieurs domestiques, son fils aîné, la femme et la fille de celui-ci, il a consacré toutes ces dernières années à des recherches alchimiques, parfois apparentées à de la sorcellerie. Lors de la réunion familiale annuelle, dans un mélange d’affection et de défiance, les rapports sont âpres entre ses quatre enfants et leur conjoint : Kinzo n’a toujours pas désigné celui qui prendra sa suite. Pour les petits-enfants, conscients mais étrangers aux stratagèmes des adultes, c’est au contraire une des seules occasions de se retrouver. D’autant plus que cette fois, le fils de Rudolf, Battler, qui avait rompu tout contact avec sa famille suite à la mort de sa mère et au remariage de son père, est revenu après six années d’absence.

Dès l’arrivée des invités sur l’île, un typhon prend naissance, coupant les liaisons avec l’extérieur.

Les personnes présentes sont dix-huit. On dénombre Kinzo, Krauss et sa femme Natsuhi, Eva et son mari Hideyoshi, Rudolf et sa seconde épouse Kyrie, ainsi que Rosa ; leurs enfants respectifs, Jessica, George, Battler et Maria. Viennent s’ajouter Nanjo, puis les employés : le majordome Genji, la vieille Kuwamasa, le chef Gohda, les jeunes serviteurs Shannon et Kanon.

Battler redécouvre sa famille, retrouve George (cousin le plus âgé), Jessica (fille de l’aîné de Kinzo) et refait la connaissance de Maria. À neuf ans, celle-ci semble très intéressée par la sorcellerie et par la légende de la sorcière Beatrice : il y a quelques années, Kinzo a fait installer une épitaphe surmontée d’un portrait dans le hall d’entrée. Son contenu est intriguant, semblant évoquer la légende sur les origines de la fortune des Ushiromiya, mais Maria est catégorique, l’implication de Beatrice n’est pas un mensonge, « Beatrice existe ».

Durant le dîner, lorsque la tempête s’est déjà levée, Maria prétend avoir rencontré Beatrice dans le jardin. La lettre que celle-ci lui aurait confiée informe qu’elle compte récupérer l’or autrefois prêté ainsi que ce qu’il a permis d’engendrer (une fortune familiale, mais aussi la descendance de Kinzo). Elle propose une alternative : si quelqu’un parvient à résoudre l’épitaphe avant le 6 octobre, elle abandonnera ses droits et ses revendications. Soupçonnant qu’il s’agisse d’un enfant illégitime, né de la « Beatrice » de Kinzo, les adultes se réunissent pour se concerter. Auparavant, Rudolf, isolé avec Kyrie et Battler, confie qu’il pourrait être tué cette nuit.

Le lendemain, six corps sont retrouvés dans la chapelle de l’île. Les survivants s’organisent et essaient de comprendre ce qui est arrivé.

Le 5 octobre au soir, lorsque les douze coups de minuit sonnent, au moment où un cycle s’achève et commence, tout est fini.

Au matin, quand le sanglot des mouettes résonne, aucun n’a été épargné.

Personne n’aurait rien pu faire, s’ils ont été tués par une sorcière. Si c’est une histoire de surnaturel, il aurait inutile de chercher à lutter. Si « Beatrice » est responsable, personne de la famille ou des serviteurs n’est coupable ou meurtrier.

« Ou bien » ?
Qui est vraiment sûr de ce qui s’est passé ?
Est-ce qu’une « vérité » existe et peut l’expliquer ?

Bienvenue à la Tea Party de la Sorcière !

Tout est déjà fini, les sacrifices ont été accomplis, les dix-huit sont morts, Beatrice a été ressuscitée, mais Battler est le seul à le refuser. Pour cette raison, Beatrice lui lance un défi : prouver de l’extérieur que tout n’a pas été accompli par magie.

Une personne importune semble t’avoir pris en affection, toi aussi.
Cependant, je me sens désolée pour toi, alors je vais t’aider un peu à t’en sortir.
Mais ne te méprends pas.
Je n’envisage pas de devenir ton alliée.
Je compte apprécier le récit sans fin que Beatrice va tisser jusqu’à ce qu’il me lasse.
C’est pour cela que je te prêterai mon pouvoir.
Je le fais pour que tout cela ne m’ennuie pas.
Je suis la Sorcière la plus cruelle du monde.
Je ferai immanquablement capituler n’importe lequel de mes adversaires.
Même si cet adversaire est Beatrice, la Sorcière de l’Infini.
Toi aussi, tu dois donc faire de ton mieux.
Ne m’ennuie pas, d’accord ?
Lady Bernkastel, Sorcière des Miracles.

Vous en arrivez au point où les cousins discutent de leur mort qui n’aurait pas pu être évitée, et vous ne comprenez plus ce qui se passe, exactement.

Le premier Épisode n’est qu’une introduction. L’enjeu de la série n’apparaît qu’à sa fin, et ça n’est peut-être pas son vrai fil conducteur. Ce que vous savez, c’est que s’il y a un personnage principal ou un protagoniste à supporter, c’est sans doute Battler, qui à ce moment, objecte contre quelque chose sans vraiment le déterminer. Beatrice est réputée pour avoir plus de mille ans ; elle va massacrer ce petit.
Comment prouver qu’un évènement peut s’expliquer rationnellement lorsque vous l’observez d’une dimension « magique », le Purgatorio, et que vous voyez des démons et des sorcières user de moyens fantastiques pour commettre des sacrifices ? Peut-être parce que « ça ne s’est passé comme ça ». Alors comment différencier le vrai du faux ? Les sorcières aiment jouer, inventer des règles sans totalement les expliquer.

Umineko est un voyage, une progression, une conquête menant à la compréhension. Il y a énormément de données qui s’entremêlent, de liens à découvrir, d’occasions d’affronter deux points de vue. Ou trois, ou quatre. Êtes-vous pro-mystère, anti-fantastique, anti-mystère, ou pro-fantastique ? Cependant, pas de traitement « technique » de la question. Il y a une fresque impressionnante de relations, et, justement, ce qu’Umineko a d’exceptionnel, c’est toute cette dimension « personnelle », cette forme d’intimité entre les personnages, qui est extrêmement bien développée et permet tout de même au lecteur de s’y glisser. Le tout s’insère dans une sorte d’univers divin ou cosmologique, on ne sait pas très bien, mais il y a toute une organisation qui fait exploser le temps et l’espace, dans le monde où Battler se retrouve plongé.

La série se déroule à plusieurs niveaux, de plus en plus reliés entre aux, aux frontières de plus en plus floues à mesure qu’avance la série. Au début, on ne comprend pas ; le principe que l’on finit par assimiler se retrouve transgressé et laisse désorienté ; on ne comprend plus ; on commence à reprendre pied ; ainsi de suite.
Il y a les évènements de Rokkenjima. Concrètement, une famille et quelques serviteurs sont sur une île, isolés par une tempête. Des meurtres se produisent.
Il y a cet espace autre, le « Purgatorio », où Beatrice et Battler s’opposent sur le déroulement des évènements. Il y a le fait que Beatrice intervienne sur le premier niveau, accompagnée de ses propres serviteurs (démons) pour massacrer sauvagement à coup de magie les membres de la famille, et que Battler doit déterminer comment tout cela n’a pas pu se produire.
À partir de l’EP3, accueillez avec joie les évènements de l’année 1998, qui auront un effet sur la dimension du Purgatorio.

Umineko No Naku Koro Ni ne vous servira pas les réponses sur un plateau d’argent. La série ne cherche pas à vous transformer en spectateur passif. Elle suppose que vous réfléchissiez, que vous échafaudiez des hypothèses et tentiez de trouver des solutions aux problèmes, dont les questions ne sont même pas toujours posées. Umineko se plaît à jouer sur des codes et des règles restant inconnues du lecteur, et qui sont explosées aussitôt révélées. Il y a cette histoire de quatrième mur, violé dès la fin de l’EP1 : il y en aura d’autre, et la question du rapport entre « réalité » et « fiction »/« création » se posera tout autant
On fonctionne sur le principe de l’enquête, du roman de mystère, et la série le sait, l’assume, parle et débat de ses règles pour ajouter une dimension « méta » ; brise les structures, subvertit les principes, maltraite, rompt, casse les codes qui les caractérisaient. Deux idées principales semblent s’affronter : ou des meurtres sont commis par magie, ou bien le coupable est humain et utilise des moyens rationnels. Ce sont deux réalités qui existent simultanément dès qu’elles sont évoquées ; tout consiste à détruire celle de l’autre, ce qui est aussi nécessaire que cruel.

Sauf que tout ceci n’est pas technique. Que ça n’est pas un exercice réflexif autour du mystery genre ou un affrontement mécanique. Tout s’insère dans l’exploration des personnages, de leur passé, de leurs liens, de ce qu’ils ont pu commettre ou faire pour en arriver-là. Certains font des actions regrettables, blâmables, parfois insupportables, mais il s’agit de comprendre leurs mécanismes, et ils ne sont jamais ni tout noir ni tout blanc. Ils ont des motivations ; ils se donnent les moyens de les atteindre.
Le casting paraît à première vue être constitué de dix-huit personnages, dix-neuf si l’on compte la signataire « Beatrice ». Pourtant, chaque nouvel Épisode en a introduit davantage, si bien que la série en compte maintenant plus de cinquante caractérisés.

Chaque épisode s’attarde et/ou se consacre à des personnages différents. Dans l’EP1, c’est peut-être Natsuhi (la femme du premier fils de Kinzo, Krauss) qui est le plus mise en avant ; c’est elle qui organise, gère et possède un pouvoir décisionnel sur les actions des survivants. Dans l’EP2, on se centre davantage sur Rosa (la plus jeune fille de Kinzo) et les relations amoureuses respectives de Jessica et George (fille de Krauss / fils d’Eva, deuxième fille). L’EP3 est à plusieurs niveaux consacré à Eva. L’EP4 se dédie plutôt à Maria et à Ange (la fille de Rosa / ???). Une frontière supplémentaire éclate, et, à partir de l’EP5, les choses deviennent moins évidentes, mais, globalement, l’EP5 « explique » le personnage de Natsuhi, tandis que l’EP6 revient sur les histoires de Jessica et George.
On ne peut pas dire qu’à chaque fois, les évènements sont perçus par les personnages cités : c’est tout simplement que l’épisode révèlera plus d’informations les concernant, ou leur manière globale de penser, en éludant certaines questions. Les autres personnages ne deviennent pas, à ce moment, des étrangers ; on en apprend plus sur leur passé, sur leurs actions, peut-être leurs motivations ou leur manière d’agir, sur les relations qu’ils entretiennent les uns avec les autres.

Rien n’est fixe, et il est en fait difficile de se faire un avis (« de juger »), mais via ce procédé, la sympathie et l’affection naissent très rapidement. Une des relations les plus terribles depuis l’EP1 est celle entre Rosa et Maria (sa fille, la plus petite des cousines) ; je réponds à tout par « l’EP4 ». Rosa se montre excessivement violente avec Maria, sujette à des crises d’obstination. L’EP4 révèle une bonne partie des choses, et les deux ne vous auront jamais semblé si tragiques.

De son côté, Beatrice est une raison en soi pour se mettre à Umineko.
C’est une sorcière, un Maître du Jeu, elle craint l’ennui et fait tout pour le repousser, elle aime emprisonner psychologiquement ses adversaires, elle aime les frasques et les meurtres accomplis de façon extraordinaires, elle aime tromper, manipuler, avoir l’occasion de rire aux dépends des autres, elle aime les duels corsés… et elle a des kinks. (fin de l’EP2. Juste… fin de l’EP2.) Elle suit son objectif, elle fait mal, aime orchestrer et « créer » des évènements, elle aime martyriser Battler en utilisant tous les moyens possibles pour le faire tomber. Elle s’amuse, elle est cruelle, majestueuse, complètement puissante dans cet univers éclaté. Ou peut-être pas, et peut-être que d’autres sorcières sont bien plus féroces qu’elle, ou n’ont pas les mêmes objectifs. Et, en même temps, elle se comporte parfois comme une enfant, a des inquiétudes, s’agace, prend des revanches complètement puériles. Elle a cet aspect incontrôlable et impossible à comprendre, parce qu’elle use de moyens détournés.

Quant à Battler… il se fait bouffer pendant presque l’intégralité de deux Épisodes, mais avec panache et sans jamais totalement abandonner. Beatrice n’est pas particulièrement tendre, aime le terroriser et le faire pleurer et rager. Battler n’est pas spécialement faible en soi ; rappelez-vous juste qu’il a dix-huit ans, et que Beatrice est un antagoniste induisant des circonstances… atténuantes. Mais plus on avance, et plus Battler trouve des moyens pour contrer, et il a généralement des réactions qui vous le rendent très sympathiques. Parce qu’il aime sa famille, parce qu’il pense aux autres, et parce que c’est un protagoniste abominablement chouette, tout simplement. Et en plus, il sourit beaucoup et semble admettre que ce qui lui arrive est une expérience excitante, qui le pousse dans ses retranchements et le force à innover.

La relation Beatrice/Battler est un jeu de pouvoirs en soi : avoir la main sur l’autre, l’emprise sur l’autre, faire céder l’autre. Le fait qu’ils soient proches physiquement, qu’ils aient des conversations parfois détendues, que la dépendance qu’ils ont en mise en avant (un jeu/duel ne peut exister qu’avec deux opposants), que tout soit centré sur la question de savoir qui est « Beatrice », vous rendra très réceptifs à la vague d’UST qui va déferler à travers de leurs discours et actions. Les yaoistes et slasheuses qui connaissent la série les shippent, et c’est pourtant du het. Je crois que c’est révélateur : leur relation est infiniment intéressante, concrètement, parce qu’une complicité naît là-dedans, qu’ils sont à la fois ennemis et quelque chose en plus, de différent. Que c’est comme s’ils se « trouvaient », ce qui ne vous rappelle pas qu’Umineko No Naku Koro Ni s’inspire de La Divine Comédie, où il est question d’idéal et de quête.
Et… et… spoilers, EP5. Juste : l’auteur est doué pour faire précisément ce que d’autres œuvres fictionnelles nous ont appris à ne pas attendre. Dans l’EP5 (et à la fin de l’EP4), votre cœur exulte et est brisé au même moment, juste parce que.

On ne peut pas parler d’Umineko sans évoquer ses musiques. Elles s’avèrent extrêmement variées, créées par plusieurs artistes, ce qui retranscrit extrêmement bien les ambiances différentes, provoque des chocs d’autant plus grands lorsque l’on passe d’une scène à l’autre. Comme si chacun apportait une petite pierre à un édifice, offrait « un des aspects » de la série.
dai est le compositeur que je trouve le plus représentatif, pour toutes les consonances baroques de ses musiques, auxquelles se mélange un côté innocent et enfantin (c’est particulièrement sensible avec ses morceaux à l’orgue, qui ressemblent parfois à des boîtes à musique) ; et puis, aussi, pour ses morceaux au piano qui sont juste « épiques » et insufflent vie au texte, le mettent en mouvement avant que vous n’ayez compris pourquoi.
Chaque Épisode contient « une » piste de duel. Une, parce qu’on pense à une musique faite par zts, donc, qui remixe un ou plusieurs thèmes d’autres musiques, et que le morceau fait plus de six minutes, et est parfaitement reconnaissable comme « cette » piste. Et, curieusement, comme beaucoup d’autres, je me retrouve à adorer ces musiques électro/techno, qui sont en fait parfaitement adaptées à ces batailles verbales où deux logiques s’affrontent et cherchent à détruire (celle de) l’autre. Lorsqu’on les écoute isolément, on pense à une bataille type-RPG contre le boss de fin. Ça n’est pas le cas, et ça l’est tout à la fois.
Il y a, dans la même veine, -45, qui présente extrêmement bien une ambiance sombre et étouffante qui avale les personnages au moment même où ils pensaient s’en tirer. Le rythme est souvent effréné, assez saturé, joue sur un mélange de morceau au piano et de notes complètement synthétiques ; et ça marche. Et c’est épique. Et vous vous retrouvez à aimer ce qui aurait tout eu pour vous déplaire.
xaki fait des morceaux plus « cassés », assez lents, qui sont comme une nappe de brume (celle qui existait depuis des heures et que l’on vient de reconnaître comme telle). La partie vocale de ses pistes (pas de paroles) est complètement flippante. Elles sont souvent liées au passé, aux recherches pour découvrir la vérité. Ou « une » vérité.

Il y en a d’autres, proposant des airs intimes, d’énergie joyeuse pure, évoquant des courses-poursuites, des fêtes spectaculaires, un abandon et une « fin », des collisions, des états « autre » où une réflexion s’opère et le raisonnement se déroule. Et ça marche de bout en bout, une fresque se crée, parvient à faire naître des émotions totalement différentes en un instant. Si vous n’avez aucune idée de ce qui est en train de se passer, vous être forcé de reconnaître qu’il y a un problème, rien qu’en écoutant les pistes. De cette façon, on peut alterner avec une efficacité remarquable entre des scènes de vie quotidienne qui sont très révélatrices sur les relations/fonctionnements des personnages et donnent des informations cruciales ; des moments d’angst purs qui font vibrer, sont fragiles et semblent sur le point d’éclater ou de faire éclater ; des morceaux de tragique complètement destructeurs et maîtrisés.

Une petite compilation ici !

Umineko No Naku Koro Ni a, personnellement, ce que je voulais aimer.
Une flopée de personnages que l’on aime pour ce qu’ils sont. Un voyage à travers les mots et la compréhension. Des moyens mis en œuvre qui dépassent l’entendement. Un courant mythique qui donne de l'importance à une adversité personnelle. Un sentiment constamment d’urgence qui vous pousse en avant. Une sorte de délire totalement assumé, partagé, un objet insaisissable qui captive, dépossède et se base avec réussite sur l’émotion. Une maîtrise totale qui offre des rebondissements constants, qui permet d’oser. Un travail quasi littéraire sur un genre, des réflexions, des recoupements et des comparaisons. Un souffle, un rythme, une œuvre que l’on sent « battre sous ses yeux », comme un être vivant.

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