Titre: Passé, Présent, Futur
Auteur: Isil (isilrae@gmail.com)
Fandom: Harry Potter/Caer Verse
Personnages: Benedikt, Théodore Nott
Rating: G
Disclaimer: Benedikt est à moi, euh! Benedikt est à moi! ^w^ Bon, par contre, pour Théo, j'ai toujours pas reçu l'acte de vente signé par Rowling! *boude*
Parfois, je me demande si j'aurais eu des enfants si je n'avais pas croisé le chemin de mon Sire, de celui que j'allais appeler Père avant de n'employer plus son nom que dans des malédictions. Sans doute tout vampire doté d'un minimum de matière grise se pose t'il un jour ou l'autre ce genre de questions qui peuvent paraître dérisoires. Elles le sont certainement un peu, car enfin, on nous offre l'éternité, aussi regretter peut sembler ingrat.
Soit. Et pourtant, s'interroger ainsi est une façon de garder à l'esprit ce que nous étions avant, de simples humains, fragiles et impuissants pour la plupart. Ne pas oublier, non pas pour les mépriser mais pour avoir en tête à chaque instant que nous étions ainsi, faillibles et aveugles, et que ce temps là n'est pas si loin.
Je veux que mes enfants respectent les humains, qu'ils n'oublient pas qu'ils sont à peine plus mortels que nous. Je les guide en ce sens du mieux que je peux, je les ai choisis en ce sens. Même lui, que l'on pourrait pourtant qualifier de tentative désespérée pour qu'une situation déjà désespérée ne finisse pas en drame diplomatique et humain…
Mon nom est Benedikt, et en un jour trouble de Février, j'ai fait de Théodore Nott un de mes enfants.
Mon geste n'était qu'à moitié calculé. Certes, j'espérais que sauver un de ses amis me permettrait de sauver la mise face au jeune Malfoy, malgré la trahison de Verediana et celle plus insidieuse encore de Iulianus. C'était une manœuvre un peu précipitée et pourtant, quand j'ai vu Verediana les offrir, lui et son ami, en pâture à ses mignons, je les ai regardés tous les deux, Théodore Nott le discret et Blaise Zabini le fier, et j'ai su que seul Théodore, qui défiait du regard ses bourreaux serait digne d'être des miens. Blaise avait l'air trop attaché à son existence, trop fier de ce qu'il était pour supporter le changement.
Tandis que Théodore… Il y avait chez lui quelque chose qui me plût dès la première fois où j'ai posé les yeux sur lui, compagnon silencieux du fier fils déchu des Malfoy, bien avant que je n'aie plus d'autre choix que de lui offrir une seconde vie, à la fois plus ingrate et plus passionnante qu'il n'est possible d'imaginer. Car si les humains et leurs principes se targuent de représenter la lumière de notre monde et si les mages porteurs de mort symbolisent les ténèbres, nous autres créatures marquées, vampires et loups-garous, sommes les ombres, les variations de gris qui joignent le blanc et le noir, libres de basculer d'un côté ou de l'autre à chaque instant.
Aujourd'hui, je sais que Théodore, bien qu'il ait vécu tout sa vie dans l'ombre, celle de son père et de la menace qu'il représente, puis celle qu'il s'est ensuite tissé lui-même parce qu'il était infiniment plus simple de se cacher derrière, est empreint de plus de lumière que beaucoup de ces humains moralisateurs. Je sais tout ça car j'ai moi-même touché du doigt cette lueur timide mais rassurante.
Théodore est mon fils, mon jeune frère, mon élève et je le chéris autant que mes autres enfants. C'est le plus jeune de tous, et je regrette que ses frères et sœurs voient en lui un traître chaque fois qu'il nous quitte pour retourner auprès de ses amis. Ils ne comprennent pas, comme moi, que c'est auprès d'eux qu'il veut et qu'il doit trouver sa place. Auprès de nous, il l'a déjà trouvée. Il n'a même pas eu besoin de la chercher. Il est mien, et il a sa place avec moi, à mes côtés. Et quand le jour viendra où il nous rejoindra enfin, j'espère qu'il aura compris qu'il n'a rien à prouver, ni à nous ni à personne.
Car c'est peut-être cela qui lui fait défaut: la confiance en lui. Il ne doute pas de son intelligence ni de ses capacités d'analyse, c'est en lui-même qu'il doute, car il sait parfaitement que ce n'est pas son intelligence qui fait un homme, et qu'à ce titre là, les vampires ne sont pas différents. Quand on a vécu avec un père qui ne prenait même pas la peine de montrer sa déception et encore moins son approbation, il devient difficile de se faire une opinion de soi-même. Il fut un temps où Théodore, selon ses propres mots, s'appliquait à exister, sans voir le moindre intérêt à vivre véritablement.
Alors, s'il peut trouver ce qui lui manque auprès des contrebandiers, qui suis-je pour l'empêcher d'y retourner? Qui suis-je pour laisser un sentiment égoïste passer avant ses propres décisions? Car, bien sûr, je préfèrerais qu'il reste ici avec nous, bien sûr, je pense pouvoir moi aussi l'aider à trouver ce qui lui manque, bien sûr, il m'est pénible de le savoir souffrir sous les mots de ses amis ou sous les coups de ses ennemis, mais j'aime aussi le sentir heureux quand il plaisante avec ces deux irlandais turbulents, serein quand il discute avec le jeune Malfoy, satisfait quand il partage de simples moments avec Blaise, quand il est dans ses bras, satisfait à défaut d'autre chose, c'est mieux que rien après tout… Alors oui, qui suis-je pour oser le priver de cela?
Et quand les évènements extérieurs le poussent à revenir vers nous, j'en profite pour le guider et lui montrer ce qu'il aura quand il ne repartira pas. Et je chéris ces moments où il fait le premier pas, comme en ce moment même, où il est devant la porte, à m'écouter écrire et à se demander s'il doit me déranger.
"Entre donc, Théodore," dis-je sans élever la voix et sans cesser d'écrire ces lignes.
"Sire," me salue t'il en s'asseyant.
Un bref coup d'œil vers lui, le temps de croiser ce regard franc que j'affectionne parce qu'il m'est réservé, et je retourne à ma plume. Il ne montre aucun signe d'impatience, car c'est ainsi qu'il a été élevé, c'est ainsi qu'on lui a appris à agir face à ses supérieurs ou aînés. Sans doute ses amis ont-ils parfois droit à un tout autre comportement… Peut-être est-ce un peu d'envie que je ressens, mais à chacun sa place et à chacun son rôle.
Il veut discuter, je le sens. Juste discuter, comme c'est trop rarement le cas. Aussi vais-je devoir poser ma plume et lui offrir mon attention toute entière car il ne mérite pas moins. Et même si c'est lui qui a le don de voir de quoi demain sera fait, je me laisserai aller à imaginer à travers ses mots et ses si brefs sourires combien son avenir sera brillant et peut-être, peut-être, même si ce n'est pour le moment qu'un espoir un peu fou, peut-être devinerai-je dans ses questions aussi judicieuses que ses réponses, quel guide habile il fera pour les nôtres… Peut-être…
FIN.