En exclusivité mondiale, je vous annonce que j'ai gagné mon tout premier prix grâce à l'effort de mes petits doigts. Bon, je n'ai pas gagné le prix suprême mais participer, avoir été sélectionnée et recevoir un livre en dédommagement et un petit commentaire sympathique, ça fait plaisir comme dirait l'autre.
Donc, chère Ecco, le jour où tu viendras ici, je te préviens qu'une fois ta thèse finie, on se met à écumer tous les concours de nouvelles qui nous plaisent. J'en ai vu
un sur l'immortalité qui a l'air très bien.
Mais voilà ce que j'ai produit :
Partir
Nous partirons un beau matin ensoleillé de juillet. Nous courrons comme des enfants fugueurs, comme craignant d’être rattrapés. Nous, les gamins toujours trop gâtés, prendrons les routes dans un grand éclat de rire à la poursuite de ce que la vie ne pourra jamais nous offrir sans renoncement.
Nous abandonnerons le confort de nos existences pour l’incertitude de demain. Nous laisserons la rassurante mélopée de la routine quotidienne pour la découverte d'un nouveau paysage chaque jour. Et nous gagnerons au change.
Nous fuirons notre monde en parcourant le monde. Nous remplirons nos oreilles, nos nez, nos yeux, nos bouches, nos mains de la musique insolite d’une pluie sur un toit en tôle, de la fragrance enivrante des encens, des infinies et inouïes étendues ocres du désert, d’un concert de cloches tibétaines, du goût surprenant de la neige, de la rondeur d’un morceau de verre usé par le ressac, des senteurs incongrues de l’herbe tout juste coupée, des couleurs fascinantes des vitraux d’une église de campagne, de la fraîcheur salvatrice de l’eau la plus claire, de la douceur des draps séchés au soleil. Le monde se dévoilant devant nous décuplera nos sens à l’excès et sans jamais atteindre l’overdose.
Nous abolirons toutes les frontières. Nous créerons notre propre pays qui n’existera que sous nos paupières closes, ces carnets de voyage non écrits, où seront mêlés des vagues de mers et de plaines, les hauts sommets des montagnes et des gratte-ciel, la densité étouffante de la jungle et des étals des bazars. Nous baptiserons chaque pierre, chaque fleur, renommerons les étoiles chaque soir, échangerons le sud et le nord, l’est et l’ouest. Nous nous égarerons partout mais nous ne nous perdrons jamais. Nous traverserons, arpenteront le monde pour le faire définitivement nôtre.
Nous vivrons enfin au lieu de survivre et subir la fatalité. Car, le long des routes et des chemins, nous découvrirons en nous la force qui nous a toujours fait cruellement défaut pour lutter contre le sort et l'abattement. Nous apprendrons à travers les incroyables paysages créés par les éléments combien nous sommes infiniment petits et à quel point nos existences sont dérisoires aux yeux de la nature. Mais devant les pyramides, le Taj Mahal, les monuments magistraux bâtis par l'homme, les visages sereins et paisibles de ceux qui n'ont rien et qui se battent pour tout, nous comprendrons aussi comment, tous ensembles, nous pourrions être immensément grands et puissants. Nous saurons alors que nous n'avons besoin que de peu de choses pour rendre le monde meilleur, pour donner du sens à ce qui n'en a plus. Nous acquerrons le pouvoir de croire que tout est possible et celui, bien plus précieux encore, de trouver l’émerveillement et l'espoir dans chacun de nos actes.
Nous trouverons la paix, l’équilibre. Et là, debout en haut d’une falaise balayée par les vents, allongés sur une plage de sable fin ou bien au chaud devant un grand feu de cheminée, nous parlerons de l’avenir avec un enthousiasme inconnu jusqu’à présent. Et nous réaliserons sans avoir à prononcer un seul mot que notre voyage n’aura jamais de fin. Même en rentrant, même en posant nos valises quelque part, dans un lieu croisé et aimé lors de nos pérégrinations.
Nous serrer dans les bras l’un de l’autre sera toujours un nouveau départ. Vers les si proches contrées que seront devenus nos corps et que nous connaîtrons à tout jamais par cœur. Vers les reliefs de nos pommettes, nos épaules, nos coudes que nous explorerons encore et encore. Vers le plus petit territoire que seront nos cils à l’architecture si délicate, vers nos peaux, champs tantôt rêches, tantôt satinés dont nous connaîtrons les moindres recoins. Nous serons notre propre terre, notre propre refuge. Ce sera ainsi que notre quête cessera.
Le bateau est à quai et le départ est imminent. Ce n’est pas un beau matin ensoleillé de juillet comme je l’avais imaginé mais un soir embrumé de décembre. Nous ne prendrons pas les routes mais voguerons sur les flots. Et peu importe car à l'idée de ce voyage, nos cœurs battent avec la même impatience et appréhendent les mêmes joies.
Nous partons.
Voilàààààààààà !!
Cae