[French/français] La pompe funèbre

Sep 04, 2009 11:03

Titre : La Pompe funèbre
Auteur/Artiste:maikichelorrain
Personnage(s) et/ou pairing(s): Arthur, Francis
Rating: PG
Avertissement: mention d'alcool et de sexe - on est en France quoi
Résumé: Arthur se rend à l'enterrement d'un président français. Surement pour la dernière fois.

Février 1899

Il était enfin temps de s'en aller, soupira intérieurement Arthur, tandis que lui et Francis se dirigeaient vers la sortie du cimetière. La météo était à l'image de l'atmosphère : froide, impersonnelle, et grise. Francis, contrairement à son habitude, ne disait mot, le sourcil froncé - Arthur supposa que le deuil de son président devait être dur à faire.

Il ne savait pas vraiment. Pour lui, il n'y avait que son roi, ou sa reine. Les premiers ministres se succédaient au fur et à mesure que les années passaient, et c'était souvent le cœur lourd qu'il allait leur rendre hommage lors de leur enterrement.

Mais un président français n'est ni un roi, ni un premier ministre. Il n'est rien, rien qu'un symbole, qu'une incarnation qui n'a aucun pouvoir concret sur la politique du pays. Autant il était certainement triste de voir son chef d'État mourir lors de son mandat, autant son importance était toute relative. Et Francis était un peu trop nostalgique pour être totalement honnête.

Emmitouflé dans une longue cape, il avançait, sans un regard pour son compagnon, mais les yeux dans le vague, l'air absent de l'homme ayant perdu sa muse.

Arthur se redemanda vaguement pourquoi il avait accepté de subir la cérémonie (catholique) dans le cimetière (catholique) du Père Lachaise, où un prêtre (catholique) avait endormi tout le monde avec son prêchi prêchât déprimant. Est ce qu'une tentative d'apaisement dans les relations franco anglaises valait la peine de subir une telle dépression collective?

Il hésitait, il n'avait pas encore toutes les cartes en main. Peut-être que Ludwig accepterait une alliance, ou tout du moins d'éviter une confrontation trop directe. Peut-être que non, cela ne lui apporterait rien de se rapprocher d'Ivan par l'intermédiaire de Francis. Peut-être qu'un apaisement avec Francis était déjà une peine perdue.

Il lui fallait encore réfléchir - mais qui ne tente rien n'a rien.

Les deux hommes se retrouvèrent enfin dans la rue, dans une marée de costume et noire écumant depuis la sortie; et même si cela ne déclencha aucun commentaire de la part de son acolyte, Arthur se sentit soudain libéré d'un poids. Son estomac se desserra en un instant; la corvée était terminée, il allait pouvoir rentrer chez lui après sa bonne action diplomatique.

Mais une chose étrange se produisit tandis que Francis épiait la route à la recherche de leur carrosse. Un peu à l'écart d'eux, une des colonnes de soldats qui avaient accompagné le cercueil de feu Monsieur le Président, et qui avaient été aussi coincés du cul que leur pays ce jour là, s'agitaient. Leurs chevaux hennissaient, un brouhaha indistinct mais visiblement indigné s'amplifiait, et de là où se trouvait Arthur, il pouvait bien apercevoir leur air outré.

- Francis, il se passe quelque chose.

Francis tourna la tête vers la source de la gêne, et son visage se rembrunit d'un coup. Son poing se serra, et Arthur l'entendit grogner avant de se diriger vers les soldats d'un pas décidé.

- Comme si l'armée n'avait pas assez de problème en ce moment...

Arthur hésita cinq secondes, puis lui emboita le pas.

Le Français avait toujours été fier de son armée, il l'avait récemment assez exhibée à chaque terrain africain conquis, comme si cela avait la moindre chance de faire peur à ses rivaux - sincèrement, Arthur s'en fichait royalement. Mais l'année passée, alors qu'ils avaient eu la malchance de se croiser à Fachoda, Francis s'était simplement contenter de le regarder en chien de faïence, et d'attendre les ordres. Pas d'attaque, pas de déclaration de guerre alors que leur rivalité courrait depuis près de 20 ans, et que la tension était à son comble.

Connaissant Francis sur le bout des doigts, ou presque, Arthur s'était attendu à une charge passionnée comme prélude au conflit... mais le Français n'avait rien fait. Au contraire, il avait haussé les épaules, il s'était retourné, et il était parti. Même quand le Britannique l'avait traité de lâche, il ne s'était pas énervé. Juste un petit sourire en coin, un regard triste qui se perdait au loin et une phrase un peu énigmatique :

- La vraie lâcheté serait de rester ici.

Ainsi Arthur regarda le Français s'adresser à l'un des militaires, et il le trouva bien plus vivant qu'il ne l'avait été durant toute la journée. Une dureté étrange émanait de lui, et pourtant le fantassin ne semblait pas en être gêné outre mesure de recevoir ce qui apparaissait comme des remontrances de son propre pays.

Le soldat - une jeune recrue, pas plus de 20 ans, parut d'abord intimidé, mais au fur et à mesure de la discussion, le visage fermé et strict de Francis s'éclaira comme illuminé par la compréhension. La nation donna une tape sur l'épaule de la recrue, avant de s'écarter de lui, de soupirer et de sourire, avec un grand air ironique.

Francis revint vers Arthur d'un pas beaucoup plus alerte et léger qu'à son départ, et lui annonça, un peu essoufflé, une fois arrivé à la hauteur de l'Anglais:

- Oh, ce n'est rien, ce n'est rien. Juste un peu de grabuge.

- Un peu de grabuge? Arthur haussa un sourcil - il reconnaissait le mensonge et la dissimulation à 100 mètres. Après tout, il n'en était pas un expert pour rien.

Francis balaya son soupçon de la main, pour le confirmer, à la grande horreur du Britannique.

- Une tentative de coup d'État.

La mâchoire d'Arthur avait surement du se décrocher sous le choc. Et ses yeux sortir de leurs orbites. Peut-être était-ce un cliché, mais il pensait que chaque tentative insurrectionnelle en France devait automatiquement se faire en grande pompe et des tonnes de sang versé. Et là, il n'avait eu que la puissance du murmure du vent.

Malgré tout, la chose était grave. Les gens s'agitaient autour de lui, les dignitaires du pays chuchotaient avec inquiétude, et les visages fermés des femmes, bien plus fermé que lors de la mise en terre de l'ancien président, n'avaient pas échappé à Arthur.
Et la désinvolture de Francis qui avait l'air de trouver la situation assez amusante n'était pas des plus rassurantes. La syphilis avait-elle fini par enfin monter à la tête du Français et commencer à lui dévorer l'esprit? Au vu de son manque total d’inquiétude, la question n’en était que légitime.

- Enfin tu te rends compte, continua Francis sur le ton de la discussion, en lui parlant comme à une jeune demoiselle qu'il aurait tentée de séduire à l'aide d'une plaisanterie, que cet homme a tenté de forcer le sergent chef à marcher sur l'Élysée - avec tous ses hommes derrière! Ce n'est vraiment pas très très intelligent... Le 1e avril n'est pourtant pas pour maintenant...

- Mais... mais Francis! Un coup d'État! s'exclama Arthur, soudain excédé par tant d'inconscience.

- Quoi, un coup d'État? Je viens de te dire que...

- Ce n'est pas comme se prendre un râteau, cuisse de grenouille. Aurais-tu oublié quel genre de sensation cela fait ? Comment peux-tu prendre cela à la légère ?

En théorie, une prise de pouvoir par la force ne provoquait pas de sentiments agréables, quand cela n’était pas demandé - et le souvenir de Napoléon apparut, diffus, mais présent, dans son esprit. Cependant, ce n’était pas le cas aujourd’hui, le jour où la France avait solennellement rendu hommage à feu son chef d’Etat. En tout logique, Francis n’aurait pas du prendre la tête de quelqu’un subissant l'effet d'une crise d'hystérie.

Francis surprit, se reprit, mais n'avait toujours pas l'air d'avoir saisit où le bas blessait.

- Je sais évaluer la situation, Arthur, merci bien.

- Et alors?

- Et alors quoi?

Les deux pays se regardèrent brièvement avec leur habituel air d'incompréhension mutuelle. Arthur, à deux doigts de frapper face à tant de nonchalance et d'idiotie, bouillait intérieurement sur place. Quant à Francis, son visage reflétait l’ennui du professeur qui doit tout réexpliquer à un élève particulièrement difficile.

- Écoute... commença le Français. Ne le prends pas mal, mais vu mon expérience en la matière...

- Ton expérience en la matière? répliqua Arthur. Depuis quand tu as de l'expérience dans le maintien de l'ordre? Tu es une insurrection ambulante.

Francis ne se formalisa pas plus de l’indignation de son compagnon.

- Oui, oui mon expérience. Ce n'est pas la première fois que ça arrive.

Il se mit à compter sur les doigts :

- Si je fais les comptes, j’ai donc maté les monarchistes, je me suis occupé des boulangistes, j'ai classé je ne sais combien de scandales politiques, Panama par exemple, je gère les anarchistes. Et je survivrai à... à ... cette ... affaire.

Les yeux écarquillés de terreur, Francis fut tout d'un coup pris d'un frisson qui lui parcourut tout le corps. Il jeta des petits coups d'œil autour de lui, pour vérifier que personne ne les écoutait, et plutôt deux fois qu'une, sans fournir aucune explication. Et refermant son manteau, il s'ébroua, comme pour mieux chasser une idée dérangeante de son imagination torturée.

Arthur était prêt à lui demander ce qui lui prenait quand Francis le prit de cours, un peu rasséréné, mais avec un reste du regard d’un homme prêt à vous sauter à la gorge au moindre faux pas :

- Enfin, pour en revenir à nos moutons, disons qu'avec ton degré d'asocialité actuel, ca a surement du te passer par dessus l'épaule, mais je me suis déjà occupé de problèmes de la sorte.

- Et en quoi l'événement d'aujourd'hui n'est pas une menace?

Arthur n'était toujours pas convaincu. Coup d’Etat. Si même lui, anglais et fier de l’être utilisait le mot en français, c’était qu’il devait y avoir un peu plus qu’une anguille sous roche !

- Parce que je le connais, expliqua Francis. Il s'appelle Paul Déroulède, et il écrit de jolis poèmes. Il est boulangiste, et vu que Boulanger est mort depuis longtemps, je t’assure que ce courant politique n’est plus porteur. Il est tout seul dans l'affaire, ce qui n'est vraiment pas futé. Et il a reconnu lui même que ce n'était qu'un coup d'éclat. Sans compter que c’est un nationaliste, et que par conséquent il ne ferait rien pour mettre en cause l’intégrité de la Nation. Oh, et je ne vois pas pourquoi je devrais m'inquiéter de quelqu'un qui n'a pas réussi à battre Clémenceau en duel. Je continue la liste?

Arthur dut reconnaitre que Francis marquait un point. Certes toute personne s'attaquant à l'État, à moins d'être un véritable clown, était un danger potentiel. Mais au vu des dires de Francis, son hurluberlu était apparemment aussi ubuesque que son pays de naissance, et sûrement aussi doué que ce dernier pour les opérations armées.

Néanmoins, Arthur prit note mentalement de faire un bilan de santé à Francis avant de proposer une quelconque alliance. Si de tels individus jouaient à carnaval 365 jours par an, c’est qu’il n’y avait pas que la syphilis qui avait élu domicile dans le corps du débauché qui se tenait à ses côtés. Peut-être même deux à trois bilans de santé, 5 rappels et autant de cures que nécessaire.

Le Britannique eut alors une petite pensée pour sa monarchie si stable, pour ses politiques si dévoués qui préféraient s'entretuer dans les salles des parlements plutôt que dans la rue. Si ce n'était pas beau la civilisation.

Pour maintenir un semblant de contenance, l'empire britannique toussota :

- Très bien. Mais, ce n'est pas la peine de noyer ta jalousie face à mon avance technologique et ma supériorité coloniale en insultant ma splendide isolation. Va plutôt te noyer dans l'absinthe.

- C'est un jour mal choisi pour l'absinthe - abstinence aujourd'hui. Jour de deuil.

Francis prit un air rêveur - il devait surement s'imaginer lui, avec un sucre, une cuillère, un verre et une bouteille d'absinthe dans un des bordels de Paris.

Cet air lubrique dégouta Arthur, qui trancha :

- Arrête avec cet air! C'est immoral!

- Bien sur que non. C'est ton balai dans le cul qui devrait être immoral!

- En ce jour de deuil justement! Tu n'as pas honte?

Francis le considéra d'un air surpris. Puis un sourire mystérieux et machiavélique apparut, ce qui provoqua une vague de sueur froide chez Arthur.

- Mais dis-moi... est-ce que par hasard... on ne t'aurait pas dit comment était mort mon président?

- En quoi cela a-t-il un lien avec ton immoralité?

Arthur en effet, ne s’était pas donné la peine de savoir de quoi un président français pouvait bien mourir - tous finissaient par mourir, et au vu de sa non-motivation totale à l’idée de se rendre en France, il n’avait pas cherché à en savoir plus.

- Oh, mais ça a tout à voir!

Le Britannique faillit déglutir de travers quand le visage de Francis s’illumina d’adoration, de vénération et d’admiration.
- Oh ce cher Félix Faure. Pas le meilleur de mes présidents, loin de là. Mais quelle mort ! Quoiqu’en dise Clémenceau, quel panache ! Touché par le destin alors qu’il s’apprêtait à connaître la petite mort dans les bras de sa maîtresse, en plein milieu de l’Élysée. Quel honneur il me fait !

La bouche d’Arthur était grande ouverte, et il se fichait éperdument de gober les mouches. Francis se tourna vers lui, et totalement sérieux, conclut :

- Il ne fut peut-être pas César, mais au moins, il a eut l’occasion d’être pompé. Tout le monde ne peut pas en dire autant ! N’est-ce pas Arthur ?

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Notes :
- Trufax. Le président Félix Faure est mort dans les bras de sa maitresse le 16 février 1899. La légende urbaine veut que l'orgasme lui ait provoqué une crise cardiaque (en fait il a fait une congestion cérébrale et n'est pas mort sur le coup)
- Le titre du cut et la dernière phrase proviennent d’une phrase de Clémenceau, qui aurait eu ce commentaire si savoureux sur l’événement : « Il voulut être César, il ne fut que Pompée ». Ah, Clémenceau *3*. Vu ses piques habituelles, ca ne m’étonne pas.
- Le jour de l’enterrement, le nationaliste et boulangistePaul Déroulède a tenté de faire un coup d’État en voulant forcer les troupes ayant accompagné le cercueil de Félix Faure à marcher sur l’Élysée. Il avoua lui-même que ce n’était qu’un coup de Carnaval, qui n’avait rien de sérieux
- Fachoda est LA crise coloniale entre la France et l’Angleterre. Les Français, se trouvant dans cette bourgade du Soudan sont rejoints par les troupes britanniques venant d’Égypte. Se pose la question : à qui appartient le terrain ? Les deux pays ont roulé les mécaniques, mais la France a du s’incliner.
Néanmoins ca n'a pas empêcher les deux pays de commencer à se rapprocher doucement à partir des années 1900. Par pragmatisme (l'Allemagne commencait à devenir une rivale pour le Royaume Uni. Quant à la France, sa haine et sa crainte de l'Allemagne l'ont rapproché de la Grande Bretagne)
- Au même moment on assistait en France à l'explosion de l'affaire Dreyfus - Zola avait publié son fameux J'accuse l3 janvier 1898, accusant ouvertement des haut dignitaires de complot contre Dreyfus. 
- Francis qui ne veut pas parler de l’affaire Dreyfus est inspiré du dessin suivant.
- Arthur songe à ses alliance politiques :à l'époque les partis whig et tory se sont fait et défaits autour de la question de l’autonomie irlandaise -ça donne droit à des alliances, et des scissions de tout genre.
- La 3e République est marquée par une grande instabilité. En plus des gouvernements qui jouent à la roulette russe, les monarchistes étaient au pouvoir jusqu’en 1877, le général Boulanger a menacé de faire un coup d’État en 1889, les anarchistes ont assassiné le président Sadi Carnot en 1894. Plus les divers scandales, comme celui de Panama, qui entacha Clémenceau. Et l’affaire Dreyfus dont je ne parlerai pas :3

français/French, f : hetalia, c : france, c : angleterre

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