Fic : Minuit

Oct 22, 2008 19:20

En faisant le ménage sur mon pc, j'ai retrouvé quelque chose que j'avais écrit il y a un bout de temps, semble-t-il (avant la rentrée).

Titre : Minuit
Auteur : Bostaf
Genre : mystère
Rating : G
Thème : Note, pour

Claimer : Tout m'appartient, excepté la musique.
Note : je suis sincèrement désolée pour les jeux de mots vaseux, mais c'était plus fort que moi, semble-t-il u__u

Elle travaillait lorsqu'elle entendit ce petit motif.

Si, mi, fa, sol, si, la, sol, fa, sol, fa, la, do

C'était une mélodie légère au piano, que la plupart n'aurait pas immédiatement entendue, mais elle avait l'oreille plus fine que les autres. La ligne mélodique continua, accompagnée de basses discrètes. ça lui évoquait une berceuse. Inconsciemment, elle leva la tête de son livre et se mit à marquer la pulsation de son index sur la table en bois clair.

Du binaire, à n'en pas douter une seule seconde. Une mélodie simple, claire et nette. Une note à la fois. Parfois deux mais jamais plus. Uniquement des croches et des contre-temps. Un rythme parfaitement respecté. A monter et à descendre comme ça, sans humeur particulière, ça lui rappelait Bach et son premier prélude pour violoncelle.

Puis tout à coup, elle revint à la réalité et fronça les sourcils. Qui pouvait bien jouer à cette heure-ci de la nuit ? Il était tard et un coup d'oeil à sa montre le lui confirma : minuit moins le quart. Elle se frotta les yeux. La salle de musique de l'internat aurait dû être fermée à cette heure-ci. Même si la salle d'étude ne l'était pas. Elle fut tentée une seconde d'aller dire au pianiste de la mettre en sourdine - le terme collait d'ailleurs merveilleusement bien à la situation - avant de se rendre compte si elle parvenait à entendre le morceau de manière aussi nette, c'est que ce fichu piano devait jouer forte, voire fortissimo : la salle de musique se trouvant à coté de celle destinée au travail des élèves, on n'avait en effet pas lésiné sur l'isolation phonique. Le musicien voulait donc qu'on l'entendît et qu'on le remarquât.

- Gagné, soupira-t-elle, espérant qu'un surveillant vînt rapidement l'arrêter.

Elle jeta un coup d'oeil à son cahier : elle était encore loin d'avoir terminé son travail. Une dizaine d'exercices s'étalaient sur la page du manuel scolaire et elle n'était même pas sûre qu'en y passant la nuit entière, elle parvînt à tous les terminer. Fichue punition, maugréa-t-elle. Et quelle idée aussi, de coller vingt exercices de physique mécanique juste pour de l'insolence et à rendre le lendemain même ? Comme pour coller à sa mauvaise humeur, la mélodie descendit dans les basses, grondant inlassablement les mêmes notes, chaque temps fort martelé.

C'était un rythme entraînant, songea-t-elle, tandis que le son montait vers les aigus. Un air prêt à vous happer vers la folie, l'aliénation totale. Qui vous donnait une envie furieuse de jouer aussi. La ligne mélodique s'interrompit en une succession très rapide d'accords assourdissants qui ne manquaient pas de rappeler cette sonate de Beethoven.

Elle se mordit soudain la lèvre. Elle connaissait ce morceau. Elle l'avait déjà entendu. Pas joué, mais entendu et elle ne savait plus où, ni comment, ni même quand. Elle tapota nerveusement son cahier avec le bout de son crayon de papier. Loin de se calmer, le pianiste s'envola une fois de plus dans des aigus nerveux et frénétiques.

Elle le connaissait, elle en était sûre. Elle ferma les yeux dans un effort pour se concentrer. Un piano. Du binaire. Quelque chose qui lui faisait penser à Bach et à Beethoven. Des accords difficiles à plaquer aussi vite. Un long phrasé qui finissait sur...un si.

Elle rouvrit les yeux lorsqu'il joua cette note suraiguë. Un dièse à la clé, du sol majeur. La musique recommença. Elle s'en souvenait à présent. Timothé le lui avait joué une fois, d'une manière pas si brillante que ça d'ailleurs, trop occupé à l'effrayer. Un musicien fou et psychopathe qui, dans une crise de démence, avait assassiné toute sa famille. Une salle de musique hantée, dans laquelle se serait déroulé le drame. Et un fantôme frustré et malheureux qui revenait jouer du piano certains soirs.

Qu'est-ce qu'il ne fallait pas entendre ! Elle avait depuis longtemps dépassé l'âge de croire à des idioties pareilles. Qui irait croire à cette histoire d'ailleurs ? Elle eut envie d'aller narguer son camarade et un sourire narquois étira ses lèvres. Seulement, elle n'avait pas terminé sa punition. Elle baissa les yeux sur son cahier puis décréta que puisqu'elle ne terminerait jamais ça avant demain, autant aller se coucher. Même si elle se sentait plus en forme que jamais. Et un petit détour par la salle mitoyenne n'allait tuer personne.

D'un geste sec, elle referma son manuel et rangea rapidement ses affaires dans son sac. Le parquet craqua à son passage entre les tables usées tandis qu'elle fredonnait la mélodie. Lorsqu'elle poussa la porte entre-baillée, la musique s'interrompit juste avant la dernière note. Elle eut alors un hoquet de surprise : il n'y avait personne.

Personne assis sur le tabouret qui faisait face au clavier. Personne devant le piano qui trônait au milieu de la salle. Elle alluma la lumière. Et personne non plus à côté du piano à queue. Elle fronça les sourcils puis appela : "Timothé ?". Pas de réponse. Elle entra dans la pièce et s'approcha du clavier bicolore. Le couverte était relevé et le piano ouvert. Tous les élèves pianistes rangeaient en partant. Il y avait eu quelqu'un ici.

Elle promena son regard dans la salle du musique, scrutant attentivement les moindres recoins, sans parvenir à distinguer la silhouette menue de son camarade. Il n'était pas tapi dans l'ombre du placard, ni accroupi derrière la grosse caisse au fond à droite, ni même placé contre la fenêtre, derrière les violons à gauche. Elle contempla un moment le vieux parquet usé de la pièce puis cria : " Je vais te trouver, Timothé ! Je sais que c'est toi !"

Bien sûr, celui-ci ne surgirait que lorsqu'elle s'y attendrait le moins pour lui arracher un cri de terreur. Elle eut une moue boudeuse et se pencha pour mieux voir du côté des pupitres et des chaises soigneusement empilés près de l'armoire. Après avoir ouvert cette dernière cependant, elle dut admettre qu'il n'y avait qu'elle et elle seule dans cette salle.

Soit. Et alors ? Il avait très bien pu s'enregistrer et lui passer une cassette. ça aurait été nettement plus facile et plus pratique que de venir jouer là au beau milieu de la nuit. Mais aussi moins drôle.

Elle se pencha dans le piano à queue et frissonna au contact de la surface froide. Non, pas de cassette ici. Elle grimaça. Il l'aurait jusqu'au bout et peut-être savourait-il le temps qu'elle passait à le chercher. Elle devait trouver cette fichue cassette si elle voulait lui rabattre le caquet. Minuit sonna, la faisant sursauter. Le si bémol de la cloche de l'église du quartier retentit plusieurs fois.

Tant pis, elle allait se coucher. Peu lui importait de clouer ou non le bec de ce petit imbécile. Elle rabattit le couvercle du piano, tourna les talons et éteignit la lumière. Et lorsqu'elle referma la porte derrière elle, la dernière note résonna.
Mi.

Vous êtes bien sûr tous invités à donner votre avis.
Bon, maintenant, ça serait bien que je me mette à écrire véritablement.

originale

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