May 27, 2006 02:13
Je flotte dans la Neva. On est bien dans la Neva. Il y fait si froid. Tiens, un morceau de glace. À la lumière des quelques lampadaires qui fonctionnent (Dieu sait comment ils fonctionnent, personne ne s'en occupe. C'est qu'ils sont si bons, ils veulent apporter ne serait-ce qu'un tout petit peu de chaleur aux humains qui passent. C'est qu'ils veulent vivre si fort que ça finit par fonctionner) on voit encore les pas de ceux qui ont osé tenter de traverser la rivière, et à ceux qui ont réussi, un gros bravo, parce que c'est pas évident. C'est que c'est le printemps, voyez-vous, et que ça fond. Ça faisait quelques mois que j'attendais ce moment. Le moment où les chauds rayons du soleil font reluire la glace, jusqu'à ce qu'elle se brise en milliers de gros morceaux où siègent des oiseaux dodus et majestueux que rien ne dérange, et qu'elle soit tellement brisée qu'elle ne reprenne plus en pain la nuit venue. Parce que c'est la nuit que ça devait se faire, pour ne pas qu'on me repêche, filmée et rediffusée au bulletin de nouvelles avec les pêcheurs un peu hébétés qu'on a retrouvés égarés au beau milieu du Golfe de Finlande sur une banquise détachée. La nuit, la Neva est si belle. Si noire, mais si lumineuse, le reflet des néons qui l'entourent y jouant une symphonie en mauve et vert, agrémentée du rose du béton qui dirige son cours vers le Golfe où les poissons radioactifs me mangeront.