C'est vendredi, dansons avec les vagues et les loups noyés.

Oct 16, 2009 21:36

                Je cherche au travers des visages des gens que je pourrais être susceptible de connaître dans un avenir quelconque. Ce mec, assis nonchalamment sur son banc de métro, avec son air plutôt ordinaire, pourrait peut-être me servir d’amant dans quelques années. Tous les deux nous ne saurons jamais qu’en cette soirée à l’apparence banale, nous  nous sommes vus sans jamais nous voir réellement. Hugo a passé une soirée médiocre avec son ex à débattre de sujets anodins, à s’obstiner sur le film qu’ils iraient voir, tant qu’ils n’ont jamais été voir de film. Elle est entrée chez elle, prétextant un mal de tête soudain, puis elle a appelé son « ami d’enfance » qui la consola brièvement avant de prendre la poudre d’escampette. Elle souhaitera toujours qu’il lui déclare son amour qui datait de la première rencontre, à un party fait chez un ami commun quelques années plus tôt. Cette soirée dont il ne se souvient que vaguement, s’étant réveillé dans son lit aux côtés d’une fille trop moche pour tripotter sobrement. Cette fille qui, hystérique, ne cessa de se présenter chez lui inopinément en se vouant corps et âme à son entité. Et moi, cette soirée, j’aurais sans doute fui une personne indésirable croisée par hasard dans un bar, en attrapant de justesse le métro (plutôt que l’autobus que je prends habituellement, ce serait l’ironie du sort). J’aurais sans doute été blasé de cette panoplie de jeune hipsters prépubères présents dans le magasin d’alcool. Désabusée, voyant tout en double ou en triple ou en rien du tout, j’aurais laissé ma mémoire effacer ce visage (mais surtout parce qu’il n’aura pas su capter mon attention).  Mais je suis pessimiste. Peut-être que Marc a passé une soirée géniale, une première date avec une fille merveilleuse (qui sait, peut-être que c’est cette chère Sandra!), a vécu heureux pendant 7 belles années, a fait 2 enfants avant de se rendre compte que leur amour passionnel n’était fondé que sur des bases éphémères. Jérôme m’avouerait peut-être son penchant homosexuel lors d’un de nos ébats. Je me consolerais tant bien que mal dans les bras d’une copine, essayant de me convaincre de ma tristesse existentielle (voulant à tout prix avoir l’impression d’avoir du contenu pour vivre des émotions fortes) quand au fond, je resterais de glace devant cette révélation. Menteuse. Je suis désolée, Carl, de te mentir quant au niveau de dévastation auquel je ferais face. J’embrasserais la douleur comme un enfant serre son ourson avant de dormir, afin de se rassurer que je suis encore vivante. On ne sait jamais trop si on est mort ou en vie. Si j’étais morte, je serais vachement déçue d’apprendre que ce que je vis est soit l’enfer ou le paradis. Je m’attends à quelque chose de grandiose, avec des feux d’artifices, des néons Las Vegas, des jolies filles bien roulées, soit cachées sous des pelures de vêtements en oignon qui ne semblent pas pouvoir s’enlever (l’enfer) ou habillées juste assez pour se garder une p’tite gêne (paradis).

Mais je dix vagues. Je ne sais pas trop ce que sont devenues les neufs premières vagues, mais j’en suis à ma dixième. Croulant sous l’eau bouillante comme une surfeur novice. J’apprends à me faire copine avec les méduses. J’en adopterai une, un de ces jours, que j’appellerais Germaine, en souvenir de ma grand-mère ne portant aucunement ce nom et dont je n’ai aucun souvenirs à part le banc sur le bord de la fenêtre sur lequel  je m’évachais jalousement, espérant un jour (et naïvement) que je pourrais en prendre possession à mes 18 ans. Ayant commencé jeune à souhaiter la mort des gens afin de pouvoir vivre comme eux (c’est-à-dire misérablement, mais de l’extérieur, la pelouse est toujours verte) et rire des pauvres gens comme moi qui sont envieux pour rien. En y repensant, je n’arrive pas à voir ce que j’aurais fait d’un banc sur le bord d’une fenêtre, devant sans doute travailler plus que nécessaire pour payer les réparations de la maison ancestrale en décrépitude. J’aurais laissé toute ambition d’adulte au profil d’un rêve qui semblait si pertinent lorsque j’étais môme et miniature dans la vie.
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