Fandom : Les Rougon-Macquart
Disclaimer : Tout appartient à Emile Zola
Titre : Un étourdissement fréquent
Pairing/ personnages : Gervaise Macquart
Rating : R
Nombre de mots : 491
Thème : Finir dans le caniveau
frenchdrabbleNote d'auteur : Ecrit pour la nuit drabbles Saint-Patrick.
Un étourdissement fréquent
La journée venait de se terminer pour Gervaise. Son corps décrépi par la misère, l'amertume et l'alcool avait permis de soulager les petits vices des ouvriers du quartier. Elle ne prenait guère, juste de quoi payer son verre d'absinthe et un peu de nourriture. Le loyer, les charges, tout cela ne la concernait plus. Elle vivait sous les porches, dans les recoins des ruelles. Les nuits de grand froid, elle faisait taire sa fierté qui l'avait conduite à s'épuiser à soigner son mari, après son accident. Les hôpitaux avaient une si mauvaise réputation et elle était assez vaillante pour subvenir à leurs besoins.
Mais, aujourd'hui elle ne possédait rien. Elle était seule, son entourage dormait six pieds sous terre ou bien l'avait abandonné à son triste sort. Elle avait entendu dire par le boulanger que sa fille était devenu chanteuse dans un petit cabaret. Gervaise n'avait rien dit, mais elle s'était sentit fière d'avoir une enfant artiste, fuyant la misère pour se faire une situation.
Le soleil venait de poindre. L'éclat faible était pourtant intense pour elle, habitué à la nuit, elle ne supportait plus la lumière. La noirceur de son quotidien la poussait à s'éloigner de tout ce qui pourrait lui apporte un peu de chaleur.
Comme chaque jour, elle se rendit au bistrot, ouvert à des heures matinales pour permettre aux ouvriers des Halles de prendre un petit remontant avant de commencer la journée de travail. Gervaise, la finissait ici. Elle s'asseyait toujours à le même table, celle baignée dans l'obscurité, dépourvue de fenêtres. Seule un bout de chandelle lui permettait de voir son verre.
Le même rituel quotidien, le patron lui apportait son petit verre d'absinthe en silence, encaissait l'argent et la laisser rester le temps qu'elle désirait. D'ailleurs personne n'aimait se mettre dans ce coin là.
Elle prenait le petit verre, humait la senteur forte qui l'enivrait par avance. Elle prenait la pelle, mettait le morceau de sucre et le trempait juste quelques secondes. Le blanc se colorait de vert, lui rappelant les champs de son Plassans natal. Elle suçait doucement la sucrerie chargée d'amertume. Elle savourait l'instant, elle engloutit le sucre, le laissa fondre sous sa langue. Lorsqu'il ne resta plus rien, elle prit ce qui restait dans le verre et d'un mouvement sec, elle le finit. Ca brûlait sa gorge, mais elle aimait cette sensation là, cette brûlure lui rappelait qu'elle vivait encore.
Ce matin-là, elle ne resta guère dans le café, juste une paire d'heures. Elle se leva et rejoignit, le fruit de son labeur, sa blanchisserie devenue depuis deux ans une épicerie prospère. Le magasin n'était pas encore ouvert. Elle restait là sur le trottoir d'en face, regardant avec amertume et regret son rêve perdu, elle voulait rester droite mais parfois ses jambes ne la portaient plus et elle s'écroula dans le caniveau. Virginie s'approcha d'elle, lui tendit la main pour se relever avec un geste de dégoût. Gervaise refusa l'aide, se leva, plantant son regard fier en elle.