Titre : En Equilibre
Disclaimer : Ferais-je vraiment autre chose de ma vie qu'écrire et rêvasser si j'avais un tel matelas de gallions livres sterling sous le popotin ?
Rating : PG
Type : ficlet
Défi : Hors défi
Personnage : Severus, Remus
Nombre de mots : Word dit 635
Note : Pourquoi faut-il que mon foutu cerveau soit capable de concevoir un truc qui se tienne en une demi-heure lorsqu'il est parfaitement déraisonnable que je perde du temps à écrire alors que quand j'ai du temps devant moi, j'ai l'impression d'avoir l'intellect d'une méduse ?!
Bref, commis par la faute de deux papotiennes qui se reconnaitront à n'en pas douter.
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La lueur douce des chandelles éclaire les trois silhouettes paisiblement réunies autour d’un guéridon. Deux d’entre elles projettent des ombres dansantes sur les murs, la troisième est juste nimbée d’un éclat un peu plus irisé qu’à l’accoutumée.
La partie d’échecs est acharnée. La reine blanche vient une nouvelle fois de mettre en échec le roi noir. Severus grimace et lève les yeux vers Regulus. Un bref échange muet leur laisse à tous deux un sourire aux lèvres qui fait gronder Remus, plus par habitude que par réelle contrariété :
- « Vous trichez… On avait dit un contre un ! »
La protestation est de pure forme. Il a appris à accepter cette connivence entre les deux autres, ce lien qui leur appartient et qu’ils ont peu à peu domestiqué au point que la parole leur est devenu un artifice presque superflu. Parfois, Remus sent poindre la jalousie qui l’a tant de fois dévoré mais aujourd’hui, il sait… Et étrangement, Moony lui-même se tait. Cet autre n’est plus une menace. Il ne prendra pas sa place. Il occupe juste la sienne propre. Cela aura pris cinq années de guerre plus ou moins larvée et cinq autres d’une trêve à moitié armée, mais il a tout de même fini par éprouver un réel attachement pour le fantôme avec lequel il s’est trouvé bien plus de points communs qu’il ne l’aurait soupçonné possible.
Un fou noir s’interpose pour protéger le roi et croque au passage un pion. La main de Severus écarte la pièce, effleurant au passage les doigts de Remus qui trainent au bord de l’échiquier. Le sourire de Regulus ne tremble même pas. Lui aussi a appris à accepter. Il sait bien que l’équilibre de Severus se trouve quelque part entre eux et qu’aucune force, aucune contrainte, ne changera ce fait. En dix ans, il a également découvert qu’il n’y a pas que des inconvénients au partage. Il n’est par exemple pas rare que seul le poids de leurs volontés conjuguées parvienne à tirer de Severus quelques concessions ; la principale étant probablement l’achat de cette cabane de pêcheurs qui ne paie pas de mine où ils se retrouvent de plus en plus souvent, chacun conservant au quotidien ses quartiers : qui ses cachots, qui son appartement, qui sa tour…
Regulus se penche vers l’épaule de Remus et lui glisse une suggestion à l’oreille. Severus les observe, faussement impassible. Il n’en dira jamais un mot, mais pas même dans ces rêves qu’il s’interdisait, il n’avait espéré un consensus aussi satisfaisant, apaisant… Chez lui aussi, le temps a émoussé les aspérités. Il a appris à accepter ces témoignages d’attachement que l’un et l’autre manifestent ; mieux, un soupçon d’inquiétude viendrait presque ternir sa sacro-sainte tranquillité lorsqu’aucun des deux ne se manifeste durant plusieurs jours… Oh, il lui arrive bien encore de se braquer lorsqu’ils font mine de vouloir régenter son existence mais à dire vrai, ses protestations s’avèrent bien moins virulentes qu’auparavant, ses sarcasmes moins acerbes. Il s’accroche à l’idée que ce ramollissement est exclusivement à mettre sur le compte de l’âge.
Face à lui, le conciliabule se prolonge. Il feint l’ennui.
- « Vous en avez encore pour longtemps ? Si la mise à mort pouvait être rapide et sans douleur je vous en serais éternellement reconnaissant. »
Les deux autres s’interrompent et lèvent le nez.
- « Jalousie ? » interroge Regulus
- « Indubitablement » rétorque Remus
- « Pure interrogation factu… » grince Severus.
Avant que la protestation ait fini de glisser de ses lèvres, celles de Remus se sont posées sur les siennes et il sent glisser dans son esprit la chaleur enveloppante et aimante de celui de Regulus. Pas un instant il ne songe à s’extraire de cette double étreinte. Il a trouvé sa place. Corps et âme. En équilibre.