Historique : CHECK !
"La troisième balle" de Leo Perutz
roman historico-fantastique - 310 pages
♥ ♥ ♥ 3/5
Comme toutes les histoires d’amour, celles que l’on tisse avec un romancier ne sont jamais totalement exemptes de nuages. Après trois expériences délicieuses et qui m’avaient fait espérer des merveilles du reste de la bibliographie de Leo Perutz, « La troisième balle » m’a laissée pour la première fois sur ma faim. Les sujets centraux, à savoir la conquête de l’empire aztèque par les conquistadors espagnols et les affrontements entre protestants et catholiques au début du XVIe siècle, et ce que j’avais pu entrapercevoir de l’intrigue avaient pourtant tout pour me plaire. Pourtant, malgré ces a priori optimistes, la sauce n’a pas prise ou, en tout cas, pas complètement. Le roman ne manque pourtant pas d’excellentes qualités littéraires. Le style de Leo Perutz est toujours agréable à lire et son don pour créer des atmosphères et y plonger ses lecteurs jusqu’au cou n’est plus à démontrer. L’intrigue est joliment construite et Perutz la mène à son terme avec un savoir-faire impeccable, ménageant savamment ses effets scénaristiques pour manipuler lecteur et le prendre par surprise.
Mais tout cela m’a paru trop bref, beaucoup trop bref. Alors que le format court convenait parfaitement aux intrigues du
« Cavalier suédois » et du
« Marquis de Bolibar », il m’a semblé beaucoup moins approprié dans « La troisième balle ». Non que je m’y sois ennuyée le moins du monde, mais le scénario d’une grande densité aurait mérité 100 ou 200 pages de plus pour être étoffé et gagner en profondeur. De cette brièveté, découlent deux faiblesses qui m’ont particulièrement posé problème. En premier lieu, le manque de consistance des personnages : non que ceux-ci soient dépourvus d’intérêt, mais ils sont traités avec autant d’épaisseur que des cartes à jouer. Le personnage principal, l’allemand Grumbach possesseur des fameuses trois balles qui donnent leurs noms au récit, n’a pas attiré un instant mon empathie, pas plus que ses compagnons d’armes luthériens. De tous les nombreux - trop nombreux peut-être ? - protagonistes, seul Hernán Cortés, le capitaine de l’expédition espagnole, a réellement excité ma curiosité, l’auteur parvenant à lui donner un charisme frappant en quelques chapitres, mais il apparait trop peu pour être vraiment mémorable. Second défaut, plus secondaire mais tout de même handicapant : la façon assez décevante dont Perutz met en scène la civilisation aztèque, n’y consacrant qu’une fort petite partie de son récit et échouant tout à fait, en ce qui me concerne du moins, à retranscrire la complexité et la flamboyance de cette envoutante culture. Pour ceux qui souhaiteraient un meilleur aperçu de cette période, lisez plutôt « Azteca » de Gary Jennings, vous ne serez pas déçus !
Dommage, mais tant pis… Il me reste largement assez de romans de Perutz à découvrir pour me remettre de cette petite déception.