Lecture : Enfants de la Terre et du Ciel - Guy Gavriel Kay

Nov 02, 2018 14:13


"Enfants de la Terre et du Ciel" de Guy Gavriel Kay
roman fantastico-historique - 636 pages
♥ ♥ ♥ ♥ ♥ 5/5



Hélas, hélas ! Depuis plus de deux décennies, Sarance, capitale rayonnante et ancestrale de la vraie foi, est tombée entre les mains des infidèles et celles du Grand Calife, Gurçu le Ravageur ! Malgré les prières ardentes des dirigeants spirituels, les monarques jadites répugnent à se lancer dans des croisades coûteuses et sanglantes pour délivrer la ville sacrée. Pire encore, certaines nations, comme la fourbe République de Séresse, commercent ouvertement avec le califat, allant jusqu’à pourchasser les dévots pirates senjans qui s’opposent à ces marchandages impis.

L’heure n’est plus aux guerres saintes : elle est à l’espionnage, à la manipulation, aux assassinats commandités, au chantage et à toutes les formes feutrées que peut revêtir la diplomatie. Dans ce monde en proie à une crise religieuse et politique larvée, une poignée de personnages luttent pour conserver le contrôle de leur destinée. Aucun puissant parmi eux. Au contraire, sans toujours être d’humble milieu, ils appartiennent à cette frange de la population qui, depuis toujours, subit impuissante les caprices de ses meneurs et les manoeuvres vicieuses de leur gouvernement. Ils sont corsaires, artistes, commerçants, soldats, médecins, putains, marins... De la fougueuse pirate Danika Gradek au jeune peintre Pero Villani, en passant par le marchand Marin Djivo et le guerrier asharite Damaz, ils ont tous en commun une soif de liberté et de bonheur - un désir légitime mais périlleux quand les frontières des pays se brouillent et que des certitudes séculaires commencent à vaciller.

Après deux romans de fantasy uchronique consacrés exclusivement à l’Histoire de la Chine - un peu décevants, en ce qui me concerne - Guy Gavriel Kay renoue avec l’univers de “La mosaïque de Sarance” et des “Lions d’Al Rassan”. Rendez-vous cette fois à la fin du XVe siècle dans des Balkans dominés à la fois par l’Empire ottoman et le Saint Empire Germanique. Le contexte historique est passionnant et Gavriel Kay le restitue magnifiquement. Avec un refus assumé de l’épique et du spectaculaire, il trace un portrait précis et nuancé d’un monde en pleine mutation où fanatisme et pragmatisme s’affrontent violemment. Il nous offre un récit à taille humaine, prenant un soin particulier à retranscrire les points de vue de chaque personnage et leurs aspirations, plus touchantes et compréhensibles que ne le sont généralement celles des héros de grandes sagas historiques. Eléments fantastiques, coups de théâtre et affrontements armés, sans être complètement absents, sont réduits à leur minimum, donnant un rythme presque méditatif au récit qui décevra certains lecteurs et en charmera d’autres. Je fais indubitablement partie de la seconde catégorie.

Paradoxalement, Kay retrouve en même temps une efficacité stylistique qu’il semblait avoir perdu dans ses derniers romans (“Le fleuve céleste” m’avait paru particulièrement verbeux, malgré d’évidentes qualités narratives). Moins de longues descriptions, davantage de vivacité dans les dialogues ainsi qu’une alternance des points de vue très bien gérée rendent la lecture des “Enfants de la terre et du ciel” beaucoup plus fluide et accessible que celle des derniers ouvrages du romancier - à mon sens, du moins. Pour moi, ce livre est un retour aux sources bienvenu qui, s’il ne se classent pas parmi ses meilleurs romans, a tout à fait satisfaite la vieille fan exigeante que je suis. Ma confiance dans le talent de Guy Gavriel Kay est donc renouvelée et j’attend avec impatience sa nouvelle production !

rec : roman fantastique, auteur : guy gavriel kay, rec : roman historique

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