Lecture : Guy Gavriel Kay - Sous le ciel

Oct 29, 2012 16:34


    "Sous le ciel" de Guy Gavriel Kay
 roman historique / fantastique - 650 pages




Il y a vingt ans, au bord du lac Kuala Nor situé au cœur de la chaîne de montagnes séparant l’empire de la Kitai et le royaume de Tagur, une terrible bataille a eu lieu. Si terrible que le principal dirigeant de l’armée de la Kitai, le général Shen Gao, n’a jamais pu se pardonner les milliers de morts entassés sur les rives boueuses du lac. Deux décennies plus tard, il s’éteint doucement dans sa propriété de campagne, toujours rongé par les remords. Afin d’honorer la mémoire de son père défunt, son fils cadet, Shen Tai, prête serment de passer les deux ans et demi traditionnels de deuil dans les montagnes pour enterrer les corps des soldats massacrés et apaiser leurs âmes hurlantes. Il tient parole et, pendant deux années, mène son œuvre pieuse au bord du lac hanté sous les regards médusés et un brin perplexes des deux anciens pays belligérants - est-ce un fou ou un saint homme ?

Démence ou sainteté, un tel courage mérite d’être salué. En récompense de son labeur, le royaume de Tagur offre au jeune homme un cadeau inattendu : 250 « chevaux du Ciel » - des montures si magnifiques et si rares que l’empereur de la Kitai lui-même n’en possède que cinq. Un présent prestigieux au-delà de toute attente, mais aussi terriblement dangereux. Car nombreux sont les hommes dans la Kitai qui seraient prêts à mourir (et plus volontiers à tuer quelques centaines de leurs semblables) pour posséder un tel trésor. Voici le jeune Shen Tai plongé jusqu’au cou dans les luttes de pouvoir et l’atmosphère venimeuse de la cour impériale qu’il avait tentées de fuir dans les hauteurs des montagnes. Sa venue à Xinan, la somptueuse capitale de l’empire, va réveiller des haines et des tensions enfouies et enclencher, bien malgré lui, des événements qui secoueront l’empire jusqu’à ses plus anciennes fondations.

Après un détour court mais plaisant par un type de fantasy plus classique avec « Ysabel », Guy Gavriel Kay renoue à mon grand plaisir avec la fantasy uchronique et nous entraîne au VIIe siècle en Chine sous la quasi-mystique dynastie des Tang. Sans être la meilleure œuvre de Kay, « Sous le ciel » reste un très bon cru, même s’il s’adresse indubitablement davantage aux amateurs de romans historiques qu’à ceux de fantasy pure et dure. Comme dans « Les lions d’Al Rassan » ou « la mosaïque de Sarance », les éléments fantastiques sont assez rares et toujours liés à la culture chinoise : fantômes, femmes-renards, etc… Ils laissent plutôt la part belle aux intrigues politiques, à l’exploration des personnages et surtout à la découverte fascinante d’une civilisation à la richesse infinie. Inutile de le préciser : j’ai énormément aimé. Je ne cesserai jamais d’être épatée par la façon dont Guy Gavriel Kay réussit à faire revivre toute une époque en quelques centaines de pages, et ceci sans une once de pédanterie.

Le roman n’est pas tout à a fait exempt de défauts. A noter particulièrement un rythme assez lent pendant la première partie du roman qui pourrait peut-être lasser des lecteurs trop avides d’action. Pendant les 400 premières pages, le récit s’avère agréable et intéressant, sans être réellement passionnant, car manquant peut-être de morceaux de bravoure pour fouetter l’intérêt du lecteur. Après une lente montée en puissance, l’intrigue décolle brusquement dans les 200 dernières pages : il est alors quasi-impossible de lâcher le roman qui s’achève sur un final de haute volée avec son lot de scènes d’anthologie et de pics d’émotion. Je me permettrai aussi de râler un peu contre la traduction québecquoise qui, s’en être vraiment mauvaise, présente tout de même plusieurs grosses coquilles et, dans certains passages, une tendance monomaniaque à mettre des virgules partout, y compris à des endroits grammaticalement amusants. Je suis une ardente fan du style de Guy Gavriel Kay donc ça m’énerve tout de même un brin...

Mais ne soyons pas chiches : malgré ces quelques défauts, « Sous le Ciel » reste un roman très agréable à lire et admirablement renseigné. Il mérite amplement ces cinq étoiles et je le recommande chaleureusement aux amateurs !

rec : roman fantastique, auteur : guy gavriel kay, rec : roman historique

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