Si vous vous intéressez un petit peu au monde du jeu vidéo, vous n’êtes peut-être pas passés à côté de Detroit : Become Human, un jeu développé par QuanticDream et sorti (hélas, exclusivement sur Playstation 4) en mai 2018.
L’intrigue se situe dans le futur de 2038, dans la ville de Detroit aux États-Unis, là où l’évolution de la technologie a abouti à la création de machines humanoïdes intelligentes, capables de réaliser des tâches complexes pour le compte de leurs créateurs humains. L’exploitation à outrance de ces machines couplée à un perfectionnement de plus en plus avancé créée cependant des erreurs de fonctionnement chez certains robots qui finissent par développer une identité propre et par se rebeller contre leurs maîtres. On les appelle dès lors des « déviants ».
Éparpillés dans cette ville ultra-technologique, nous suivons trois personnages différents, intégrés dans trois histoires à priori indépendantes mais qui vont finir par s’entremêler au fil des choix que le joueur ou la joueuse devra faire. Nos trois protagonistes sont Connor RK800, un androïde flic à la pointe du progrès chargé de traquer les déviants, Markus RK200, un androïde au service d’un vieux peintre riche qui se retrouvera à la tête d’un mouvement de résistance et Kara AX400, l’androïde fraîchement réparée d’un père divorcé, alcoolique et violent.
De gauche à droite, nos trois bras cassés héros : Connor, expert en sarcasme, Markus, Androïde Jésus et Kara « Mama Bear ».
Vous l’aurez sans doute compris en lisant ces deux paragraphes d’introduction : c’est un jeu avec une histoire complexe et riche (d'ailleurs, à bien des aspects, c'est plus une grande histoire interactive qu'un jeu). Rien que les possibilités de choix offerts au joueur sont immenses - certains « chapitres » possèdent des douzaines de choix pouvant amener à cinq ou six fins différentes, chacune d’elle impactant les niveaux suivants, c’est quand même assez remarquable - et quand on est habitué à des jeux qui vantent leur gameplay sur le concept de « faire des choix » pour au final aboutir à une situation finale impossible à modifier quels que soient les choix que l’on a fait (oui, c’est toi que je regarde, Life is Strange), je dois avouer que ça met une grosse tarte.
Le gameplay se veut assez « organique », proposant au joueur ou la joueuse de reproduire des mouvements manuels en combinant des touches ou en manipulant le joystick droit, mais c'est parfois plus technique qu'autre chose. Il y a également une très bonne gestion de la tension en incorporant dans plusieurs niveaux des situations de « compte à rebours » qui ne vous laissent pas beaucoup de marge d’erreur ainsi que des séries de QTE qu’il convient de réussir si vous ne voulez pas perdre définitivement un personnage. La mort du personnage que vous contrôlez ne sera pas forcément un frein à la progression de l’histoire (ce sont des robots, après tout, ils se remplacent comme ils peuvent) mais elle ne sera pas non plus sans impact.
Et que vaut-elle cette histoire ? Eh bien, elle est ma foi assez solide. La quête identitaire des androïdes (et de la machine consciente en général) n’est pas un sujet nouveau dans la fiction mais son exécution dans ce jeu est plutôt cohérente, puissante et se suit jusqu’au bout avec une certaine fascination, surtout lorsqu’on l’observe à travers trois points de vue différents. Elle n’est pas non plus sans rappeler les violences subies par des communautés opprimées encore aujourd’hui, avec un certain lot de moments… vraiment malaisants. Les androïdes ont des brassards et des triangles sur les vêtements, des compartiments spéciaux à l’arrière des bus, des réseaux d’immigration clandestins… ouais, ça frise un peu le too much parfois. Le jeu appuie vraiment trop là-dessus et plus d’une fois ça m’a fait grincer des dents, surtout lorsqu’il prétend que ce futur est « notre histoire ».
Ceci n’est pas une allégorie.
Oui, je ne vous le cache pas, ce jeu en fait des caisses. Et c’est parfois très malvenu. #Payetoncommentairesocial
Au-delà de son aspect politique franchement bancal à plusieurs points de vue, il y a tout de même une vraie histoire palpitante qui verse dans des genres différents pour chaque personnage. Connor étant un flic, il nous emmènera dans des scènes de courses-poursuites haletantes et d’enquêtes dignes d’un polar noir à la sauce cyberpunk là où Kara partagera des moments dramatiques plus contemplatifs mais non moins palpitants à certaines occasions. Quant à Markus, il passe de simple robot à tout faire pour le compte d’un gentil monsieur riche à révolutionnaire engagé… autrement dit, son histoire est une vraie montagne russe et on n’est jamais à l’abri d’un retournement scénaristique, même si certains se voient venir de loin.
L’éventail de choix offert pendant le jeu va également vous permettre de développer plusieurs relations intéressantes avec les personnages secondaires que vous allez croiser au long de votre route : amicales, familiales, hostiles, amoureuses, neutres, etc. Ces relations vont également directement affecter l’histoire en débloquant des dialogues, des interactions - bref, si vous tenez à accomplir vos objectifs, vous devrez bien choisir vos ennemis et vos alliés. Il est également possible de rejouer vos chapitres pour débloquer tous les choix possibles et pour des adeptes du 100% comme moi, c’est un plaisir de découvrir le jeu sous toutes ses coutures et possibilités, même si perdre est parfois très difficile.
Mais tout n'est pas bon non plus.
Dans la partie « un peu moins bien » (en plus de l’aspect politique parfois franchement naze que j’ai évoqué plus haut), je placerai des déceptions un peu plus ponctuelles comme la révélation de fin à propos d’Alice, le fait que l’histoire de Kara semble bien plus inconséquente face à celle de Markus et de Connor, le fait que le seul couple LGBT du jeu soit anecdotique, le choix de l’appellation « déviant » qui est un peu chargée à mon goût, le fait qu’il n’y ait qu’une unique romance possible entre Markus et North là où Markus et Simon aurait pu marcher tout aussi bien - voire une romance entre Luther et Kara, vu qu’ils forment une famille un peu recomposée - et surtout, le traitement ridicule de la déviance qui passe d’un défaut de programmation suite à un choc psychologique à une illumination divine qui se propage via un touche-touche, mais version androïde. Le fait qu'aucun des androïdes réveillés ne conteste Markus et le suive dès qu'ils se font toucher par la sainte imposition est un sacré Deux Ex Narration.
« C’est toi le chat ! Tu as maintenant une conscience politique et des émotions ! » Non mais franchement, qui a validé cette idée ?
(Pour ma part, je regrette également de ne pas avoir pu mettre une mandale à Gavin Reed, le cliché sans profondeur du flic raciste qui est juste là pour te mettre des bâtons dans les roues. J’ai hâte de rejouer le chapitre où je peux lui casser la figure.)
Sérieusement, ce mec est insupportable.
Mais ces problèmes d’écriture sont plutôt bien contrebalancés par la panoplie d’embranchements et de choix qu’il nous est possible de prendre - ce qui donne l’impression de vivre une vraie « histoire » où la moindre erreur peut vous amputer de pans entiers de la progression, voire de personnages - par le gameplay immersif (même si un peu trop technique parfois), par la psychologie des personnages qui sont réellement attachants et par la bande-son ainsi que les décors assez léchés.
Ah et y a un chien aussi. Qu’on peut patouner. C’est un bonus non négligeable.
Si comme moi à l’époque, vous n’avez pas du tout la console mais que le jeu vous intéresse quand même, je vous invite à regarder les let’s play/live disponibles sur Youtube. Le jeu ayant fait son petit succès, il y a pas mal de vidéastes qui s’y sont essayé. Le seul hic, c’est que c’est une partie qui n’est pas la vôtre donc on peut se sentir frustré facilement face aux choix de la personne.
Si vous connaissez le jeu, via live ou en ayant joué, qu’en pensez-vous ? Quel est votre personnage préféré ? Quelle est l’histoire que vous avez aimé suivre le plus ? Quels ont été les choix les plus difficiles, les moments les plus marquants pour vous ? Avez-vous lu des fics que vous aimeriez partager dessus ? Et avez-vous eu envie de coller un pain à Gavin Reed ? Dites-moi tout en commentaire !