A la suite de mon billet,
La fanfiction est-elle légale ?, on me demande : oui, mais comme internet est international, comment on applique la loi ?
I : Quel droit applicable et quel tribunal saisir ?
A : Quel est le droit applicable ?
1 - Le droit de la propriété littéraire et artistique
Pour ce qui est du droit de la propriété littéraire et artistique, on applique la Convention de Berne du 9 septembre 1886, à ce jour ratifiées par pratiquement tous les états.
Le droit applicable est celui du pays où la protection est réclamée. C'est donc celui où le dommage est subi.
Un auteur français vivant en Suisse demandera l'application de la loi suisse même si le site est américain.
2 - Droit pénal
Selon le droit international on applique le droit du lieu du délit. La victime pourra choisir entre le lieu où le dommage a été commis et celui où il a été subi.
Le droit communautaire, par contre limite la loi applicable à celle où le dommage a été subi.
3 - Pour le droit civil
Cela concerne essentiellement les contrats (vente par exemple). C'est un peu complexe (mais très clair). Je vous invite à aller voir sur la page
du site où j'ai trouvé ces informations.
B : Le tribunal compétent
Le principe en droit international : c'est le tribunal du défendeur (celui qui est traduit en justice).
Il est cependant possible, en matière délictuelle de saisir aussi le tribunal du lieux de commission de l'infraction. Il y a donc le choix entre les deux.
Dans le cas où le coupable se trouve dans un autre pays que le tribunal qui le condamne, il y a des accords entre les pays pour que justice soit faite (sous conditions variées).
II : Quel droit s'applique à internet ?
Internet n'invente pas grand chose; le plus souvent, les délits et nuisances générées par internet existaient déjà avant :
. mails : application des lois sur la correspondance privée
. vente en ligne : droit des contrats et du consommateur
. violation du droit pénal : le droit pénal
. violation du droit civil : le droit civil
. publication en général : la loi sur la presse
III : Qui attaquer ?
A : L'éditeur
La loi pour la confiance dans l'économie numérique, n°2004-575 du 21 juin 2004, abrégée sous les sigles LCEN ou LEN, est une loi française sur le droit de l'Internet, transposant la directive européenne 2000/31/CE du 8 juin 2000 sur le commerce électronique dispose :
les personnes physiques ou morales qui assurent, même à titre gratuit, pour mise à disposition du public par des services de communication au public en ligne, le stockage de signaux, d'écrits, d'images, de sons ou de messages de toute nature fournis par des destinataires de ces services ne peuvent pas voir leur responsabilité civile engagée du fait des activités ou des informations stockées à la demande d'un destinataire de ces services si elles n'avaient pas effectivement connaissance de leur caractère illicite ou de faits et circonstances faisant apparaître ce caractère ou si, dès le moment où elles en ont eu cette connaissance, elles ont agi promptement pour retirer ces données ou en rendre l'accès impossible. »
Traduction :
- l'éditeur du site qui est responsable (et non le FAI ou l'hébergeur)
- il n'est responsable que s'il est au courant de ce qui a été posté sur le site qu'il administre (est-ce lui qui a mis l'élément litigieux, avait-il des moyens de contrôler ce qui a été mis ? a-t-il reçu une demande à ce sujet)
- il n'est considéré comme responsable que si il ne retire pas l'élément litigieux après en avoir eu connaissance
Pratique : - vous injuriez quelqu'un sur votre blog => vous êtes responsable
- une copine en injurie une autre dans un commentaire qu'elle laisse sous un de vos billets => vous n'êtes responsable que si on peut prouver que vous être au courant (la copine injuriée vous envoie un mail de protestation ou les commentaires sont vérifiés par vous avant d'apparaitre), et que vous avez malgré tout laissé l'injure (si vous l'effacez tout de suite, vous n'êtes pas responsable).
B : le rédacteur
L'art. 6 de la LCEN précise aussi que les hébergeurs ont la responsabilité d'identifier « quiconque a contribué à la création du contenu ou de l'un des contenus des services dont elles sont prestataires. »
Il est donc possible par l'entremise de l'hébergeur de savoir qui a réellement mis l'élément litigieux en ligne et de le poursuivre pour ses actes, en application du droit commun.
La l'article 42 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse dispose que ce sont les directeurs de publications qui sont poursuivis pour les infraction à la loi, et à défaut, les auteurs. Puis l'article 43 indique : Lorsque les directeurs ou co-directeurs de publication ou les éditeurs seront en cause, les auteurs seront poursuivis comme complices.
En pratique : si vous postez vos fanfiction de chez vous, et qu'on peut trouver dans vos écrits une mention diffamatoire contre quelqu'un, le site peut donner votre adresse IP (et votre adresse mail) à la justice pour que vous puissiez être jugé.
(Bien entendu, quand les éditeurs / hébergeurs ont décidé de violer la loi et s'y connaissent en technique, ils peuvent rendre impossible la localisation de l'endroit où ils émettent. Mais on parle des rédacteur de fanfictions ou des blogueurs, là.)
IV : Peut-on faire appliquer une décision de justice si l'éditeur ou le rédacteur sont à l'étranger ?
Je résume ce que j'ai écrit plus haut :
- pour les droits d'auteur ce sont les règles du pays où vit l'auteur qui s'appliquent et pour le droit pénal, soit celui où l'infraction est commise, soit celui où s'est produit le fait dommageable.
- c'est le tribunal du pays de l'éditeur ou du rédacteur qui va juger (oui, éventuellement en appliquant des lois du pays du plaignant)
En cas de condamnation, c'est donc le pays de l'éditeur / rédacteur qui va faire appliquer la décision.
On se sent tout de suite moins en impunité derrière son clavier, hein ?
Prochain billet : La fanfiction et le droit américain (
Selon wikipedia)
Source : le site
avocats-picovschi Le site de
Maitre Eolas La loi LCEN