Et toi, d'où est-ce que tu viens ?

Apr 01, 2014 15:33

Ceci est un post que j’ai eu l’intention d’écrire il y a un moment, que j’ai fini par oublier et qu’une conversation hier soir avec XY m’a rappelé. L’échange entre nous était habituel. Un « me touche pas avec tes sales pattes le gueux ». Un « c’toi la gueuse » et un « Je ne suis pas un gueux. Il parait qu’il y a du sang noble du côté de la famille de mon père ». Et voilà comment un échange classique est soudain devenu un échange sur nos origines et nos familles respectives qui s’est terminé très rapidement par un « comment tu veux que je le sache » de ma part.
A l’origine, je devais publier ce post au moment où notre douce France a été très agitée par toute une vague de manifestations contre un certain type de mariage, un certain type de famille, un moment où on nous a beaucoup parlé du droit de l’enfant à connaitre ses « vrais » parents, ses origines. Un enfant a, parait-il, le droit de savoir d’où il vient.
Je ne sais pas d’où je viens.
Viens alors le moment de vous rassurer. Si. Techniquement, je sais parfaitement d’où je viens. Mes parents sont bien mes parents biologiques et j’ai passé toute mon enfance et mon adolescence dans le même petit village avant de monter à Paris pour faire mes études. Donc, oui, quand on me demande d’où je viens, je sais quoi répondre. La phrase qui va suivre va maintenant être très caricaturale mais peu importe. Je viens donc d’un endroit où dans les je ne sais combien de kilomètres à la ronde tout le monde est plus ou moins cousins, un endroit où tout le monde semble être capable de faire remonter son arbre généalogique à des temps immémoriaux (J’exagère juste un petit peu là en fait).
Ce n’est pas mon cas.
Je devais être en CP la première fois qu’on m’a fait faire mon arbre généalogique. Ça n’allait pas très loin bien sûr. Jusqu’aux grands-parents, voire arrière-grands-parents pour ceux qui avaient voulu les mettre. L’une des branches de mon arbre, du côté de mon père, était vide. Mon grand-père paternel est mort bien avant ma naissance quand mon père n’était qu’un enfant. Cette branche vide s’explique donc facilement. Je peux maintenant remplir ce vide bien sûr mais je ne peux pas remplir les branches qui se trouvent au-dessus de ce vide qui n’est plus.
Ce ne sont pas les seuls vides de mon arbre généalogique.
Du côté de ma mère, ma famille partage quelques histoires avec l’ADASS. D’abord avec mon grand-père puis avec le père de ma grand-mère. Je sais que mon arrière-grand-père n’a jamais pu avoir accès à son dossier de son vivant. Nous avons fini par y avoir accès. Le dossier était fin. Juste quelques noms qui ne nous ont pas apporté grand-chose. Ma sœur a fait quelques recherches qui se sont vite arrêtées car les parents de mon arrière-grand-père ne sont pas français. Pour mon grand-père, c’est un de ses frères qui a apparemment fait quelques recherches. Du père de mon grand-père je ne sais rien. De sa mère, je sais juste qu’elle est morte de la tuberculose. Enfin, je crois…
Quel est l’impact de ces vides sur ce que je suis ?
Aucune idée. Si on voulait faire de la psychologie de comptoir, on pourrait trouver suspect les choix de carrière que ma sœur et moi avons fait quelque part. Recherche toutes les deux. L’histoire avec un grand H pour elle. Un autre genre d’histoire pour moi, celui de l’évolution des êtres vivants…
Bref, il y a des vides dans mon histoire. Est-ce que ça me dérange ? Je ne sais pas. C’est comme ça. Je porte le nom de famille d’un homme dont je ne sais rien ou presque. Mon père ne parle pas de son père. Peut-être parce qu’il s’en souvient à peine puisqu’il était très jeune à sa mort. Ma grand-mère ne parlait pas de son mari non plus. Ce que je sais, ce ne sont que quelques histoires glanées pendant quelques conversations avec ma tante. Ce que je sais surtout ce sont les circonstances de sa mort, violente ainsi qu’il l’était lui-même. Jusqu’à récemment, je ne savais même pas à quoi ressemblait l’homme dont je porte le nom. Il n’y avait aucune photo. Il y en a une maintenant. Et quand mes parents l’ont eu, maman me l’a scannée et envoyée. J’étais au téléphone avec elle quand j’ai posé les yeux sur cette photo et c’est l’un des moments de ma vie où je peux dire que le temps a eu l’air de s’arrêter.
« Tu reconnais ses yeux, ses petits yeux ? » m’a dit maman.
Bien sûr que j’ai reconnu ses yeux. Comment aurais-je pu ne pas les reconnaitre ?
Mon père a les yeux de son père…
Mais ce n’est pas la première pensée que j’ai eu en regardant cette photo, en regardant les yeux de cet homme dont je porte le nom…
Mon père n’est pas le seul à avoir les yeux de son père…
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