Des fois, l'insomnie, c'est très simple.
Alors que vous vous tourniez un peu pour vous pelotonner confortablement après vous être couché à une heure ma foi fort raisonnable (23h), vous songez soudain que demain vous n'aurez pas trop le temps d'écrire, administration oblige, ce qui est une première erreur, quoique non encore par trop fatale. Votre cerveau assoupi - et donc en roue libre, décide, par esprit de contradiction autant que d'anticipation, de bredouiller quelques lignes d'idée juste avant de sombrer.
L'état de somnolence a une légère tendance à trouver tout merveilleux, c'est pourquoi, la roue libre s'emballe quelque peu. Ce n'est plus une idée, c'est une histoire, jusqu'à l'illumination finale qui réveille complètement l'Aélane : il faut noter, il faut noter ! sinon, une fois l'aube venue, tel l'or des korrigans, la merveille ne donnera plus qu'un petit tas de feuilles sèches, blanches, vides, inutiles.
Fort heureusement l'Aélane, bien au fait des circonvolutions du cerveau somnolent a toujours un petit carnet pas très loin de l'oreiller. Une fois l'idée balbutiée en quelques traits (idée qui à l'aube aura perdu quoiqu'il en soit bien souvent de son éclat), le cerveau retombe en général tout aussi brutalement dans un profond état d'inertie.
Sauf...
sauf quand la réelle erreur fatale survint : l'idée griffonnée vous fait penser à quelque chose que vous connaissez mais, plongé dans l'état de somnolence, sur le coup, vous ne savez plus quoi exactement.
Oh, vous y songerez demain. Sauf que la lampe éteinte n'y fait rien, le cerveau a décidé de chercher, fouiller, fouiner les moindres recoins de la mémoire disponible, jusqu'à réveiller le moindre lambeau inconscient qui traînerait au fond d'une étagère oubliée, jusqu'à ce que, les yeux grands ouverts dans le noir, vous en grinceriez presque des dents. Il faut se rendre à l'évidence, 1h du matin, le lit douillet et la fatigue n'ont rien à avoir avec le petit point d'interrogation qui vous taraude : vous ne savez effectivement plus et vous êtes pleinement réveillé à présent.
Il y a toutefois un atout magique qui, à ce point-là, peut encore vous sauver (ou vous perdre si vous succombez à son attrait) : vous allumez l'ordi.
Une trentaine de pages Google plus tard et il faut vous rendre à l'évidence, même la technologie humaine ne peut plus rien pour vous...
Vous ne savez pas assez.
Vous ne savez même plus si c'est un conte ou un roman jeunesse ; si ça parlait d'un cerf ou d'un renne quoique vous êtes sûr qu'il aimait, sous sa forme humaine, la mère du héros ; si l'animal était d'or, de cristal ou de vermeil ; si la peau de cerf était celle du père ou celle de l'enfant lui-même, bien qu'elle ait été cachée par la grand-mère pour éviter que l'enfant la revêtisse ; si c'était la Laponie ou juste une contrée d'hiver inventée, si l'enfant finissait par tuer le cerf son père ou par partir avec lui ou par devenir le cerf lui-même qui conduirait tout son peuple vers les contrées verdoyantes...
T_________________T
Il est trois heures du matin et alors que vous auriez juré avoir lu cette histoire enfant dans la bibli municipale (ça ne devrait pas être si loin votre enfance que ce soit si flou !!!), vous commencez à douter sérieusement... à force de chercher n'êtes-vous pas juste en train de réinventer un conte avec les topoi ad hoc ??? Ce qui n'arrange pas du tout l'insomnie galopante de vos petites neurones...
Reste la bouteille à la mer, pour tenter d'apaiser une dernière fois les petits rouages de votre cerveau.
Pitié, est-ce que ça dit quelque chose à quelqu'un ????? T____________________________________T