Feb 09, 2007 21:00
Titre : Pour qui sonne le glas
Auteur : plume_de_plomb
Thème : n°1 Temps
Fandom : Gensômaden Saiyuki et un peu de Saiyuki Gaiden (anime)
Personnages/Pairing : Homura/Shien/Zenon
Rating : G
Disclaimer : Ces trois p’tits anges appartiennent à Kazuya Minekura
Note de l’auteur : petit prologue… que dire... très différent des fics que j’ai pu écrire jusqu’à maintenant… je pense que c’est du au style, il est moins ‘innocent’, enfin je crois...
L’uniformité de la vie au paradis céleste pouvait être qualifiée de terrifiante. Quelques rares entités divines en étaient lasses. Les autres se laissaient porter par le courant. Dans les bureaux d’administrations, dont faisait partie l’exécrable Konzen, les dieux passaient leur temps à remplir et signer des formulaires. Les soldats s’entraînaient tout le jour. Les dieux supérieurs et plus importants ou complotaient ou jouaient aux échecs chinois. Ho, bien sûr, quelques fois, des événements exceptionnels perturbaient ce cycle. Cependant, ils étaient vite réglés et le paradis céleste retombait à nouveau sur ses pattes. Tout redevenait imperturbable.
Les quelques Dieux voulant s’échapper de leur ennui étaient souvent victime des règles du paradis céleste ou avaient un esprit rebelle plutôt dérangeant pour leurs supérieurs ou peut-être les deux…
Passer toute son enfance, son adolescence et même le début de sa vie d’adulte dans une sombre cellule avait été l’existence d’Homura. Pendant tout ce temps, il ne connut pas sa mère, il ne connut même pas son père. Ce dernier l’avait enfermé dans cette petite pièce horriblement sombre, effrayé par l’avenir désastreux qu’annonçait son œil doré. Il avait voulu cacher cette aberration, espérant ainsi chasser les mauvais présages, il avait abandonné son propre fils, indirectement, il avait châtié son propre sang, il acceptait sa propre fin.
Seul dans les ténèbres, gardés par deux soldats dont il ne connaissait que le dos, Homura était perdu au cœur de son âme. Les règles de morale, de stratégie, de politique et même de bonne conduite, il ne les connaissait pas, on ne les lui avait jamais apprises. Les uniques choses qu’il connaissait étaient le noir et la solitude, le froid et le silence. Les seuls bruits qu’il avait entendus étaient le raclement du plateau contenant son repas sur la pierre, le tintement des clés de sa cellule et les pas traînant des sentinelles muettes. Il ne connaissait que le goût du pain et de l’eau. Parfois, on lui avait mené des plats plus riches et plus délicieux, il ne savait pourquoi, sûrement parce qu’il s’agissait de jour de fête. Du moins, ce qu’il mangeait alors avait un goût sur lequel il ne pouvait mettre de mot. Son vocabulaire était également réduit. Après tout, il avait découvert seul dans le noir le peu de chose qu’il pouvait alors voir, c’est-à-dire pas grand chose. Recroquevillé toujours au même endroit, enveloppé de la même cape qui n’était jamais parvenue à le réchauffer, il ne pouvait que s’entretenir avec lui-même. Les notions de joie, de haine, d’amour et même de vie lui étaient inconnues. Que pouvait bien être la vie ? Elle ne faisait sûrement pas partie de lui. Avait-il au moins un but ? Il n’avait même pas connaissance de celui qui l’avait laissé là comme un déchet que l’on craint à faire totalement disparaître, alors un but, il ne fallait même pas y songer. Que pouvait-il bien représenter ? Sa vie avait-elle une signification ? Ses mains étaient-elles destinées à accomplir de grands exploits ? Toutes ces questions, il ne se les posait même pas, à quoi bon après tout, si l’on ne connaît même pas son propre nom ? Il n’avait que lui comme interlocuteur mais il ne se connaissait même pas. Dépourvu d’une quelconque volonté, excepté probablement les instincts de survies les plus primaires, il se laissait porter par les faibles vagues du temps qui tentaient pourtant tant bien que mal à trouver la clé de la sortie, la tempête qui le sortirait de cet état de mort-vivant.
Elle arriva, un jour, alors que son corps avait atteint sa pleine croissance. Pour la première fois, les deux sentinelles se tournèrent vers lui, il put enfin voir leur visage. Il n’avait jamais vu de visage, pas même le sien, il n’avait jamais eu à marcher dans un couloir, il perdit d’ailleurs souvent l’équilibre avant de pouvoir enfin maîtriser ses jambes, il n’avait jamais vu la lumière et par réflexe, il dut clore ses paupière pour éviter à ses yeux d’être agressés. Il n’avait jamais vu le ciel, les nuages, les fleurs, les fenêtres, les sourires, les oiseaux, l’herbe, les arbres, les chaises. Il n’avait jamais entendu le vent, les rires, les chants, la musique, les battements d’ailes, les froissements de tissus autres que ceux de sa cape. Il n’avait jamais senti l’odeur de mets aussi délicats, des fleurs et autres nombreux parfums qui peuplaient ce monde, nouveau et délicieusement magnifique. Il put enfin sentir en lui la vie influer, il découvrit enfin ce qu’était la joie, la liberté, la reconnaissance. Tout, toutes ces nouveautés dansaient autour de lui, en farandole, se pressant entre elles pour pouvoir attirer la première son attention. Son cœur n’ayant jamais vraiment grandi, il ressemblait plus à un enfant apprenant à marcher qu’un adulte se dirigeant dans les quartiers de son père, se préparant à ce qui allait se dire.
Les deux sentinelles près de lui avaient une voix. Elles lui parlaient, mais il ne comprenait pas tout ce qu’elles lui racontaient. Les deux hommes armés le guidaient vers un bâtiment gigantesque. Il ressentit soudain une drôle de sensation lui prendre les tripes, les gens appelaient ça la peur. Il ne voulait pas se retrouver à nouveau dans le noir maintenant qu’il avait pu découvrir la lumière. Si on l’avait laissé dans son coin, jamais il n’aurait souhaité la voir, mais à présent, si on le remettait dans une cellule, jamais il ne le supporterait. Il voulait explorer ce monde, connaître ce langage, découvrir ce à quoi pensaient tout ces gens autour de lui, leur parler, se faire peut-être des amis.
Cette peur l’envahit lorsque les gardes lui demandèrent d’entrer. Il les regarda avec affolement. Il ne voulait pas retourner dans le noir.
Il ne connut plus jamais les ténèbres, du moins, celles de son enfance.
Cependant, il apprit à connaître des notions si terribles, jamais il n’aurait pu imaginer leur existence : l’amour, l’injustice, la haine, la mort. Il découvrit les coulisses de ce monde à l’apparence si féerique et il souhaita ne jamais y passer le restant de ses jours. Il voulut se construire un monde où de tels dessous n’existeraient jamais.
Shien était un dieu destiné à suivre les dieux de la guerre. Nataku était celui qui occupait alors ce poste. La guerre, au paradis céleste était inexistante. Enfin, c’était ce qu’affirmaient les dieux les plus haut placés. Cependant, le paradis céleste possédait une armée, des commandants, des généraux, des lieutenants et autres personnages au classement hiérarchique important. Le rôle de cette armée était, soit disant, de faire régner la paix et l’ordre sur le monde d’en bas, autrement dit, de s’arranger à ce que la justice, leur justice y soit respectée. Shien, depuis tout jeune, avait appris à réfléchir et ne pas agir par impulsion mais on lui avait également enseigner à obéir aux ordres. Des gens comme lui, qui réfléchissaient de trop, étaient des dangers pour l’administration du paradis céleste car ils pourraient rapidement se rendre compte des nombreuses manipulations. C’est pourquoi ils s’arrangèrent tous pour que jamais il n’ose désobéir. En effet, il respecta toujours les ordres, même lorsqu’on lui demanda de laisser Nataku agir seul, affronter Gyumao sans qu’on ne lui apporte aucune aide, quelle qu’elle soit. Shien savait qu’il aurait du intervenir, il savait que cet ordre n’avait été qu’un caprice, que Nataku n’aurait jamais été aussi atteint si il avait donné l’ordre aux soldats derrière lui d’aider leur supérieur. Mais il n’avait pas osé désobéir, il respectait les règles à la perfection et ne pas suivre les ordres était une infraction aux règles, ces fichues lois qu’il méprisait à présent. Par sa faute, par sa dévotion aveugle, Nataku avait perdu toute volonté de vivre. Il respirait encore, oui, il n’était pas mort, mais c’était comme si. Il avait été un pantin et n’avait jamais connu l’affection, excepté peut-être auprès de ce petit Goku. Shien s’en était voulu et il s’en voulait encore, énormément. C’est pourquoi il se fit une promesse : plus jamais il n’obéirait à des ordres aussi absurdes, surtout si cela impliquait la vie ou du moins la santé de ceux qu’il appréciait bien qu’à présent, il n’y avait plus personne. Nataku avait été la seule personne pour qui il vivait. Il n’avait plus rien. Le temps s’était déchaîné un court moment et il s’était retrouvé comme un bateau ivre, se laissant porter par les vagues le menant devant des paysages de plus en plus abominables. Il découvrait ce qu’il n’avait jamais voulu voir : les coulisses de ce monde. Il avait connu beaucoup de choses, il avait acquis énormément de connaissances, il avait appris à respecter et même à aimer. Mais maintenant, il se retrouvait au bord d’un abîme et il n’avait plus la force de lutter contre le vent qui le poussait sans relâche, tentant insidieusement de le faire tomber. Il venait de se rendre compte que tout ce qu’il avait acquis n’avait servi à rien. Jamais il n’aurait du être loyal, jamais il n’aurait du être à cheval sur les règles, jamais il n’aurait du laisser Nataku seul, jamais il n’aurait du écouter sa raison et être si sourd aux cris de ses impulsions.
Il savait que trop bien ce que l’on pouvait ressentir lorsqu’on était abandonné maintenant, il le découvrait et il ne regrettait que plus son manque de cœur il y a longtemps, lors du combat entre Nataku et Gyumao.
Les dieux supérieurs ne lui laissèrent même pas le temps de faire son deuil. Ils nommèrent bien trop rapidement un nouveau dieu guerrier. Il s’appelait Homura. Shien n’avait jamais entendu parler de lui. Encore un être fragile et innocent qu’ils avaient sorti de nulle part pour en faire leur nouveau pantin.
Shien se jura encore et encore que jamais il ne referait la même erreur, que jamais il n’oublierait Nataku et qu’il passerait sa vie à se repentir, à se faire pardonner de ses erreurs, du moins à essayer de se faire pardonner, même si il savait intérieurement qu’il ne se pardonnerait jamais ce qu’il avait fait.
Il tint sa promesse. Il suivit Homura et ne le laissa jamais tomber, il donna tout ce qu’il avait pour lui et pour son utopie. Il connut même des moments pendant lesquels il ne regretta pas de vivre, il retrouva un peu de joie auprès de ce nouveau dieu guerrier mais aussi auprès de cet autre dieu au cœur meurtri par les injustices de ce monde pourrissant à vue d’œil.
Zenon n’avait jamais fait de mal à personne. Il était juste avec lui même, impulsif peut-être mais jamais injuste, jamais cruel. Il s’ennuyait dans le monde céleste. Il n’y avait pas vraiment d’amis. Il connaissait nombre de dieux y vivant mais pas assez pour les considérer comme des amis. Il fallait également dire qu’il avait très peu de temps pour lui. Il avait été entraîné pour combattre et foncer dans le tas sans réfléchir aux ordres qu’on lui donnait. Il n’avait pas vraiment de but dans sa vie, il se laissait porter par le courant calme du temps. Il voyait passer sous ses yeux nombres de choses et il commençait à être dégoûté du monde dans lequel il vivait. Il ne connaissait pas ses coulisses mais il en avait vu quelques aperçus. Il fut le premier à quitter sans regret le paradis céleste, avant même que le célèbre groupe de Konzen ne se forme. Il avait rencontré, dans le monde d’en bas, une humaine. Il l’aimait, elle l’aimait. Zenon voulait s’installer avec elle, abandonner une partie de sa divinité lui paraissait dérisoire pour elle. Il avait aimé avant Mirei mais la première fois qu’il vît sa future femme, il eut la certitude qu’elle allait vraiment changer son mode de vie. Il en avait marre du paradis céleste et Mirei se trouvait devant lui. Zenon lui-même aurait été incapable de décrire l’amour qu’il avait éprouvé pour elle tellement il fut fort. Il avait choisi de son propre chef de changer de cap, de choisir un autre courant dans l’océan du temps. Cependant, son navire semblait avoir un gouvernail défectueux et il dévia, juste un instant, une seconde, alors que le timonier s’accordait un moment de distraction.
Zenon perdit sa femme et son fils. Ils furent assassinés. Et lui, il se retrouva seul, le cœur horriblement déchiré. Il n’avait jamais fait de mal à personne, jamais. Il avait aimé sa femme et son fils avec toute son âme. Il avait voulu les rendre heureux. La seule chose qu’il put avoir en retour fut leur mort. Le jour où il découvrit le cadavre de sa famille, le moment où il resta devant ces deux corps inertes lui parut interminable. Tout autour de lui, le monde s’écroulait, pierre par pierre, étoile par étoile, grain de poussière par grain de poussière. Seul lui paraissait être épargné, seul lui. Du bonheur qu’il avait connu, il plongea dans les ténèbres qu’il ne connaissait pas. Il découvrit l’autre face du monde. Elle était sombre. Il ne parvint pas à accepter que tout être vivant sur cet univers devrait un jour où l’autre être confronté à une telle souffrance. Cette souffrance, il ne pouvait la supporter, elle lui était terriblement douloureuse. Il avait été impuissant, il n’avait pu sauver sa femme, son fils. Il se sentait faible, fragile mais aussi plein de haine. Il souhaitait se venger, pas seulement de ce meurtrier mais des lois abominables de ce monde. Pourquoi de telles contreparties existaient-elles ? Dieu offrait-il le bonheur pour le reprendre ensuite ? La vie même n’avait-elle comme prix que la mort ? Pourquoi cela le faisait-il tant souffrir, pourquoi ?
Zenon ne pleura pas, il n’avait jamais pleuré et ne pleurerait jamais. Faute de larme d’eau et de sel, ce fut son cœur qui pleura, avec des larmes de sang. Une plaie dont jamais il ne pourrait être soigné venait de s’ouvrir. N’importe quelle affection put-il recevoir, jamais cette blessure ne cicatriserait. Il fut cependant reconnaissant envers ceux qui offrirent leurs épaules sur lesquelles il put pleurer, silencieusement. Ils purent au moins apaiser sa douleur, lui offrir des pansements afin de ralentir son hémorragie et une raison pour ne pas se donner la mort et continuer à avancer.
Ce nouveau monde, si utopique soit-il, était pour lui un palliatif aussi fort que la présence de ces deux autres âmes en peines, touchées par les injustices des lois de leur paradis céleste, atteintes mais pleines d’espoir et de volonté de tout détruire et reconstruire autour d’une utopie, d’un monde où aucune contrepartie de ce genre n’existerait.
Trois naufragés s’étaient retrouvés, par hasard, au milieu des courants parfois calmes, parfois violents, au cœur des vagues d’années, de jours, d’heures et de secondes. Ils avaient pourtant perdu leur embarcation, leurs vivres, leur volonté même de se battre. Et pourtant, pourtant, l’océan leur fut clément. Devant eux se dessinait la silhouette d’une île, peut-être déserte, mais une île tout de même. Ils venaient de retrouver l’envie de vivre. N’ayant pas assez de force pour se tirer chacun de leur côté vers cette terre promise, ils se serrèrent les coudes, allièrent leurs dernières ressources et se dirigèrent, ensemble, vers ce but qui venait miraculeusement d’apparaître devant eux. Il s’agissait probablement d’un mirage mais leur volonté renaissante était bien existante et ils espéraient, au fond de leur cœur, qu’il ne s’agissait pas d’une illusion comme on en voit souvent lorsque l’on se trouve au seuil de la mort.
saiyuki,
a#1 temps