Titre : Tempête
Auteur : Isil (
isil-chan)
Fandom : Harry Potter
Couple : Blaise Zabini/Théodore Nott
Thème : Tempête(Set A)
Rating : PG-13
Notes de l’auteur : Cinquième partie de ma fic
Petit à Petit! Je tiens le bon bout! Le chapitre 1 est
ici, le chapitre 2 est
là, le 3 est
là et pour le 4e c'est
ici.
Quand ils retournent à Âssos, Philippa les considère d'un œil critique avant de hocher la tête d'un air satisfait. Elle leur lance quelques mots que Blaise encaisse en clignant des yeux, perplexe. Théodore l'envoie acheter les journaux, les joues rosies et il obtempère en traînant les pieds.
Le port est presque désert à cette époque de l'année, l'hiver qui s'installe paresseusement ayant fait fuir les derniers touristes. Il n'y aura pas de neige, lui a dit Théodore. Dans cette région du pays, l'hiver étend un manteau pluvieux et venteux plus que neigeux. Pour la première fois, peut-être, ils se surprennent à regretter l'Angleterre pour ses flocons vaporeux, synonymes éphémères et glacés de liberté.
Le libraire lui donne les journaux avant même qu'il n'ait réussi à aligner les mots nécessaires, et Blaise est frappé par la routine et l'habitude qui régissent sa vie. Il les prend d'un geste machinal et retourne rejoindre Théodore, vers qui toutes ces habitudes convergent. Il bruine légèrement tandis qu'il s'achemine vers l'épicerie.
La petite pluie glacée s'infiltre dans ses vêtements et le fait frissonner, tout comme l'air inquiet sur le visage de Théodore tandis qu'il discute avec Philippa. Ils parlent à voix basse, un peu à l'écart des clients de la boutique.
La tempête se lève. Elle se lève dans ces murmures soucieux, dans ce crachin glacial qui fouette son visage, et dans le monde autour d'eux. Quand Théodore se tourne vers lui, Blaise a soudainement l'étrange pressentiment que la guerre les a rattrapés.
Leurs courses soigneusement à l'abri de la pluie dans des sacs en plastique, ils s'acheminent en silence vers chez eux. Le vent siffle dans la plaine, et les embruns sont presque agressifs, des gifles au goût salé sur leurs joues. Jamais leurs regards ne se croisent, et ils attendent tous les deux l'asile de leurs murs pour s'abriter au moins du vent, à défaut du reste.
Quand la porte se referme derrière lui, Blaise claque presque des dents. A ses côtés, Théodore grelotte et va d'un geste empressé allumer un feu au salon.
"Va prendre une douche, je m'occupe de tout ranger," lance t'il par-dessus son épaule en s'agenouillant près de la cheminée, ses doigts tremblants dirigés vers la flamme timide. Ils sont si clairs que Blaise a presque l'impression d'y voir à travers.
Il se réchauffe sous l'eau brûlante qui coule comme de la pluie sur sa peau, mais celle-ci est réconfortante, et s'il met la tête sous l'eau, Blaise peut presque ignorer les bourrasques qui frappent les fenêtres.
Quand il redescend dans le salon, Théodore a quitté son pull trempé, et il est en train de faire de même avec sa chemise. Blaise admire les mouvements souples, rythmés par la musique entêtante des crépitements du feu. Et les gouttes qu'il peut distinguer en train de glisser paresseusement le long de ce dos gracile lui laissent soudain la gorge sèche.
"Tu sais, ce qu'a dit Philippa ce matin, et que tu n'as pas compris…" lance Théodore le dos tourné, brisant le silence d'une de ses remarques étranges. "Elle nous a appelés les Jeunes Mariés."
Théodore tourne la tête vers lui avec un petit sourire et Blaise y répond, envoûté plus qu'amusé. Il accepte l'invitation muette de ces lèvres fines avec l'abandon et la révérence qu'elles méritent.
La pièce a l'odeur tiède du bois et Théodore lui, a un parfum de mer. Sa peau est salée et pâle, et se marie à ravir avec le coloris sombre du parquet sur lequel ils sont étendus, trop occupés à s'aimer pour s'inquiéter des convenances. Il n'y a qu'eux dans cette petite maison frappée par les vents marins, et les murs sont les plus discrets des témoins.
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Le repas est une affaire silencieuse. La tempête au dehors a des cris presque humains, comme un chant primal. Blaise l'écoute avec passion et rajoute quelques notes à la mélodie de chez eux. Théodore a un sourire absent aux lèvres, et sa peau claire fait ressortir ses cheveux bruns car encore humides.
Quand la bouilloire sifflote pour achever de réchauffer leurs doigts et leurs corps, Blaise effleure le bras de Théodore, pour ramener ses pensées au présent.
"De quoi parliez-vous, Philippa et toi?" demande t'il dans un souffle.
Il n'y a aucune hésitation dans sa voix. Si Blaise a accepté de laisser à Théodore les commandes de leur vie à deux, il n'en reste pas moins désireux de savoir. La seule réponse est un soupir, puis le doux murmure de l'eau chaude dans une tasse. Théodore observe d'un air songeur la fumée s'échapper de sa tasse mais garde le silence.
"Vous ne parliez pas du mauvais temps, n'est-ce pas?" reprend alors Blaise d'un ton vaguement amusé.
Un sourire erre une seconde sur les lèvres de Théodore, puis il secoue la tête et porte sa tasse à ses lèvres. Les yeux mi-clos, il hume le parfum discret du thé, et Blaise a soudain envie de l'embrasser. Au lieu de ça, il se penche en avant, insistant muettement.
"Elle… travaille pour moi," explique enfin Théodore en choisissant ses mots. "Elle surveille les environs."
"Mangemorts?" demande simplement Blaise.
"Mangemorts, Ministère, Ordre… Elle n'a que l'embarras du choix pour satisfaire sa curiosité. Elle a mis toute sa famille sur le coup."
Blaise fronce les sourcils. Tout lui paraît trop simpliste… Certes, les protections magiques de la maison empêchent tout transplanage intempestif, et le Fidelius prévient les visites non-désirées, mais en dehors de ça…
"Tu lui as donné des descriptions des gens susceptibles de venir nous chercher?" s'étonne t'il, incrédule. "Et le Polynectar? Ou un simple sort d'illusion?"
Théodore lève les yeux au ciel et repose sa tasse.
"Évidemment. Mais tu aurais préféré que je ne prenne aucune précaution, même si ça peut sembler futile?" réplique t'il.
Blaise garde le silence. Non, bien sûr que non. Parfois, les plus simples initiatives sont suffisantes… Il espère que ce sera le cas et sourit à Théodore pour clore la conversation. Quelles que soient les nouvelles que Philippa a pu donner, elles ne sont pas assez inquiétantes pour troubler vraiment Théodore et c'est tout ce qui compte.
Le monde entier aura beau les chercher, tant qu'ils seront tous les deux, il y aura quelque part pour eux une parcelle de liberté, tracée par leurs sourires et leurs baisers.
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Blaise s'éveille, un instant troublé. Le silence qui régnait dans la maison n'est plus, la pluie crépite aux vitres, le vent s'époumone et la lumière maladive semble cependant bien trop vive. Un coup d'œil à l'horloge et il se redresse. D'ordinaire, à cette heure-ci, ils sont déjà au village. Théodore ne l'a pas réveillé.
Il n'y a aucune réponse aux coups que Blaise donne à la porte de Théodore, et il se demande soudain pourquoi ils font chambre à part. La veille, quand ils sont arrivés à l'étage, Théodore lui a souri faiblement, puis s'est enfermé dans sa chambre. Blaise n'a pas insisté, lui aussi épuisé par le temps froid et la pluie.
Mais là, seul l'écho du vent qui s'engouffre dans les interstices lui répond, alors Blaise pousse doucement la porte en un geste timide qui s'interrompt brusquement.
Théodore est étendu sur son lit, pâle et immobile, la respiration laborieuse et les tempes luisantes de sueur. Soudain le vent dehors pâlit en comparaison de la tempête qui se lève en lui. Trois pas précipités l'amènent au chevet de Théodore et sa main tremblante rencontre un front chaud.
Il murmure son nom, mais Théodore n'ouvre pas les yeux, et détourne un peu le visage, comme gêné par le bruit. Blaise regarde autour de lui, un instant dépassé, avant de se reprendre. La pluie d'hier, certainement. Une fièvre minime et une légère gêne respiratoire. Son esprit repasse à toute vitesse ses souvenirs de cours à Poudlard, et les livres qu'il a potassé sans grand enthousiasme depuis qu'il est ici.
Comme les pièces d'un puzzle, divers éléments s'emboîtent et calment la tempête de ses pensées. Une simple potion suffira certainement à régler le problème, mais il lui manque les ingrédients.
"Philippa…"
Blaise baisse la tête et croise le regard fiévreux de Théodore. Il ne pose même pas la question. Peu importe qu'il aie lu dans ses pensées ou suivi le même cheminement, le résultat seul compte.
Quelques minutes plus tard, Blaise court dans la forêt, plus vite qu'il n'a jamais couru, ou en tout cas c'est ce que son cœur battant espère. Les rafales qui déchirent les feuilles des arbres et laissent tomber la pluie sur lui trouvent écho dans son esprit, qui ne connaît plus qu'un seul mot. Théodore… Théodore… Théodore…
La partie rationnelle de son esprit sait qu'il s'inquiète pour peu, mais c'est plus fort que lui. Il veut voir un regard clair et pas troublé, un teint clair, mais pas blafard, une peau tiède, mais pas brûlante, et ne veut entendre ce souffle rauque que pour invoquer son nom.
Philippa le regarde arriver de l'abri de sa boutique, et elle secoue la tête en levant les bras vers le ciel. Le temps qu'il entre, elle a préparé une serviette qu'elle lui jette sur les épaules en marmonnant des mots que Blaise ne comprend pas, mais qui sont peu flatteurs. Il n'y fait même pas attention.
Leurs difficultés de communication sont vites effacées quand elle lui montre directement son herbier. Blaise y fait rapidement son choix sous ce regard attentif et approbateur. Il paie avec empressement, et doit se forcer pour lui sourire quand elle rajoute dans le petit sac qu'elle ferme soigneusement un pot de miel.
Combien de temps a-t-il mis pour faire l'aller-retour? Blaise ne saurait le dire, mais Théodore parlera d'un record battu, avec un sourire indulgent et touché. A cet instant, cependant, toute trace de fierté est balayée par la tempête de l'inquiétude, et il ne sent même pas le froid.
Il se débarrasse de son manteau trempé et s'apprête à grimper les marches quatre à quatre quand une quinte de toux venant du salon le fait s'immobiliser. Il n'a même pas envie de s'énerver, et c'est au contraire avec un soupir presque soulagé qu'il retrouve Théodore allongé sur le sofa, emmitouflé dans une couverture, tourné vers le feu.
Blaise s'agenouille près de lui et Théodore sourit en clignant des yeux.
"On dirait un chat détrempé," se moque t'il d'une voix éraillée. "Va donc prendre une douche, avant d'attraper la mort."
Blaise ouvre la bouche pour répliquer, outré de cette mauvaise foi, mais il y a une lueur amusée au fond de ces yeux clairs, alors il se contente de renifler, avant d'obtempérer. Tomber malade lui aussi n'apporterait rien de bon, de toute façon.
Préparer la potion lui apporte un calme apaisant. Pour un peu, Blaise arriverait à retrouver l'ambiance des cours dans les Cachots, quand Snape leur enseignait ses secrets avec application mais mauvaise humeur. Le chaudron qui bout doucement dans l'âtre lui rappelle tout ça et bien plus, et un instant, la tempête se calme.
L'air confiant que Théodore arbore en se rallongeant avant de fermer les yeux le flatte étrangement, et s'il n'avait pas déjà décidé de s'appliquer, il l'aurait fait, juste pour y être un peu plus longtemps sujet.
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Il faut quelques jours à Théodore pour se remettre complètement, quelques jours où Blaise découvre le plaisir de se sentir nécessaire, le plaisir de protéger et de guérir. Théodore est un patient des plus agréables, conciliant et confiant. Et si Blaise se laisse parfois aller à un peu trop d'inquiétude, il les apaise d'un sourire, et le vent retombe.
C'est un de ces jours-là où Blaise regarde Théodore, installé confortablement sur le sofa, une tasse de thé à la main et un sourire affectueux aux lèvres, et il se dit, et c'est là si évident qu'il pourrait presque le crier, qu'il est amoureux. Il pourrait le crier, mais Théodore relève la tête, et il y a tellement de chaleur dans son regard, tellement de compréhension, de gratitude et surtout d'amour, que Blaise garde le silence car tout a été dit.
Dehors, le vent souffle toujours, mais les murs les protègent et les bercent presque de leurs couleurs rassurantes. Quand ils les quittent à nouveau, Théodore est guéri, et il ne pleut plus. Ensemble, ils cheminent vers Âssos, et leurs mains se trouvent presque par hasard, mais le hasard est-il toujours si évident?
Comme chaque fois, ils se séparent, et il y a de l'énergie dans sa démarche quand Blaise va acheter les journaux. Les jupes de deux jeunes filles volent avec le vent, et il sourit à leur air embarrassé, avant de détourner les yeux.
Il s'approche de l'épicerie, et son sourire se fige. À nouveau, même si le ciel est sec, il frissonne de froid, comme si une pluie glacée lui coulait dans le dos. Philippa est seule, et son air est si affolé que Blaise ne la reconnaît presque pas.
Il court. Il court contre le vent et elle se jette presque dans ses bras, parlant d'une voix si hachée qu'il n'en saisit pas un mot. Il secoue la tête et elle s'interrompt, semblant chercher dans sa mémoire, avant de prononcer un mot. Un seul, et son sang se glace, plus sûrement que si un blizzard s'était infiltré en lui.
Blaise suit d'un pas presque absent la direction qu'elle lui indique, et sa main glisse dans sa poche, cherchant du réconfort dans la présence de sa baguette. Il la saisit fermement en entendant des voix dans une ruelle.
Là.
Il ne se souvient même pas avoir lancé de sort, mais quand Théodore et lui sont penchés au dessus d'un corps inconscient, il y a un ouragan au fond de leurs yeux affolés. Ils ne se demandent pas ce qu'ils vont faire, parce qu'ils l'ignorent et qu'ils le savent. Ils ne sont pas des tueurs, ni des guerriers, ce qui ne leur laisse qu'une alternative.
Un détour par chez Philippa pour la rassurer, et ils se glissent dans les ruelles avec entre eux un corps à demi-inconscient, leurs baguettes fermement tenues en main, et sortent de la ville.
Le souffle de Théodore est un peu court, mais Blaise ne s'en inquiète pas. Il tiendra. Ils tiendront tous les deux. Chaque pas leur paraît difficile, comme s'ils avançaient contre le vent, mais ils savent si fort n'avoir pas d'autre choix qu'ils continuent de marcher.
Arrivés à l'orée de la forêt, Théodore murmure quelques mots à l'oreille de leur prisonnier, et ils avancent. Leur sort est désormais scellé. Les feuilles blessées par la tempête ne leur offrent que peu de répit, et ils accélèrent le mouvement, désireux d'être enfin arrivés pour en finir avec cette mascarade et pour en commencer une nouvelle.
Ils ouvrent la porte et poussent leur invité à l'intérieur. Draco trébuche maladroitement, visiblement encore sonné, puis se retourne, et son regard est farouche. Dehors, le vent s'est tu, mais Blaise sait que la tempête, désormais, soufflera dans leurs murs.
A SUIVRE.