Titre : Même sans lumière
Auteur :
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kandai_suikaThème : #4, Dans les ténébres
Fic : #3
Fandom : Le Roi Lion (Disney)
Personnage/Couple : Mufasa/Scar
Rating : M
Disclaimer : Disney, Rob Minkoff, Roger Allers.
Avertissements : Inceste. Contenu sexuel. Pensées violentes, relatives au meutre.
Résumé : Une fois la nuit tombée, Scar accueille un visiteur clandestin. Familier.
Note : Je dépoussière ce défi pour le NaNo 2022 avec un couple qui leur va bien.
et je sens ta peau
même sans lumière
les serpents sont légendaires
Scar avait senti son frère arriver avant même de voir son ombre tailladée par la lune se découper sur les pans rocheux de sa tanière.
Le plus jeune avait depuis bien longtemps cesser de se formaliser de l’attitude cavalière de son aîné. Mufasa annonçait rarement ses visites. Il n’en avait pas besoin, par ailleurs ; il était le roi de la savane, souverain incontesté et incontestable de la Terre des Lions, il pouvait aller où bon lui semblait sans que personne n’eût rien à y redire. Ceux que cette liberté gênait avaient vite appris à se taire ou à exprimer leur déplaisir discrètement : si de tels animaux existaient, Scar n’avait pas la chance de les connaître. Il n’était même pas sûr de le souhaiter.
La perte des uns était le gain des autres, après tout.
Le souffle de Mufasa se précisa contre son oreille, rauque et sonore au milieu de la tiédeur endormie, tandis que la chaleur d’un corps massif et trempé de sueur se pressait contre le sien. Scar pesta silencieusement : il n’y avait pas sensation plus désagréable à ses yeux que la sensation moite d’une fourrure constellée de poussière cherchant à épouser la sienne et son frère aîné le savait pertinemment, se jouant des habitudes et des préférences de Scar comme une montagne se gaussait de la ténacité du vent ; cette manie de le taquiner sans rien dire avait le don de mettre le benjamin hors de lui.
- Tu vas me salir, imbécile, maugréa celui-ci, déterminé à exprimer son déplaisir même s’il devait tomber dans l’oreille d’un sourd.
- Si ce n’est pas maintenant, ce sera plus tard, répondit le roi sur un ton qui transpirait un amusement fatigué.
Scar retint une réplique acerbe. Il lui chagrinait de le reconnaître mais Mufasa marquait un point : ses visites clandestines se terminaient toujours de la même façon, dans la poussière, les râles et les coups de butoir de leurs corps. Lorsque les mots viendraient à manquer et que leurs souffles seraient rendus courts par leurs étreintes interdites, ils se quitteraient au milieu de la nuit, repus l'un de l'autre, la sueur et la salive de leur corps mélangée comme les gouttes de la pluie se mélangeaient à la rivière pour donner vie au paysage familier de leurs terres.
L’image n'avait pas le grandiose poétique du cycle de la vie, sans aucun doute, mais cela n'empêchait pas Scar d'y trouver une certaine beauté. Un charme secret, porteur d’une dissonance subtile.
- Cela faisait longtemps, commenta-t-il, son humeur réchauffée par un coup de langue affectueux du souverain. Que me vaut l’honneur, cette fois-ci ?
- Faut-il toujours qu'il y ait une raison ? Un lion ne peut-il pas rendre visite à son frère par simple désir de rechercher sa compagnie ? le taquina Mufasa, sa crinière rouge se mêlant à celle d'ébène de son cadet, tissant des fils colorés au milieu de la mare sombre. A l’image de la lumière écarlate du soleil se noyant dans l’abîme nocturne, sans aucun doute - le soir était propice à ce genre d’imagerie.
Mais Mufasa était rarement réceptif à la poésie et Scar n’était pas d’humeur.
- Oh, je t'en supplie, maugréa-t-il, vaguement ennuyé par le sourire qu’il pouvait devenir sous le museau de son frère, épargne-moi ta langue de bois. Si je voulais t'entendre me couvrir de faussetés politiques, j'aurais simplement demandé une audience auprès de cet oiseau de malheur qui te suit comme ton ombre.
- Douterais-tu de mon affection, petit frère ?
- De ton affection, certainement pas. Ce sont tes excuses qui ne prennent plus avec moi, rétorqua le cadet, à mi-chemin entre la pique et la plaisanterie.
Mufasa se rembrunit et roula sur le côté, exposant son flanc à son amant. Son attitude confiante attendrissait et enrageait Scar tout à la fois : même tapi comme un voleur dans l'antre de son frère, même au milieu d’une rencontre illicite qui lui aurait coûté sa couronne ainsi que le respect de tous les animaux vivant sur leurs terres, Mufasa transpirait l’insouciance d’un animal qui se sentait en sécurité. Quoiqu’il se passât entre eux - et ni l’un ni l’autre ne craignait de laisser des marques, à la manière de deux stupides mâles en rut cherchant à prouver quelque chose - le Roi faisait confiance à Scar pour le garder sain et sauf pendant toute la durée de sa… visite.
Et bien évidemment, à Scar de se plier à la requête muette de son frère.
Oh, il avait été tenté, parfois, de planter ses griffes au milieu de la chair tendre, de savourer l’écoulement du sang et la déchirure des tendons entre ses pattes. L’acte aurait été aussi jouissif que stupide, insensé : même pris par surprise, Mufasa le dominerait en quelques minutes et c’en aurait été fini de Scar, même s’il pouvait espérer entraîner son frère dans sa chute. Sarabi réclamerait peut-être des comptes en privé - elle n'était pas si dupe que son cher frère le pensait - mais aux yeux du royaume, il serait facile d’arranger un mensonge et de faire porter au plus jeune toute la responsabilité de leur sinistre conte.
Scar pouvait le voir d'ici, les mensonges prudemment tissés dans un tissu délicieusement sordide : l'enfant prodige déchu de son statut, cherchant à retrouver une parcelle de sa superbe perdue en se jetant dans les bras magnanimes de son seigneur et frère. Son apparence altérée, presque serpentine, jouerait en sa défaveur (ce ne serait pas la première fois), ses manières étranges pour un mâle et ses paroles sirupeuses s'ouvrant sous les pattes de Mufasa comme les corolles d'une plante carnivore pour l'attirer dans les affres de la passion. Ironiquement, ce dernier se verrait sans doute attribuer le beau rôle, même forcé de reconnaître son adultère.
Et pourtant...
Eh, Askari, tu viens ? J'ai un nouveau jeu à te montrer...
Le plus jeune secoua la tête, chassant par son geste l'amertume qui lui piquait la gorge. C'était peut-être de bonne guerre qu'il en soit ainsi, après tout... Scar ne pouvait pas prétendre être blanc comme neige dans l'affaire : il avait effectivement cherché à renverser Mufasa, même si ce dernier l'ignorait, et cela lui avait coûté le Rugissement, la confiance de la tribu, son statut...
Il aurait dû s'estimer chanceux de ne pas avoir perdu davantage. Reconnaissant, même.
De la reconnaissance... AH !
C’était là son défaut le plus pernicieux, certainement, cette sensation d’insatisfaction permanente qui lui tailladait le ventre, le poussait sans cesse à exiger davantage que la part qui lui avait été allouée. Il aurait dû être satisfait de ce qu’il recevait aujourd'hui : un abri confortable et à l’écart des animaux les plus curieux, de la nourriture en suffisance, la garantie de pouvoir circuler librement sur la Terre des Lions malgré les soupçons qui pesaient sur lui… Il aurait dû se montrer reconnaissant, se contenter des bribes d'affection que Mufasa lui accordait en secret et de la confiance qu'il lui démontrait encore en public ; d'autres auraient été exilés ou exécutés pour moins que ça.
Et pourtant, Scar en voulait plus.
Il voulait tout. L'attention de Mufasa, l'admiration et la reconnaissance du royaume, la liberté, le pouvoir, les baisers et les coups de griffes clandestins. Il désirait posséder tout ce que son frère avait obtenu sans effort et le posséder tout entier jusqu'à ce qu'ils ne puissent plus être séparés l'un de l'autre. Il désirait tout cela et bien plus encore - par dépit, par amour, par obsession, peu importait les raisons.
Contre lui, Mufasa avait fini de s'étirer et avait roulé sur le côté. Les yeux plissés de contentement, il pressa son museau contre le flanc de son amant, déposant une série de baisers léonins sur le pelage sombre.
- Tu es bien silencieux, petit frère, constata-t-il. A quoi penses-tu, dis-moi ?
- Rien qui te concerne.
- Tout ce qui touche à toi me concerne, Scar. Parle-moi.
Scar leva les yeux au ciel, étrangement radouci. La possessivité que Mufasa démontrait à son égard avait le don de l'attendrir autant que de l'énerver. S’il avait été entièrement sien et pas le secret honteux que son frère s’amusait à dissimuler aux yeux de tous lorsque cela arrangeait ses affaires, cela aurait peut-être été touchant.
- Qu'est-ce qu'on apprend à la royauté de nos jours ? Faire irruption chez les braves gens en pleine nuit, les harceler pour obtenir des réponses à des questions ineptes...
- Éviter les sujets qui fâchent, le coupa Mufasa, davantage amusé que contrarié par les simagrées de son cadet.
- Je ne suis pas fâché, se récria l'interpellé.
- C'est vrai, ce mensonge ?
Scar souleva une babine, frustré d'avoir été percé à jour aussi rapidement. Il pouvait se vanter de connaître Mufasa mieux que personne, ses failles et ses parts d'ombre autant que ce qu'il voulait bien montrer au public, mais l'inverse était souvent tristement vrai : son frère n'avait pas son pareil pour le mettre face à ses contradictions et ses secrets, pour laisser la lumière jaillir sur ses propres parts d'ombre.
Il détestait ça. Il adorait ça. Il aurait voulu que le soleil que Mufasa guidait avec patience et générosité sur son royaume ne brille plus que pour lui, pour eux, dans le secret de sa caverne. Il aurait voulu que la lune et les étoiles elles-mêmes ferment les yeux sur les baisers qu'il brûlait d'envie de déposer dans la gorge de son amant, juste à côté de la veine qui pulsait, pleine de sang et vie.
Oh, comme il en mourait d'envie.
Il aurait voulu le tuer, là, maintenant et se laisser mourir à ses côtés, se laissant dépérir comme une terre desséchée. Il aurait voulu que les ténèbres de la nuit les aspirent tous les deux et ne laissent derrière eux que leurs os, entremêlés dans une chaîne dont seules leurs âmes auraient la clé.
Comme papa et maman... c'est notre petit secret, 'Skari.
- Menteur toi-même, souffla Scar en laissant Mufasa se glisser entre ses jambes, sa voix guère plus qu'un murmure. Son frère ne daigna pas lui répondre, trop occupé à bénir le reste de sa peau de ses coups de langue et de griffe. Bientôt, les mots ne leur suffiraient plus et le langage des corps prendrait le dessus sur tout le reste, dissipant les frontières de leur raison dans la quiétude de la nuit.
Dans les ombres où chacun pouvait se prétendre roi.