Il était une fois - Original - Fic n°3

Jul 02, 2007 22:10


Titre: Les quatre couleurs de la Nature

Auteur: Isil (shono_hime)

Thème: Il était une fois

Fic n°3

Fandom: Original

Personnages: Coureur, Brian

Rating: G

Disclaimer: Coureur est à moi, et Brian est à guru_messakira, mais je l'emprunte parce que Coureur a insisté ^w^

Notes: Je ne prétends pas m'y connaître en traditions Indiennes ni quoi que ce soit, donc je m'excuse par avance auprès d'éventuels spécialistes pour toute inexactitude *s'incline*


D'une main sûre, Coureur mélangea la pierre pilée à la glaise d'une main sûre, avant d'y rajouter un peu d'eau. Ce faisant, il observa Brian, assis en face de lui et visible clairement malgré la pénombre de la grotte. Le seul bruit entre eux était celui de la source qui coulait tout près d'eux, se déversant dans un petit bassin naturel dans la roche.

Son Visage Pâle avait l'air relativement à l'aise, remarqua t'il avec plaisir. Un peu perplexe, peut-être, mais on l'aurait été à moins. Ils n'étaient pas dans la Réserve depuis bien longtemps, et le jeune Californien devait sans doute se sentir un peu perdu parmi eux. Malgré tout, il était poli, bien qu'un peu silencieux. Mais somme toute, se félicita Coureur, le choc des cultures n'avait pas vraiment eu lieu.

Il baissa les yeux vers sa main, brune, aux ongles trop courts et sales, puis vers celle de Brian, plus claire, bien que déjà dorée par le soleil, et surtout bien plus propre, et cette contemplation lui arracha un petit sourire. Cette simple vision les représentait si bien, tous les deux…

Brian gigota quelque peu en face de lui, comme pour le tirer de ses pensées, et il releva la tête pour lui jeter un regard penaud entre deux mèches trop longues. Puis il retourna à son mélange, mariant patiemment les matières et les couleurs pour obtenir le résultat souhaité.

Enfin, comme désorienté par le silence qui d'ordinaire était si vite rompu, Brian s'éclaircit la gorge.

"Qu'est-ce que tu fais?" demanda t'il, curieux.

Il observait avec intérêt les différents bols d'argile éparpillés autour d'eux, et dans lesquels Coureur rajoutait une pincée de poussière ou de farine de maïs dans un ordre apparemment complètement aléatoire.

"Je te raconte une histoire," répondit le jeune Indien avec un sourire malicieux.
"C'est un conte muet?" répliqua Brian en levant les yeux au ciel, toujours un peu irrité par les facéties de celui qui était resté jusqu'à peu son rival à l'école.
"Non, idiot, je n'ai juste pas fini de planter le décor," expliqua Coureur sans se démonter.

Apparemment satisfait par cette réponse, Brian se tut. Coureur sourit derrière ses mèches. Si les rôles avaient été inversés, il n'était pas sûr qu'il aurait réussi à être aussi patient… Ils étaient si différents, son Visage Pâle et lui… Pas étonnant, vraiment, qu'ils se soient si longtemps détestés à l'école. Pas étonnant, non plus, qu'à ses yeux, Brian Thomas White reste un mystère à découvrir…et que cette perspective déclenche en lui plus d'excitation que de mauvaise humeur.

Se penchant, il se rinça soigneusement les mains dans l'eau claire du bassin, puis les sécha sur son pantalon de toile, s'attirant un froncement de sourcils. Il tira la langue, mutin, puis se rapprocha un peu de Brian jusqu'à être assis en tailleur juste en face de lui, et posa quatre bols entre eux.

"Mon histoire est prête," annonça t'il sérieusement. "Tu veux l'écouter?"

Comme s'il se doutait que la question était presque rituelle, Brian hocha sobrement la tête, avant d'imiter inconsciemment la position de Coureur.

Ce dernier prit dans un bol derrière lui une pincée de poudre d'ocre, et la souffla doucement, créant un petit nuage entre eux.

"Mon histoire parle des origines de ma Tribu. C'est une histoire qui ne se transmet qu'entre amis, car seuls les amis ont le droit de fouler de leurs pieds le chemin parcouru par les nôtres. Tu veux l'écouter, Brian White?" récita t'il en saupoudrant les derniers restes d'ocre sur les bols alignés entre eux.
"Oui."

Coureur sourit doucement, puis, fermant les yeux pour dissimuler un brin de nervosité, il se concentra. Il n'avait pas à avoir honte, pas à avoir peur, mais au fond de lui demeurait une vague crainte que Brian ne saisisse pas vraiment le message qu'il cherchait à lui faire passer. Une nouvelle inspiration et un doigt passé sur l'amulette à son poignet, puis il rouvrit les yeux.

"C'était il y a longtemps, quand le père du père de mon grand-père n'était même pas encore né, même pas encore une idée car son propre grand-père lui-même n'avait pas encore pris son premier souffle. C'était à une époque où la Terre était à nous, à nos Tribus, un cadeau de Mère Nature à Ses enfants… Elle leur avait offert les rivières fraîches, les plaines fertiles et le moindre brin d'herbe était Son présent à Son peuple… Mais enivrés par la richesse dont ils avaient la jouissance, ils en avaient oublié leur Bienfaitrice, et au lieu de la remercier pour ses dons, ils profitaient sans compter, ingrats et égoïstes qu'ils étaient…"
"Un peu comme les hommes d'aujourd'hui," fit remarquer Brian avec à propos.

Coureur hocha la tête. Les Sages disaient bien que l'Histoire ne serait qu'un éternel recommencement jusqu'à ce que l'Homme apprenne de ses erreurs…

"Or, parmi les Tribus, il y en avait une qui était la risée des autres. Ses guerriers n'étaient pas les meilleurs, ses Sages étaient trop vieux, ses femmes trop maigres et peu fertiles… A chaque rassemblement des Tribus, on les raillait, pour leur petit nombre, leurs richesses limitées et même pour leur Totem, un vieil Ours endormi, une oreille coupée et une griffe abîmée."

A ces mots, Brian fronça les sourcils, et Coureur sut qu'il pensait à cette statue qui ornait le centre du village. Une simple statue de bois mais qui avait résisté au temps… Sans répondre à la question muette, il reprit son histoire.

"Un jour advint une querelle dans la Tribu. Un guerrier d'une Tribu voisine voulut s'approprier une jeune fille, bien qu'elle soit déjà promise à un guerrier de l'Ours. Elle s'appelait Chant-de-Lune, car sa voix claire, la nuit, faisait disparaître les nuages et apparaître la Lune. Elle était belle, avec de longs cheveux comme une nuit sans étoiles et des yeux comme ceux d'un guépard, fascinants mais dangereux. Son promis n'était pas un très bon guerrier, il ne rapportait guère à la Tribu que de quoi nourrir quelques enfants, mais il était bon et toujours souriant, aussi l'appelait-on Brillant, car ses traits s'illuminaient quand il riait. Ils étaient tous les deux aimés, parmi ceux de l'Ours, et toute la Tribu, solidaire, refusa de laisser partir Chant-de-Lune, malgré les menaces et les violences."

Il fit une pause pour ménager son effet et rassembler les mots qui coulaient pourtant naturellement de ses lèvres, pour les avoir si souvent entendus.

"Le guerrier qui convoitait Chant-de-Lune était plus cupide qu'amoureux, car il finit par accepter de renoncer à elle en échange de ce qui était la seule richesse de la Tribu de l'Ours: les fourrures qu'ils tannaient patiemment en préparation des hivers toujours rudes. Ce fut un prix très lourd à payer pour la Tribu, car ces fourrures constituaient leur seule monnaie d'échange. Mais le Sage déclara que les mains de Chant-de-Lune prépareraient d'autres fourrures, et que l'arc de Brillant chasserait d'autres animaux, et que cela serait ainsi."

Baissant la tête, Coureur plongea un doigt dans le premier bol, rempli d'une pâte couleur d'ivoire et se mit à mélanger lentement.

"Mais Brillant souffrait de voir sa Tribu payer si cher son amour, aussi décida t'il de chercher autre chose qu'ils pourraient échanger au prochain rassemblement. Un matin de printemps, il dit au revoir à Chant-de-Lune et partit dans la plaine. Là, il s'efforça d'invoquer l'aide de Mère Nature, la priant de répondre aux attentes de son peuple. Seul le silence et le vent lui répondirent. Alors Brillant s'assit, et il les écouta. Longtemps. Si longtemps qu'il perdit toute notion du temps, les yeux fermés, assis par terre, sous le ciel. Il reconnut le cri des oiseaux dans le souffle du vent, il perçut le chant bleu des rivières, près de lui passa un ours, son pas lent et rythmé comme les chants de la Tribu, et quand il eut froid, il alluma un petit feu qui crépita, rajoutant à la mélopée de la Nature la voix changeante des flammes. Il s'endormit ainsi, sous la Lune, offert à la berceuse de Mère Nature. Quand il s'éveilla, au matin, son feu s'était éteint, mais quelques braises rougeoyaient encore. Du côté du soleil levant, le ciel était blanc et pur. Il se leva pour boire à la rivière claire et bleutée, agenouillé dans la terre ocre qui en composait les berges. Brillant regarda autour de lui, et il comprit."

Solennellement, Coureur passa son autre main au dessus des quatre bols.

"Avec révérence, il composa quatre couleurs dont les femmes se servaient pour dessiner les scènes de chasse sur des peaux tendues. D'abord, il fit du blanc, comme l'air pur de la plaine au matin."

Il leva son doigt recouvert de pâte blanche, et l'approcha du front de Brian qui, comme envoûté, ne bougea pas.

"Il dessina ce ciel pur sur son front, comme ceci," raconta t'il en traçant une ligne blanche sur celui de son ami, avant de faire de même sur son propre front.

Il plongea ensuite son doigt dans le deuxième bol et le retira couleur d'ocre.

"Puis il créa la couleur de la terre, chaude et fertile, et la dessina ainsi sur son visage," continua t'il en traçant une ligne épaisse d'une joue à l'autre de Brian en passant par son nez.

Il répéta son geste sur lui-même, puis, sans cesser de parler, il recouvrit son doigt d'un bleu très vif.

"Ensuite vint le bleu, la teinte de l'eau qui l'avait abreuvé."

Deux nouveaux traits, cette fois-ci sous les yeux, faits avec précision et concentration, copiés d'une main aussi sûre sur son visage.

"Enfin, comme les flammes l'avaient enveloppé de leur chaleur, il fit du rouge très profond, comme celui des braises, qu'il représenta ainsi," dit-il en traçant une ligne verticale partant du haut du front et descendant sur l'arrête du nez, à nouveau reproduite sur lui-même.

Coureur reposa sa main sur son genou et croisa le regard bleu de Brian, souligné par les traits azurés qu'il venait de tracer sur ses joues.

"Quand cela fut fait, il se rendit compte qu'il entendait Mère Nature, qu'elle lui parlait, qu'elle pleurait presque de la joie de voir un de ses Enfants répondre à ses appels. Elle chanta pour lui, louant la beauté de ses traits sous leurs ornements. Brillant chanta avec elle, enivré et heureux. Il retourna chez lui, dans sa Tribu, et enseigna à Chant-de-Lune le secret que Mère Nature venait de lui confier. Ils en parlèrent, puis décidèrent sagement de le partager avec tous, car tous étaient des Enfants de la Nature, et tous méritaient ainsi, malgré leurs défauts et leurs vices, d'entendre sa voix et de sentir son amour. C'est ce qu'ils firent, au rassemblent des Tribus, et c'est ce jour là que cette appellation prit enfin tout son sens."

Il s'interrompit et se pencha vers Brian, comme pour lui confier le plus grand des secrets.

"Et tu sais pourquoi?" murmura t'il.
"Non," répondit Brian sur le même ton.

Alors, doucement, Coureur le prit par l'épaule et le fit se pencher vers le bassin, jusqu'à ce qu'ils puissent contempler dans l'eau claire leurs reflets et leurs peintures jumelles.

"Parce que Mère Nature nous a créés tous égaux et semblables, et que malgré nos différences, quand nous écoutons son chant ainsi…" expliqua t'il en désignant les peintures.
"Alors nous ne sommes plus si différents," termina Brian à sa place.

Coureur lui fit passer toute sa gratitude par un simple sourire, au moins aussi brillant que celui de son ancêtre. Il ne le lui dit pas, mais ses yeux parlaient d'eux-mêmes. Je savais que tu comprendrais… disaient-ils. Mais il resta silencieux et se contenta d'observer dans l'onde leurs reflets presque jumeaux, et leurs sourires, qui au fond, l'étaient également.

FIN.

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