Le chemin de la perdition - Match Point - Fic n°1

Jun 27, 2012 11:52


TITRE: Vaincre le mal par le mal.
AUTEUR: styxxounette
THEME: n°41, le chemin de la perdition.
FIC N°1.
FANDOM: Match point.
PERSONNAGE: Chris Wilton
RATING: T.
DISCLAIMER: Woody Allen.
NOTE: Miss modo, je pourrais avoir un tag, please?


Au tout début, il y avait la naissance et au bout du chemin, il y avait la mort. Entre deux, il y avait la vie, qui sinuait, qui serpentait au gré des nœuds que les Parques tissaient dans le fil de la vie. Ces nœuds, c’étaient des choix, des complications, tout ce qu’il fallait pour pousser le sujet à se détourner de son chemin initial. Parfois, on savait retomber sur ses pattes et d’autres fois, il s’agissait de bifurquer. Il fallait partir du principe que rien n’était acquis, que la vie, c’était une succession de choix à faire. Des portes se fermaient inévitablement, mais d’autres s’ouvraient, pour s’adapter. Ces choix étaient difficiles à faire, mais il fallait y passer. On n’avait pas toujours le choix. C’était une échéance comme une autre. Parfois, on se plantait, et parfois, c’était le bon choix. On ne pouvait pas savoir à l’avance, rien n’était linéaire et surtout pas gravé dans le marbre. Ce n’était qu’une fois au pied du mur que l’on parvenait à évaluer l’échec ou non de son escalade. Parfois, il était plus sage de simplement le contourner. Quoiqu’il en soit, chaque problème avait sa solution.

Chris Wilton était l’image même de la réussite. Issu d’un milieu modeste, il n’avait toujours eu qu’une passion: le tennis. Très vite, mais aussi par un sordide coup du sort, il s’est retrouvé à l’enseigner aux jeunes débutants qui nourrissaient la même passion que lui. Car c’était important, la passion. C’était ce qui distinguait un bon joueur de celui qui ne faisaient ça que pour le fric, en écho aux grands nom du milieu. C’était bien d’être ambitieux, mais il ne fallait pas non plus vivre uniquement pour ça. Il valait mieux avoir un but dans la vie, il était vrai, mais il valait mieux aussi cheminer doucement, gravir les échelons, ne pas avoir les yeux plus gros que le ventre. Chris Wilton en savait quelque chose, et c’était précisément dans ce piège là qu’il était tombé. La réussite, quand on l’avait, on en voulait encore, et peu importait son prix. Il fallait parfois écraser les autres, ceux-là même qui étaient des amis quelques instants plus tôt. Il fallait souvent se débarrasser de ses scrupules, parce qu’en étant bardé de principes et de bons sentiments, on n’y arrivait rarement. Le chemin de la perdition, une fois qu’on avait commencé à l’emprunter, n’autorisait plus vraiment de retour en arrière.

Son dilemme, Chris se l’était créé tout seul. D’un côté, il y avait Chloé, sa douce Chloé, sa femme, le symbole même de son ascension sociale. S’il n’avait pas rencontré son frère dans ce club de tennis huppé de Londres, jamais Chris n’aurait pensé effleuré le grand monde du bout des doigts. Ce monde où on passait son temps à visionner des opéras et à grignoter des petits fours arrosés de champagne. La Haute, comme on disait parfois. Une Haute très élitiste, où il suffisait parfois d’un rien pour s’en retrouver éjecté. Comme un choix, par exemple. Un simple choix. Parce que d’un autre côté, il y avait Nola, différente en tous points de Chloé. Ils étaient une belle paire d’éclopés, ils avaient dû se battre pour réussir. Nola, la malheureuse fiancée déchue, Nola, qui un jour a pris le large et n’a plus jamais regardé en arrière. Nola, pour qui Chris ressentait une vague pointe de rancœur, parce que sa vie n’avait plus été aussi distrayante, aussi mouvementée depuis qu’elle était partie. Parce que même si dans le fond, il avait tout ce qu’il voulait, il manquait une chose essentielle à sa vie: la passion, et ça, il ne l’avait pas avec Chloé. Chloé et son obsession d’avoir un enfant avec lui. Chloé, qui planifiait une quelconque grossesse à outrance, désespérant d’avoir essayé plusieurs méthodes qui s’étaient avérées infructueuses.

Chloé était sa femme. C’était donc logique qu’il ait un enfant avec elle, c’était même dans l’exacte continuité des choses. Chloé désespérait de tomber enfin enceinte. Et Nola…Nola, il n’avait même pas eu besoin d’essayer d’avoir un enfant avec elle pour qu’elle tombe enceinte. C’était arrivé comme ça, sans prévenir, comme un cheveu sur la soupe. Chris se souvenait encore quand elle le lui avait annoncé. Elle lui avait laissé un message sur son répondeur, plus que laconique. Sa voix était mouillée des larmes qu’elle avait versées, et elle l’avait presque supplié de venir. Il se rappelait, de tout, dans les moindres détails. Ces détails qui le broyait dans l’étau de la culpabilité à chaque fois qu’il y pensait. Ne pas y penser était tout bonnement impossible.

-Oui, allô Chris? C’est moi. Nola. Il…Il faut qu’on parle, c’est urgent. Tu sais où me trouver, alors…fais vite. S’il te plaît.

Et elle le lui avait dit. Elle était enceinte. Elle, sa maîtresse, attendant un enfant de lui. Nola ne se contenterait jamais de sa présence uniquement en périphérie. Non, elle voulait un homme qui soit présent dans sa vie et celle de son enfant. Elle n’avait pas clairement explicité qu’elle voulait qu’il élève l’enfant avec elle, mais à ce qu’elle disait, c’était plus que sous-entendu. C’était même évident. Oui mais voilà, il ne pouvait pas, parce qu’il y avait Chloé. Chloé, sa femme, avec qui il aurait dû légitimement fonder une famille, puisque c’était tout de même le but d’un mariage. Chris était lâche, dans un sens. Surtout qu’il n’était pas sûr d’aimer Chloé. Sinon, pourquoi aurait-il fait de Nola sa maîtresse si son seul mariage suffisait? Au fond, ne recherchait-il pas autre chose? Avec Nola, c’était la passion, il avait des sentiments pour elle, bien plus que pour Chloé, en tout cas. Alors, pourquoi ne la choisissait-il pas à la place? Oui, pourquoi?

-Je parlerai à Chloé. Avait-il promis tout en remettant sa chemise, insufflant en Nola un nouvel espoir.

Oui, il avait promis. Il promettait à chaque fois, de toute manière. Il promettait sans jamais tenir ses promesses. Il repoussait sans cesse l’échéance, celle de parler à Chloé. Mais comment lui dire? Il faudrait immanquablement parler de sa liaison avec Nola. Il faudrait lui avouer qu’il l’avait trompée, froidement qui plus est, et pendant aussi longtemps de surcroît. Immanquablement, il blesserait Chloé et c’était probablement la dernière chose qu’il voulait parce que sinon, il pouvait dire adieu à sa réussite. Sa réussite, son ambition. Étaient-elles plus précieuses que la petite vie qui grandissait en Nola? Sûrement. Quelque part, au fond de lui, le choix était déjà tout fait. Il choisirait Chloé. Mais…Comment le dire à Nola, surtout quand elle le pressait de la sorte?

- Ça fait des jours que tu dis que tu vas parler à Chloé! S’était un jour emportée Nola, qui avait recommencé à pleurer. Tu promets tout le temps, et tu ne tiens pas tes promesses! Et je suis quoi, moi, dans tout ça? Je croyais que tu m’aimais.

-Tu ne peux pas me demander de choisir entre Chloé et toi. Lui avait répondu Chris, avec gravité alors qu’il se levait du désordre de couvertures et de draps pour partir à la recherche de son caleçon. Le fait est que cette histoire est allée beaucoup trop loin, Nola. On aurait dû arrêter bien avant que cela dégénère. Il n’y a pas que mon mariage que je mets en péril. Il y a aussi tout ce que je me suis acharné à construire pendant des années. Crois-moi, me mettre la famille de Chloé à dos est bien la dernière chose que je veux.

-C’est toi le menteur! Accusa Nola, alors qu’elle se penchait pour récupérer sa robe. C’est moi que tu voyais tout ce temps, en mentant sciemment à ta femme! Combien d’excuses as-tu dû trouver pour pouvoir me rejoindre, hein? Et Chloé te croit toujours quand tu pars en vadrouille, comme c’est si souvent le cas ces jours-ci?

-Chloé sait très bien que je n’ai pas à me justifier sur mes faits et gestes, elle me fait confiance. Se rengorgea Chris en remettant son pantalon.

-C’est pire que je pensais! S’insurgea la blonde, alors qu’elle rejetait ses cheveux en arrière d’une main nerveuse. Tu sais qu’elle te fait confiance, donc, tu en abuses! Mais pourtant, il va falloir le lui dire, Chris, j’espère que tu le sais! Parce que dans quelques mois, ça va commencer à se voir. Et ça sera d’autant plus problématique que cet enfant pourrait te ressembler! J’espère que tu en as conscience!

Chris n’avait plus écouté. Il n’écoutait jamais quand il se disputait avec Nola, de toute façon. C’était toujours la même rengaine, les mêmes suppliques. Suppliques qui auraient largement pu être évitées si seulement il avait réagi plus tôt. Oui mais voilà, dans quelles mesures pouvait-on éviter le destin? Ne fallait-il pas prendre les devants avant que l’on ne s’enlise complètement? Chris devait agir. Quitter Chloé lui paraissait inconcevable, mais d’un autre côté, il ne pouvait pas abandonner Nola et l’enfant qu’elle portait, c’était contraire à ses valeurs…mais quelles valeurs? N’avaient-elles pas été anéanties par son goût immodéré de la réussite, par son ambition démesurée? S’il avait encore ses valeurs, il n’hésiterait pas une seule seconde: il aurait choisi Nola, puisqu’elle portait son enfant, puisqu’il avait des sentiments pour elle.

Ça ne pouvait pas se finir ainsi. Il n’était rien, rien du tout. Et la famille de Chloé lui avait servi de tremplin, il ne voulait pas sacrifier le fruit de sa réussite. Il y tenait trop. Plus qu’à Nola, soit dit en passant. Pour autant, le prénom de cette femme revenait sans cesse le hanter. Nola, Nola, Nola. Ce prénom rebondissait dans sa tête à l’infini, et le torturait plus qu’il n’était nécessaire. Même le vent s’y mettait, c’était peu dire. Le vent soufflait la mélodie obsédante de son prénom. Nola, Nola, Nola. Il fallait que cela cesse. Dans ces conditions, il ne parvenait plus à afficher un visage impassible devant Chloé, lui mentir était de plus en plus difficile. Pourtant, il ne faisait que ça, mentir, encore et encore. Il était trop égoïste pour partager son amourette avec la jolie américaine, et il était trop égoïste pour renoncer à sa brillante carrière, à ses affaires, à tous les bénéfices qu’il a pu connaître en fréquentant Chloé. Chris était un arriviste, un lâche, un menteur. Il n’était qu’un tennisman raté qui savait saisir la balle au bond. Il devrait s’en rappeler, quelques fois. Cela lui éviterait bien des désagréments.

- À ce soir mon chéri! avait joyeusement lancé Chloé, depuis la cuisine, alors qu’il partait travailler.

Oui…il partait travailler…c’était la version officielle. Parce qu’officieusement, il courait rejoindre Nola, juste avant de passer au bureau. Il passait la voir, ils s’envoyaient en l’air, et il repartait presque aussitôt, parce que Chris Wilton était un homme pressé. Le soir venu, avant de rentrer chez lui, il faisait un détour par le studio de la jolie américaine. Il revenait tous les soirs avec ce parfum capiteux sur sa veste, le parfum de Nola, qui, à force, était presque devenu nauséabond: le simple fait de le sentir, de s’en rappeler chacune des senteurs, des notes le composant le ramenait au devant de sa culpabilité. Et à chaque fois, la sentence tombait, cruelle et empreinte de réalisme: il fallait que cela cesse. Oui, Chris en était convaincu: il avait pris la bonne décision.

Il y avait réfléchi nuit et jour, muselant toujours plus sa conscience pour empêcher la culpabilité d’affleurer à la surface. Rien ne devait le détourner de l’objectif qu’il s’était fixé. Rien. Il devait devenir un monstre le temps de mettre son plan à exécution, et ensuite, il pourra redevenir l’époux tendre et dévoué qu’il semblait être. Il n’aurait plus à mentir à Chloé, il n’aurait plus à mettre sa sacrosainte couverture en péril. Il devait se débarrasser de Nola, toujours plus envahissante. Il fallait vaincre le mal par le mal. Il pouvait vivre avec sa culpabilité. Mais il devait le faire. Pour lui, pour elle, pour Chloé, pour sa famille. Au nom de sa réussite. Il devait le faire. Et il le fit.

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