Titre: Les derniers lambeaux
Auteur: drakys
Fandom: spirou et fantasio
Pairing: spirou/fantasio
Rating: PG-13
Disclaimer: éditions dupuis
Thème: 14. Aussi longtemps que tu es à moi
Notes: avertissement pour une projection (moche) dans le futur et euh... je sais pas... déprime majeure?
Il essaie de l'ignorer pendant qu'il ramasse ses affaires, mais le regard de Spirou est vraiment terrible tellement il est lourd et glacé et il voudrait pouvoir être déjà parti. Il s'attend à des cris, d'autres récriminations encore comme toutes celles qu'il entend depuis trop longtemps déjà, qui ne viennent pas et ça ne fait que le rendre plus nerveux.
Si au moins le rouquin hurlait, peut-être pourrait-il encore se raccrocher à quelque chose, mais dans son silence buté il ne semble plus y avoir quoi que ce soit d'important entre eux… Spirou ne crie jamais, comme enfermé dans il ne sait trop qu'elle toile de problèmes et de haine stérile. Le blond jette ses derniers vêtements dans son sac et le soulève, le jette sur son épaule et l'autre homme lui bloque le passage simplement parce qu'il peut.
Fantasio le regarde et ils restent silencieux à se dévisager. Ce que le blond voit lui fend le cœur: il n'y a plus ce feu dans les yeux de l'autre homme, celui que toutes leurs aventures y mettaient. Il ne voit qu'un homme aigri, ses cheveux auraient besoin d'une bonne coupe et une barbe lui mange le menton comme si prendre soin de lui-même n'était plus qu'une considération terriblement secondaire.
Pourtant il est encore jeune, ils sont encore jeunes et ça ne devrait pas se terminer comme ça. C'est bien pour ça qu'il doit partir, parce qu'il ne peut tout simplement plus vivre pour eux deux, comme il ne peut plus faire semblant que tout va bien quand tout va tellement mal.
S'il n'était pas le seul à avoir fait des efforts...
"Laisse-moi passer", finit-il par demander et Spirou ne bouge par d'un cran, une autre marque de la mauvaise volonté dont il fait preuve si souvent maintenant.
Ça en prend bien plus pour démonter le blond et il le contourne sans un mot, sans une accusation qui ne servirait de toute façon à rien. Il entend l'autre homme se retourner et Spirou parle enfin. Fantasio n'est même pas surpris de percevoir autant d'amertume dans sa voix.
"Quoi? On ne se battra même pas pour la garde de Spip?"
Le blond s'arrête et retient un soupir. Il lui jette un regard et s'appuie au cadre de porte.
"Qu'est-ce que ça changerait?", demande-t-il avec lassitude. "Si tu commences à l'ignorer aussi bien que tu l'as fait avec moi, il viendra bien chez moi tout seul."
Il y a un silence, encore, et le rouquin fronce les sourcils, détourne la tête.
"Je me sentirais si mieux si tu me blâmais en bloc", dit-il lentement, chaque mot sarcastique et cruel, et aussi terriblement faux.
Spirou devrait au moins savoir ça, que Fantasio ne l'a jamais blâmé pour rien. Même dans les pires moments, il ne pouvait pas le blâmer d'en vouloir au reste du monde, ou de lui en vouloir à lui aussi malgré le fait que rien de tout ça n'était sa faute non plus.
- Tu ne te sentirais pas mieux même si tout le monde était dans la même situation que toi", répond Fantasio, las de l'entendre verser sa bile.
Comment un aventurier de la trempe de Spirou pouvait-il être tombé si bas si rapidement? Comment celui qui avait défié la mort un millier de fois, peut-être plus, et gagné à chaque fois pouvait-il être devenu si frileux à l'idée de simplement vivre? Est-ce que c'était de l'ombre de la mort qu'il avait absolument besoin pour vivre, et pas de Fantasio qui avait tellement voulu l'aider?
"Oh, mais je vais me sentir bien mieux quand vous serez partis, toi et ta pitié", siffle Spirou, sa seule marque apparente de colère.
Ces mots, même préparé à les entendre, le blond en est blessé.
"Ce n'est pas moi qui t'aie mis dans cette chaise roulante", dit-il le plus calmement du monde, en pointant néanmoins l'autre homme d'un doigt accusateur. "Comme ce n'est pas moi qui t'aie rendu misérable: tu as fait ça toi-même, Spirou."
Fantasio voudrait presque continuer, mais ça ne servirait à rien. L'autre homme ne pourrait pas comprendre de toute façon. Ce n'est pas lui qui a essayé tant bien que mal de lui faire accepter l'handicap qui ne le rend pas complètement incompétent, ses efforts récompensés invariablement par des répliques acides et frustrées. Ce n'est pas lui qui a essayé tant bien que mal de retisser quelque chose avec les lambeaux épars que l'amertume de Spirou a fait de leur relation.
Fantasio voudrait tellement qu'il comprenne, mais ça ne sauverait plus rien entre eux maintenant. C'est trop tard. Il est fatigué de chaque journée qui passe avec des accusations muettes dans les yeux du rouquin. Le blond est fatigué de tout tolérer, d'être compréhensif et patient quand il ne lui est rien donné en retour, même pas l'ombre d'un peu de reconnaissance. Il est fatigué d'être le seul pour qui Spirou et Fantasio comptent encore.
"Alors, ton quota de B.A. passé, tu te tires?", l'accuse le rouquin en retour et Fantasio mord sa lèvre inférieure, pour se retenir de lui mettre son poing au visage.
Fantasio ne lui répond même pas, il remonte son sac sur son épaule et se détourne, plus parce qu'il a envie de pleurer que parce qu'il est fâché.
"C'est ça", laisse-t-il tomber avant de s'éloigner, incapable de supporter plus longtemps le regard du rouquin. "Continue d'en vouloir au reste du monde de pouvoir marcher, ça va t'aider."
(25 septembre 2006)