Titre : Chantage(s)
Auteur :
Alaiya666Jour/Thème: 2 septembre 2006 - photographie
Fandom : Saint Seiya - UDC!verse
Personnages: Saga, Kanon, Angelo (DM)/Shura (Camus)
Rating: PG
Nombre de mots: # 3400
Disclaimer: Masami Kurumada
Participation au vote de fin de mois : non
Note : UDC!verse - Séquelle - se déroule à l’été 2006, soit deux ans après la fin d’UDC. OS ayant complètement échappé à son auteur qui en est fort marrie et qui ne sait pas bien ce qu’elle va en faire. Non corrigé.
Juin 2006, Sanctuaire, Grèce
La première enveloppe marron était arrivée au courrier du matin, anonyme parmi toutes les autres, entre devis, factures, relances et autres missives diverses d’ordre privé à distribuer aux habitants du Sanctuaire, qu’il se fût agi du plus insignifiant de ses serviteurs, ou du plus puissant d’entre eux, à savoir Saga Antinaïkos dont l’identité était inscrite au feutre noir sur le recto de ladite enveloppe, d’une main que le Pope avait jugé à part lui très sûre d’elle-même.
Il ne l’avait pas ouverte tout de suite, cependant : avant, il convenait de procéder à un premier tri du courrier, tâche qu’il s’était toujours réservé dans le secret de son bureau, en dépit des quelques - rares - personnes de confiance sur lesquelles il se reposait pour les tâches subalternes. Bien sûr, il aurait préféré tout piloter lui-même ; la réalité étant néanmoins ce qu’elle était - une structure chaque année plus lourde et plus complexe à gérer - il s’était bon gré mal gré résolu à déléguer.
Mais pas le premier tri du courrier. Les dieux seuls savaient ce qui pouvait à l’occasion se dissimuler au milieu du tout-venant, sans oublier qu’il était toujours utile de savoir qui recevait du courrier et qui n’en recevait jamais, d’où il était expédié et par qui. Le tri suivant était assuré par l’un de ses secrétaires, qui avait notamment pour tâche d’organiser la distribution dans l’île. Mais à ce stade, Saga en savait déjà tout ce qu’il y avait à en savoir.
Une fois cette dernière tâche expédiée, il s’était installé confortablement derrière son bureau, avec un café et une cigarette - une énième depuis l’aube qui l’avait trouvé déjà debout - et avait ouvert le pli.
Aiolia avait décidément l’air très heureux aux côtés de Jane. Mais cette première pensée, quasi inconsciente, du Pope, n’avait pas tardé à se racornir sous l’effet de la colère : ces photos, d’où sortaient-elles ? Une dizaine de clichés lui avaient glissé des mains pour se répandre sur sa table de travail, patchwork de morceaux de vie volée à l’insu de celui qui en était le point de mire. Ici, Aiolia en train de courir dans Central Park. Là, Aiolia avec son épouse à son bras, sortant d’un restaurant. Aiolia discutant avec les élèves de son école d’arts martiaux. Aiolia faisant ses courses. Aiolia, en train de vivre une existence normale sous un objectif à l’affût et visiblement tenace. Le cœur battant, il les avait passées en revue, encore et encore, jusqu’à en oublier l’heure. Il avait fallu quelques coups toqués à sa porte pour lui faire reprendre pied dans l’instant présent et ravaler tout à la fois colère, ébahissement et incompréhension à l’approche du déjeuner.
Cette première fois, il n’avait rien dit. A personne. Ni à Rachel, ni à Kanon, préférant conserver par devers lui ce qu’il n’était pas en mesure d’expliquer. Nul mot n’accompagnait les photos, ni indice de la provenance de l’enveloppe qui, après examen, s’était révélée aussi peu loquace que de prime abord : postée depuis Athènes, elle ne portait aucune trace de son expéditeur, rien qui aurait pu permettre de savoir qui, comment et surtout pourquoi.
Par ailleurs, s’il avait été révolté par cette intrusion manifeste dans la vie privée de l’un de ses pairs et inquiété par le message sous-jacent à la démarche -« nous vous surveillons », qui qu’eût pu être ce “nous” dont les identités possibles foisonnaient en ces temps troublés - le Pope avait dû se résoudre à l’idée que rien, dans ces tirages, ne recelait pas de danger… à court terme, disons. Quand bien même cette surveillance impliquait qu’“on” savait où trouver les chevaliers d’or et qu’“on” était par conséquent en mesure de s’attaquer à eux, Aiolia était tout à fait en mesure de s’en débrouiller seul, Saga n’avait pas l’ombre d’un doute à ce sujet. L’espace de quelques instants, il s’était posé la question, avant de la chasser aussi sec. Il valait mieux se taire. D’abord parce que les réactions des uns et des autres n’étaient pas toutes prévisibles et un problème à gérer à la fois, ça suffisait, merci bien. Ensuite - et surtout - le “message” demeurait pour le moins parcellaire. Des compléments étaient à prévoir, des compléments qui, peut-être, permettraient de remonter à la source de ce petit jeu, pour l’heure malsain, mais qui pourrait bien devenir dangereux si le Sanctuaire - donc lui, le Pope - n’y mettait pas un terme. Et à cet effet, Saga avait besoin de temps et donc que le “on” en question n’eût pas de raison de cesser de jouer avec le feu. Certes, l’expéditeur anonyme venait d’user du briquet ; il ne serait néanmoins pas dit que le Sanctuaire verserait l’essence. Pas tout de suite en tout cas.
De fait, les autres enveloppes n’étaient pas arrivées tout de suite, sans que Saga s’en formalisât outre mesure. “On” attendait de juger de la réaction du Sanctuaire. Réaction nulle et non avenue en l’occurrence si bien que s’était effectivement produit ce sur quoi le Pope avait compté : une gradation dans la provocation.
Après le Lion, le Cancer et le Capricorne avaient fait - et faisaient encore, sans aucun doute - l’objet d’une surveillance plus rapprochée encore que celle dont Aiolia avait écopée. L’essentiel des clichés avait capturé des instants qui auraient dû demeurer exclusivement privés et posait, de fait, question : comment celui qui se trouvait derrière l’appareil photo s’y était-il pris ? Saga avait tout de suite reconnu l’appartement derrière les deux hommes saisis en pleine intimité, pour s’y être déjà rendu à plusieurs reprises lors de ses déplacements en Espagne afin de s’entretenir avec la rédaction de l’un des seuls journaux d’importance nationale à avoir pris le parti du Sanctuaire au moment de la première publication des extraits du journal de Corman. De toute évidence, bien que prises au téléobjectif et rendues granuleuses par une sensibilité élevée, les prises de vue avaient pu être effectuées depuis un endroit pourvoyeur d’une vue plongeante sur l’appartement des deux hommes. De son souvenir des lieux, Saga ne se rappelait pas qu’il y eut un vis-à-vis marqué ; l’immeuble le plus proche se situait de l’autre côté de la place, soit à deux bonnes centaines de mètres de là, si ce n’était pas trois. Alors comment ?
Cette fois, Saga avait hésité, assez longtemps pour que, plus que la raison, le souci de préserver ce qui pouvait encore l’être de la vie privée de ses deux alter ego l’incitât à les informer du problème, à l’occasion de l’un de leurs séjours au Sanctuaire. Sans surprise, Angelo avait vociféré ; Shura, pour sa part, s’était drapé dans l’une des fureurs froides et maîtrisées que le Pope redoutait plus encore que les accès colériques du Cancer. Néanmoins, l’Espagnol avait su rapidement faire fi des aboutissants - bien que Saga le soupçonnât de rajouter mentalement l’offense à sa note personnelle de tout ce qu’il escomptait faire payer à tout ceux qui avaient décidé de leur pourrir la vie - pour se recentrer sur les tenants :
« Ok, on est en train de s’envoyer en l’air. Et alors ?
- Shura, tu… ! » Angelo s’en était presque étouffé d’indignation mais la main autoritaire de son compagnon, paume sèchement dressée face à lui, l’avait fait taire pour un temps.
« C’est illégal ? Non, que je sache. Alors ils peuvent bien en faire ce qu’ils veulent, de ces photos, pour ce qu’on en a à foutre.
- Même si elles devaient se retrouver dans la presse ? » Avait argué Saga, sans masquer ses doutes.
- Même.
-Et si, moi, je ne suis pas d’accord ?
- Pourquoi ? Tu n’assumes pas ?
- Hé… C’est pas moi, l’ennemi. »
A son tour, l’Italien avait levé les mains, dans une volonté d’apaisement qui avait vu Shura s’excuser dans la seconde et rajouter :
« Ca n’arrivera pas de toute manière, rassure-toi. »
Angelo n’avait pas eu l’air spécialement convaincu, et l’Antinaïkos, s’il n’en avait rien montré, ne l’avait pas été beaucoup plus que lui. Néanmoins, il n’était pas allé contre l’avis du Capricorne qu’il soupçonnait d’avoir cherché à tranquilliser, et son ami et amant, et lui-même au passage. Non, ils n’avaient rien fait de mal et leur intégrité était assez solide pour ne pas s’embarrasser d’opinions dont ils estimaient qu’elles ne le concernaient pas ; mais le malaise était là.
Les jours avaient passé, puis les semaines, sans autre pli suspect ni alerte d’aucune sorte, que ce fût dans la presse institutionnelle ou par la voix de médias indépendants sur le réseau internet. La menace sous-jacente à ces envois anonymes n’avait pas été mise à exécution. Par acquis de conscience plus que par mesure de précaution, Shura et Angelo avaient quitté l’Espagne pour se réfugier là où Saga lui-même n’était pas sûr d’être en mesure de les retrouver et aucun nouveau cliché n’était venu alimenter le dossier que Le Pope s’était résolu à ouvrir aux côtés de tous ceux qu’il renseignait depuis des mois avec non sans ce qui commençait à ressembler à un certain fatalisme.
Jusqu’à ce matin-là.
« Ca ne va pas ? »
Kanon se tenait dans l’embrasure de la porte de son bureau, à l’évidence stoppé net dans son élan par ce qu’il lisait sur le visage de son jumeau et dont ce dernier savait qu’il n’avait nul besoin de partir en quête d’un miroir pour en imaginer le tableau peu réjouissant.
Devant l’absence de réponse du Pope, le cadet s’était avancé de quelques pas et d’un hochement de tête, désigna les documents que son jumeau tenait entre ses doigts aux jointures blanchies :
« Qu’est-ce que c’est ? »
Un instant Saga ouvrit la bouche… mais pour dire quoi ? Apposer des mots sur ce qu’il redoutait et ne pouvait s’empêcher de regarder tout à la fois reviendrait à tenter de décrire ce qui ne devait pas l’être pour la simple et bonne raison que cela n’aurait pas dû exister. Ou tout du moins, qu’il se serait volontiers passé d’avoir à s’y résoudre. Ce que, décidément, il ne réussirait pas à faire.
Alors, sans un mot, il tendit à son frère les clichés dont l’angoisse, l’inquiétude et la consternation mêlées avaient froissé les bords .
« Bordel de… »
Le glissement du papier glacé, tandis que Kanon passait et repassait en revue les photographies, était une pierre à aiguiser le long des nerfs du Pope dont le corps tout entier frémit lorsqu’il prit une profonde inspiration et se renfonça dans son siège, les yeux fermés et les narines pincées.
« C’est quoi ce délire ?
- Camus. »
Comme si ce simple prénom suffisait à tout expliquer. Or, le pire était de constater que c’était effectivement le cas : le cadet des jumeaux avait relevé les yeux et secouait lentement la tête, ainsi que son frère l’avait fait quelques instants plus tôt avant qu’il ne le rejoignît.
« Mais enfin, comment…
- Le gars chez qui il vit depuis bien trois mois si ce n’est plus. Du moins je suppose.
- Parce que tu sais où il est ? »
Saga jeta un coup d’œil pénétrant à son frère qui lâcha un rire sec, non dépourvu cependant d’une pointe d’amusement :
« J’aurais dû m’en douter.
- Je n’ai pas à me mêler de la façon dont il décide de mener son existence.
- En l’occurrence, tu aurais peut-être dû.
- Encore aurait-il fallu que j’en vienne à imaginer un truc pareil. »
Contrairement aux envois précédents, ces clichés-là n’avaient pas été volés. Ou du moins pas au sens où d’aucuns pouvaient l’entendre habituellement. Celui ou celle qui les avait saisis s’était trouvé avec Camus, en sa compagnie, et peu importait qu’elle fut passive. Ce qui, de toute évidence, apparaissait comme étant le cas. Le chevalier du Verseau donnait l’impression de n’avoir nulle conscience de l’objectif braqué sur lui alors que, le visage amaigri et les cheveux mal attachés, il se tenait penché, le nez à ras de la poudre blanche déversée sur un miroir tendu vers lui par une main obligeante dont le propriétaire se tenait hors cadre. De la même manière, il semblait totalement ignorer qu’il était pris en photo alors que, gisant sur un lit en désordre, nu et l’intérieur de son bras marbré de bleu, il se faisait baiser, là encore par un homme impossible à identifier. A moins qu’il n’en eût absolument rien à foutre.
Cette idée, Kanon lut sur les traits de son frère qu’elle n’avait pas traversé que son seul esprit et ils s’entre-regardèrent, l’air sombre.
« Je n’arrive pas à croire qu’il ait accepté ça.
- Moi non plus. » Récupérant les photos, Saga les parcourut une dernière fois avant de les rassembler et de les poser sur bureau, face retournée. « Que ça n’aille pas fort dans sa tête, d’accord, je veux bien l’admettre. Mais à ce point-là ? Non.
- Ca me coûte de le dire mais avec ce qu’il a l’air de “consommer”, tu ne crois pas que son jugement pourrait être altéré ?
- Pas au point de mettre ses pairs en danger. »
Le ton du Pope était sans appel et Kanon réalisa qu’au fond, il partageait son analyse en dépit de tous les arguments militant en faveur du contraire exposés dans les photographies et auxquels il aurait préféré ne jamais être confronté.
« Cette fois, on va vraiment avoir un problème.
- Cette fois ? Saga, tu-
- Ils sont suivis, l’interrompit froidement son aîné. Ceux qui sont actuellement hors du Sanctuaire. Jusqu’ici, toutes les photos qu’on m’a transmises tenaient lieu d’avertissement et n’avaient, a priori, pas vocation à être diffusées. Mais dans le cas présent… »
Dans le cas présent, Dimitri - si tant est que ce soit lui qui soit derrière tout ça - tient une occasion en or de tous nous faire plonger.
Kanon s’était laissé tomber dans le fauteuil près de la fenêtre et prit le temps de contempler le Sanctuaire en contrebas, calme à cette heure du déjeuner, avant de pivoter vers son jumeau :
« Tu n’as rien fait. » Ce n’était pas une question.
« Je ne sais pas qui tire les ficelles. Et même si je le savais, agir aurait risqué de précipiter les choses. Nous n’étions pas prêts. D’ailleurs, nous ne le sommes toujours pas et…
- Ce n’est pas de ça dont je te parle. »
L’image de Camus flotta un instant entre eux et Saga ne put s’empêcher de hausser les sourcils :
« Je te l’ai dit : ses choix de vie ne me regardent pas.
- Sauf qu’en l’occurrence, il nous met en danger, même si c’est malgré lui. Sans oublier qu’étant donné que ça, là - Kanon eut un geste vague en direction du bureau de son frère - va nous péter à la gueule incessamment sous peu si j’en crois, et ta tronche d’enterrement et tes paroles pour le moins décourageantes, tu peux être sûr qu’il n’y a pas que ton manque d’anticipation qui va t’être reproché.
- C’est ce que tu penses ?
- En tout cas, c’est ce que d’autres vont penser, et crois-moi : Milo ne sera pas le dernier d’entre eux. »
Saga ne put réprimer un soupir d’agacement sous le regard circonspect de son cadet et, ouvrant les mains comme pour se saisir des mots qui se bousculaient pour le fuir, il marqua un temps d’arrêt, puis :
« Très honnêtement, j’ai en ce moment d’autres choses à penser que les problèmes de cul de ces deux-là. Camus finira bien par rentrer et s’il ne le fait pas, Milo ira le récupérer. Jusqu’à la prochaine fois.
- Camus est parti depuis le début de l’année. Ce n’est pas qu’un simple “problème de cul”, et tu le sais aussi bien que moi.
- Et quand bien même ? Je ne suis pas sa mère, bon sang ! Et puis d’abord, depuis quand tu t’inquiètes à son sujet ?
- Depuis que tu t’inquiètes, toi, pour lui. »
Il ne l’avait pas fait suivre, non, mais les correspondants du Sanctuaire en France s’étaient acquittés de leur mission, une parmi tant d’autres, en informant Saga de la présence du Verseau à Paris et de son lieu de résidence. Il n’avait pas fallu longtemps au Pope pour en identifier l’occupant, dont ni le nom ni le prénom ne lui disaient quoi ce que fût qui aurait pu l’inquiéter plus que de raison. C’était en définitive la volonté manifeste de Camus de ne pas revenir au Sanctuaire, et donc de donner corps à une espèce de séparation d’avec le Scorpion à laquelle bien peu avaient voulu ajouter foi, qui l’avait turlupiné plus que de raison. Parce que le Scorpion, il le côtoyait tous les jours et clairement, il ne goûtait guère le silence dans lequel son… quoi : ami, amant, ex-futur ou futur-ex ? Bref, celui qu’il aimait malgré tout le laissait depuis de nombreuses semaines. Et un Milo déprimé avait le don de plomber encore un peu plus une ambiance qui n’était déjà plus au beau fixe depuis trop longtemps et que le Pope avait chaque jour un peu plus de mal à gérer, en sus de ce qui contribuait à la dégrader.
Mais quand bien même Saga s’était surpris plus d’une fois à reprocher in petto sa fuite à Camus- puisque c’était bien de cela qu’il s’agissait, rien de plus, mais rien de moins - il n’avait pas souhaité intervenir. Pour les raisons déjà avancées devant Kanon. Mais aussi parce que l’aperçu de ce dont avait déjà été capable le Verseau en terme d’auto flagellation par le passé, et dont chacun avait pu être le témoin involontaire trois ans plus tôt, ne lui avait pas spécialement donné envie d’investiguer le sujet plus avant. De la lâcheté ? Oui, sûrement. Mais une lâcheté dûment nourrie par sa certitude de ne pas être le mieux placé pour intervenir dans pareille situation. Qu’aurait-il pu dire ou faire face à une attitude qui le dépassait en toutes choses et qu’il admettait être incapable de comprendre ? Il savait que l’exercice de l’autorité pourtant légitime qu’il avait sur le Français, n’était pas une solution. Or, il n’avait pas d’autres armes qui lui fussent assez familières à sa disposition. Quant à prévenir Milo, mauvaise idée : aussi déprimé fût-il, le Grec était suffisamment remonté contre son ancien compagnon pour refuser ne serait-ce que d’entendre prononcer son prénom.
« Sors-le de là, poursuivit Kanon au bout d’un silence tout aussi songeur que celui de son jumeau. On n’a pas les moyens en ce moment d’avoir en plus des emmerdes en interne.
- Il va me détester.
- Avant de te remercier. Même s’il ne te le dira pas. »
Saga marmonna une réponse assez peu intelligible pour que sa traduction selon Kanon oscillât entre un « oui, peut-être que tu as raison » peu convaincu et un « tu fais chier, tu sais ça ? » bien senti si bien que son cadet considérât nécessaire d’enfoncer le clou encore un peu plus :
« Et puis, franchement au point où on en est…
- Oui, enfin, ce ne sont encore que des hypothèses de ma part : que je sache, pour le moment rien n’est encore sorti et j’espère bien être mis au courant assez tôt pour… »
La vibration de son portable sur sa table de travail l’interrompit. Shura. Contemplant fixement l’écran sur lequel le prénom du Capricorne scintillait sous le signal d’appel, le Pope se trouva stupide. Il devait répondre. Tout en sachant par avance qu’il n’avait pas du tout envie d’entendre ce que l’Espagnol allait lui dire.
« Oui ?
- Camus. Ils ne l’ont pas loupé.
- Tu peux faire quelque chose ?
- Ca va être compliqué.
- Essaie. »
Le Capricorne avait déjà raccroché quand l’aîné des jumeaux reposa lentement l’appareil. L’ordinateur, allumé à côté de lui, écopa d’un regard hésitant de sa part avant qu’il ne s’en détournât. Plus tard.
« Kanon ? Appelle Aiolia. Qu’il prenne le premier avion, je veux le voir d’ici demain matin. »
Son frère hocha la tête sans répondre et la porte qu’il referma pourtant avec soin derrière lui en sortant du bureau parut néanmoins claquer dans le silence avec assez de violence pour tirer un frémissement au Pope.
Au point où on en est… Saga ne réussit pas tout à fait à ravaler un rire. Désespéré.