Titre : Ce qu’il faut faire
Auteur : Alaiya666
Jour/Thème: 10 septembre - tout ce qui brille
Fandom : Saint Seiya
Personnages: Jabu, Saori
Rating: G
Nombre de mots: # 1200
Disclaimer: Masami Kurumada
Participation au vote de fin de mois : non
Note : Séquelle. Ne tient pas compte du Tenkai. Pas franchement relu.
Des mois qu’il n’avait pas remis les pieds au manoir et aussi surprenant celui pût-il paraître, il avait eu, en poussant les larges portes du vestibule, l’impression de rentrer chez soi. Il était resté là, sur le seuil, les yeux levés vers les moulures délicates, les immenses portraits familiaux accrochés aux murs revêtus d’une tapisserie ancienne, l’escalier majestueux rehaussé de son éternel tapis écarlate. Un décor aussi incongru que familier, au sein duquel il n’avait passé que quelques années mais qui pourtant demeurait encore à ce jour le seul qu’il eût jamais vraiment connu et, malgré tout, apprécié.
Tatsumi avait salué le chevalier de la Licorne sans effusion, mais avec un sourire qui en disait long sur le respect que le jeune Japonais avait gagné auprès du vieux domestique acariâtre, et une invitation à choisir l’une des chambres spacieuses du dernier étage afin de s’y installer durablement.
Et à présent qu’il se tenait aux côtés de Saori Kido - Athéna avait pour l’heure déserté l’âme de son hôte, la rendant à ses devoirs d’héritière et à ses préoccupations de jeune humaine - sur la vaste terrasse de la demeure surplombant le vaste jardin à la française méticuleusement entretenu par une armée de jardiniers à la solde de Tatsumi, la certitude d’être exactement là où il devait être depuis toujours ne le lâchait pas.
« Je n’étais pas sûre que tu souhaites revenir au Japon. »
Ses deux mains blanches et fines posées sur la balustrade en marbre, la jeune femme regardait Jabu d’un air interrogateur :
« Tu aurais pu rester au Sanctuaire, tu sais.
- Je n’y ai pas d’utilité, répondit-il aimablement. Tandis qu’ici, avec la réouverture du centre, il y a beaucoup de choses à organiser. Ce sera peut-être aussi plus facile pour les enfants que nous accueilleront de pouvoir échanger avec quelqu’un qui a déjà vécu dans cet endroit.
- C’est vrai que Tatsumi aura bien besoin d’aide de ce point de vue.
- En effet. »
Un petit rire leur échappa comme le passé les rattrapait et le sourire de Saori s’effaça aussi vite qu’il avait surgi :
« Tu n’y as pourtant pas que des bons souvenirs, dit-elle après une hésitation. Je n’ai pas été très gentille avec toi à l’époque et tu as le droit de m’en faire le reproche.
- De quoi parlez-vous ? Oh… de ça ! - il se mit à rire devant l’air quelque peu embarrassé de son interlocutrice - je n’y pensais plus.
- Menteur. Moi je n’ai pas oublié.
- Et donc je ne dois pas oublier, moi non plus ? Répliqua-t-il non sans malice.
- Ce n’est pas… » Elle avait rougi et Jabu reprit plus sérieusement :
« En toute honnêteté, oui, il m’arrive d’y songer et ce n’est effectivement pas un souvenir très agréable, je vous le concède. Vous saviez être une vraie peste quand vous vous y mettiez. »
Saori ne pouvait pas devenir plus écarlate qu’elle ne l’était déjà aussi prit-elle la situation avec philosophie. Après tout, c’était elle qui avait abordé ce sujet qui la tracassait depuis des mois, depuis, plus exactement, qu’elle avait pris conscience de l’affreuse petite bonne femme qu’elle avait été, et qu’Athéna prenait un malin plaisir à lui agiter sous le nez les réminiscences de ses méfaits d’alors. Elle s’en était déjà ouverte auprès de Seiya et de ses camarades qui avaient balayé sa contrition à grand renfort d’éclats de rire. Cependant, ce n’était pas eux qu’elle avait fait souffrir le plus.
Prenant une profonde inspiration, elle demanda :
« Mais pourquoi acceptais-tu de le faire ? Tu étais le seul, les autres…
- Seiya, vous voulez dire. A part moi, c’était à lui que vous vous en preniez, et lui vous disait toujours non, en effet.
- Mais pas toi.
- Non, c’est vrai. »
Enfonçant ses mains au fond de ses poches sans pour autant quitter des yeux le parc en contrebas, Jabu soupira :
« J’étais un peu amoureux de vous, alors… »
Il haussa les épaules, avant de rajouter, dans un sourire gêné :
« Mais ce n’était qu’un sentiment de petit garçon : je ne vous aime plus. Enfin, je veux dire, si, bien sûr, vous êtes ma déesse. Mais pas ma déesse au sens où… Ah ! »
La tête rentrée entre les épaules, le Japonais se détourna, souhaitant tout à coup être à cent lieux de cette demeure, de cette terrasse et de la jeune femme dont il n’avait aucun mal à deviner l’hilarité contenue. Il était néanmoins content de la voir et de pouvoir ainsi échanger avec elle loin du Sanctuaire et de leurs obligations respectives, et appréciait en outre sa démarche. Contrairement à ce qu’il avait affirmé tantôt, oui, il pensait un peu trop souvent à cet épisode déplorable qu’il se serait volontiers passé d’avoir vécu et découvrir aujourd’hui que sa tortionnaire de l’époque n’en avait rien oublié non plus le réconfortait plus qu’il ne l’aurait envisagé.
« Je sais, finit-elle par répondre sur un ton apaisant. Il n’y pas de mal. Mais était-ce vraiment la seule raison ? »
La voix de Tatsumi retentit dans le silence, comme il houspillait le chauffeur du manoir. La voiture de mademoiselle Kido était dans un état proprement inqualifiable et s’il ne voulait pas se voir licencié sur le champ, son conducteur avait tout intérêt à la nettoyer. Oui, encore. Même s’il s’était acquitté de cette tâche pas plus tard que la veille. Et inutile de discuter.
« Vous étiez toujours si jolie. Si propre. Si parfaite. Et tous ces gens qui étaient à vos ordres… Même votre grand-père cédait à tous vos caprices. Rien ne semblait être trop difficile, trop beau ou trop cher pour vous. »
L’embarras initial de la Licorne avait laissé place à une attitude plus mesurée, et l’espace d’un instant, Saori se demanda s’il était toujours conscient de sa présence à côté de lui. Il ne la regardait pas, et son regard toujours fixé sur les jardins ne semblait cependant plus les voir.
« Moi, comme tous les autres, je sortais d’un orphelinat et on m’avait promis que ma vie serait meilleure ici. Et tout ça - il releva la tête - c’était plus que tout ce que j’avais connu ou que tout ce que j’avais pu imaginer dans mes rêves de gosse. Alors, je me suis dit que je devais tout faire pour ne pas laisser passer ma chance. Que si j’étais sage, et si je faisais tout ce qu’on me disait, alors peut-être que je pourrais rester ici toute ma vie. Et ne plus craindre de retourner en orphelinat. Plus jamais.
- Je suis vraiment désolée.
- Ce n’est pas de votre faute. Vous n’étiez qu’une enfant, et moi aussi. »
Il s’était tournée vers elle et la jeune femme lut toute sa franchise dans ses traits apaisés.
« J’ai dû partir, m’entraîner, et je suis devenu chevalier. Votre chevalier, comme des dizaines d’autres. Et aujourd’hui, je suis de retour ici. Je ne regrette rien, vous savez. Ne vous en faites pas pour ça.
- Jabu… »
Elle s’avança et prit ses mains, calleuses et durcies par l’entraînement et les combats. Autrefois elle avait fait ce geste pour l’obliger à s’humilier devant une petite fille riche ; aujourd’hui, Jabu mettait de nouveau un genou à terre, mais devant une déesse cette fois. Vraiment ? Le cœur battant, elle avait baissé les yeux et croisa son regard levé vers elle. Elle, Saori Kido.
« J’ai toujours été, et je serai toujours heureux d’être auprès de vous. N’en doutez jamais. »