Titre : Un lieu de misère Auteur : Oiseau Vermillon Jour/Thème : 13 juin/Village natal Fandom : Saint Seiya/Un mince espoir Personnages : Armando, Shunrei Rating : PG Disclaimer : L’univers et les personnages Saint Seiya sont copyright Masami Kurumada/Shueisha, Toei Animation Co. Ltd and Shonen Jump. Nombre de mots : 752 Notes de l’auteur : Ce texte s’inscrit dans la continuité de ma fanfic Un mince espoir. Autre précision, ça spoile pas mal (référence à la troisième ou quatrième partie), ce n’est qu’une séquelle hypothétique et qui, de toute façon, n’aura jamais lieu si je conserve le cap que je me suis fixé. C’était juste pour l’exercice ! Participation au vote de fin de mois : Non
Armando renifla bruyamment, à son grand étonnement, le flot d’émotions qui, pensait-il, l’aurait emporté à la simple vue de ce lieu qu’il n’avait pas foulé depuis des années, était désespérément absent. A la place, il n’y avait qu’un vide béant au creux de sa poitrine, dans laquelle il ne sentait qu’à peine les battements de son cœur tandis que ses yeux, dans le vague, arpentaient le sentier de terre menant jusqu’à l’entrée du village.
Le Sicilien sentit les doigts menus de la Chinoise s’emparer de sa main rugueuse, soucieuse, comme toujours du bon équilibre de sa conscience. Sa pince s’abandonna tout à fait à l’étreinte, devint molle et malléable.
Sans mot dire, le Cancer se remit en route, la jeune femme sur ses talons. Son pied manqua de glisser sur une des pierres du chemin, renvoyant une salve douloureuse au bas de ses reins, soulevant cette poussière qui, comme la misère de ces lieux abandonnés, les suivait comme un chien affamé.
Première des maisons de briques et de chaux du village, un mur aveugle se dressa devant eux, la demeure du vieux Vigilio, tanneur du village dont l’épouse n’avait pour lui que des sourires d’aussi loin que remontaient ses souvenirs.
La surface de la colline s’aplanit quelque peu, laissant place à un long plateau de terre volatile et de cailloux qui facilita leur marche. Bâti sur le mauvais versant le village, comme par un coup du sort, recevait le plus infime des caprices du vent que la proximité avec la mer rendaient fréquents. Armando se rappela, comme il se trouvait au centre du plateau, combien il avait détesté cet endroit et avec quelle ferveur il continuait de le détester.
Un souffle derrière lui l’interpella, suivi d’un toussotement qui se voulait discret, mais que l’air âcre régnant en cet endroit désolé ne pouvait qu’amplifier. Avant qu’il n’ait pu esquisser le moindre geste, Shunrei sortit une bouteille d’eau de son sac à dos, irriguant les sillons de sa gorge asséchée. Après quoi son regard se concentra sur les quelques détails qu’elle pouvait glaner çà et là, avant que son attention se reportât sur le Cancer, une interrogation muette se reposant au fond de ses iris charbon.
D’un geste lent et mécanique, presque contrarié, le bras d’Armando s’anima, se leva, passa à travers les toitures à demi écroulées et les murs effondrés par endroits, entre les planchers des porches rongés par les vers et le temps et les éclats de vases et de jarres en terre cuite. Son doigt s’arrêta sur une masure quelque peu excentrée, aux dimensions modestes comme conforme aux autres habitations et dont les volets, à moitiés arrachés, continuaient de pendouiller et de s’agiter au gré des vents.
Shunrei opina lentement du chef avant de s’enquérir des dispositions de celui dont elle avait tenu à partager le périple et une partie du fardeau écrasant ses épaules depuis maintenant fort longtemps. Armando rétorqua un « oui. » éraillé, presque inaudible tant les mots semblaient s’extraire avec difficulté de sa gorge et que, sitôt échappés, ceux-ci se voyaient cruellement emportés par les vents sifflant de toute part.
La Chinoise se rapprocha de nouveau du Cancer sans toutefois risquer de le brusquer en étant trop près. Le Sicilien baissa les yeux sur elle, l’outremer de son regard était troublé comme une mer lasse. Comme du fond de sa conscience écartelée, Armando décela une autre question brûler les lèvres de Shunrei, que cette dernière, cependant, ne se permettrait jamais de formuler tant elle connaissait à présent mieux que personne les blessures que le Cancer n’avait jamais montré à quiconque sinon à elle. Il fallait bien, pourtant, qu’à la fin, ce poids qu’il portait depuis bien trop d’années se voit soulagé. Prendre un nouveau départ lui était désormais impossible, il était trop vieux pour cela, pensait-il. Toutefois, quelque chose malgré lui le poussait à se livrer toujours plus à cette jeune femme qui ne l’aimerait jamais comme elle aimait le Dragon qu’elle avait laissé derrière lui pour lors, mais qui savait suffisamment de choses sur l’amour pour se permettre d’être là, pour lui, à l’écoute.
« Tous morts, articula Armando, il y a des années de cela, en même temps qu’elle. »
Son regard dénué de la moindre trace d’horreur ou de jugement, Shunrei esquissa un léger sourire à l’attention du Cancer. Ce n’était pas un encouragement, ni même un pardon, mais une expression ballottée entre la tristesse et le contentement, née de ce qu’elle se voyait en mesure de comprendre Armando.