Titre = ??
Auteur = Aélane
Jour/Thème = 24 février/course
Fandom = Supernatural
Disclaimer : la série est issue de l'imagination tordue de E. Kripke et de tous ceux qu'il a réussi à regrouper autour de lui pour la mettre sur pied (diffusion US : CW ; diffusion française : M6), je ne prétends à rien sauf à passer un bon moment à faire autre chose que compter désespéremment les moutons.
Personnage(s) = POV d'un OMC
Rating = PG
Participation au vote de fin de mois = non
Ils couraient tous. Mais ses rares nuits sur Terre n’en étaient pas monotones pour autant. Certains finissaient par trébucher et restaient au sol, hagards, inertes. Il y en avait qui gardaient toutefois le réflexe de se pelotonner, comme si ainsi on n’allait pas les voir ou, plutôt, comme si eux ne verraient pas ainsi la fin, leur fin, ce qui n’était pas plus idiot qu’autre chose. D’autres promettaient monts et merveilles, suppliaient, hurlaient aux cieux, sans croire jusqu’au bout qu’ils n’étaient ni compris ni écoutés. Il y en avait qui se cabraient au dernier moment, griffaient, hurlaient. Quelques-uns, plus nombreux que l’on n’aurait pu l’imaginer, se retournaient, courraient dans l’autre sens, sortaient un couteau ou un pistolet, voire une croix, une Bible, de la poussière de cimetière, du sel, du fer, prêts à lutter jusqu’à leur dernier souffle.
Ils couraient tous. Mais ce n’était pas si aisé de deviner à l’avance qui allait faire quoi, ce qui rendait ses nuits passionnantes. Parfois l’athlète qui avait tenu tant de kilomètres s’affalait d’un seul coup à ses pieds comme une marionnette dont on aurait coupé les fils, et c’était le poupin aux joues enflammées qui le menaçait du Colt de son grand-père. La fille en robe de soirée, en robe rouge écarlate, promettait père mère frères sœurs mari, et c’était la vieille blottie dans un coin de sa cuisine qui refusait d’émettre un seul son. Parfois, il réussissait même à les obliger à passer tout au long de leur course par tous les différents états qu’il connaissait si bien, rien n’était plus grisant.
Celui qui se tenait devant lui était une de ces proie rares, une proie bénie. Il avait commencé par hurler de terreur, hurler trois fois comme un loup aux abois avant de s’enfuir. Le souffle mesuré, la foulée ample, il avait tenu longtemps, en tournant en rond, ce qui l’avait amusé sans fin. Il y en avait toujours pour espérer le distancer ou le perdre. Il adorait ceux-là. Celui-ci ne s’était cependant pas effondré en voyant sa tactique échouer. Il avait alors fait violemment volte-face, réussi à tuer deux de ses molosses, avant de commencer à l’invectiver, puis de promettre de mettre fin à ses tourments ou autres bêtises. Il aimait bien sa voix. Peut-être qu’il arriverait à le faire supplier avant de lâcher la curée. Il ne se souvenait plus quand il avait déjà eu une course aussi intéressante. Il en avait sûrement eu une et même plusieurs, à la longue, tout se mélangeait quelque peu. Il voulait se rappeler un peu ce jeune homme-ci, grand, bien bâti, avec des gestes d’une rage contenue, des yeux de chiots battus et les lèvres retroussées de haine. Il caressa un instant l’idée de garder celui-là, même si s’il ne pouvait ajouter d’autres membres à sa meute. Sa meute et lui étaient nés au même moment. Ils étaient un, d’un seul tenant. Peut-être aurait-il conservé une dent ou l’os du petit doigt dont la blancheur luirait quelque temps dans les ténèbres de ses demeures, s’il n’existait pas que pour courser ses proies. Il n’en aimait que davantage ce parfum d’incertitude qui flottait autour des humains. Lui seul n’avait pas de choix, il savait toujours ce qu’il allait faire : pourchasser ses proies jusqu’à ce que mort s’ensuive. Lui seul ne courait pas.
Sa proie se laissa tomber soudain à terre. Tout finissait toujours si vite. Il regrettait déjà le vent de la course, il regrettait déjà l’ardeur dans ses veines où nul sang n’avait jamais couru, il regrettait déjà la terre et la nuit. Mais l’humain se mit à rire. Aucun n’avait jamais ri. C’était vraiment rare. Il ordonna à sa meute de reculer. Il laissa sa proie se calmer et écouta le jeune homme quand il finit par retrouver assez de souffle pour lui promettre à quel point il regretterait bientôt de ne pas pouvoir courir lui-même. Á nouveau des menaces ? L’humain se répétait. Quel dommage. Il en frémit de déception. Non. C’était étrange. Il ne connaissait pas ce genre de choses. La déception. Des mains qui tremblaient soudain, qui attrapaient convulsément les rênes de son destrier. De pareilles choses étaient pour les humains ! Ses chiens hurlèrent. Ses chiens se tournèrent tous d’un même mouvement vers lui. Ses chiens le regardèrent. Pourquoi sa meute ne fixait-elle plus l’humain de ses yeux avides ? Pourquoi l’ignorait-elle ? Pourquoi le fixait-elle, lui ? Elle était sienne ! Ils étaient un ! Il hurla d’une voix qu’il n’avait plus utilisée depuis des siècles. Il ordonna. Il tempêta. Il promit proie, chasse, sucreries, jouets, monts et merveilles, aux monstres qui se rapprochaient peu à peu de lui.
Alors que, pétrifié, il tombait au sol, il aperçut du coin de l’œil un autre chasseur sortir de l’ombre des arbres pour se précipiter un livre à la main vers sa si rare proie. SON livre ! Cet écervelé avait-il décidé de le remplacer ? Ce vaurien qui étreignait une proie allait-il prendre sa place ? Non, ce n’était pas possible ! Ce n’était pas… Il fallait des… des choses… sacrifices, os, torture, une magie noire de la pire espèce et… Ce ne fut que lorsqu’il se recroquevilla à terre qu’il se rappela combien il avait été humain autrefois et quel choix avait été le sien de ne plus l’être. Ce ne fut que lorsque les crocs de ses chiens se refermèrent autour de lui qu’il se souvint comment courir, il était trop tard.