19 mai - Sors de là ! - Original (+ amour malheureux)

May 19, 2007 20:12

Une des principales caractéristiques de l’être humain, c’est d’avoir conscience du futur, et l’anticipation sur celui-ci. Un principe bien utile, auquel on peut si facilement se raccrocher pour justifier l’oubli du passé. Les souvenirs ne servent à rien, ce ne sont que des valises encombrantes, des restes de nos instincts primaires. Esteban pensait s’en être débarrassé depuis longtemps. Jamais il n’avait ressenti la moindre nostalgie d’ailleurs. Qu’aurait-il pu regretter de son ancienne vie ?

« Arrête ça ! Maintenant ! »

Des cris, des coups, des pleurs. Un petit garçon qui se recroqueville dans son lit, en serrant les poings. Caché dans la noirceur de la nuit, il a envie de pleurer. Il a déjà conscience de l’ampleur de son impuissance. Un choc plus fort que les autres lui fait fermer les yeux.

Le peu qu’il a gardé de cette époque, il a voulu oublier d’où il venait. Ce sont ses connaissances, sa magie, ses sortilèges. Il n’a pas besoin de réfléchir pour les utiliser. De toute façon, cela vient de son père, il n’a pas à en avoir honte. Il n’a pas à cacher cette puissance-là. Il en est même fier. Fier d’être le descendant des Syen, digne sorcier au service du Royaume de l’Air.

Encore une fois, la maison est dévastée. Sa mère pleure dans un coin, calmée. Esteban ne veut pas s’approcher d’elle, il en a bien trop peur. Son père le réconforte, oubliant ses propres blessures. Il les soignera plus tard : il doit s’occuper de son fils d’abord. Il priera aussi pour que cela ne se reproduise plus, mais il sait que c’est sans espoir. La vraie nature d’Estelle est trop forte, il ne peut pas la combattre, et elle non plus. Pourtant, il doit continuer à y croire.

Sa mère. Sa génitrice. Il voudrait l’effacer à tout jamais de son histoire, de sa vie, de ses gênes. Surtout de ses gênes. Extirper de son corps le sang qu’elle lui a légué et qu’il abhorre. Il se déteste autant qu’il s’adore. Juste parce qu’il est le fils de ses parents. S’il ne veut pas s’en souvenir, son corps en est l’incompressible témoignage. Celui de deux personnes qui se sont aimées autant qu’elles ont pu, et qui se sont entredéchirées par la suite. L’amour, c’est pour cela qu’il n’y croit plus. Inutile, comme les souvenirs.

« Sors de là ! Va-t-en ! »

Un soir, Ulrich a trouvé la force de hurler ces mots. Estelle est partie, sans se retourner, sans regrets. Emporte-t-elle des souvenirs ? Son fils en doute. Elle ne le mérite même pas. De toute façon, il s’en fiche. Il ne veut plus jamais la revoir. Qu’elle meure ! Elle, et toutes les autres femmes qui lui ressemblent !

Aujourd’hui, il aurait voulu dire la même chose. Hurler à ce démon qui rampait en lui, sournois, de sortir de son corps. De le laisser tranquille, de l’oublier. Il ne voulait pas se souvenir d’où venait cette puissance. Il ne voulait pas du seul cadeau que lui avait jamais fait sa mère. Il ne voulait pas de ce passé, il se contenterait d’un futur. Une page vierge, sans liens et sans attaches, sans héritages et sans souvenirs.

original, theme du mois, mai 07

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