Feb 06, 2007 23:11
Au commencement… Il n’y avait rien. Rien d’autre que le néant. Le noir, le silence, et la solitude. Une solitude si grande qu’elle pouvait presque remplir ce grand Rien. Il n’y a que moi, recroquevillé au milieu de ce vide infini. J’ai peur. J’ai froid. J’ai faim. Mais rien ne peut me soulager, je suis enfermé dans mon corps, ce corps ignoble, comme un oiseau en cage. J’aimerai tant sortir d’ici, mais je ne sais pas comment faire. Je me sens comme un enfant, incapable. Je suis redevenu enfant. Je regarde mes mains avec mon œil de médecin : je n’ai pas plus de dix ans. Cela ne change pas grand-chose après tout. Je suis toujours bloqué, immobilisé, impuissant.
Soudain, une main tendue, immense, apparaît devant moi. Je ne me demande même pas d’où elle vient. Je veux croire en cette main. Elle pourra sans doute me consoler, me réchauffer et me rassasier. Je me lève et je cours aussi vite que mes petites jambes me le permettent. J’ai du mal à respirer, j’ai la santé fragile. Mais cette main saura aussi me guérir, je le sens. Je veux mettre toute ma confiance en elle, je veux qu’elle me sauve ! J’ai tellement peur qu’elle s’en aille, sans moi… Et que je me retrouve à nouveau seul.
Elle m’attend. Je souris, rassuré. Je suis tout prêt d’elle, en sécurité. Je n’ai plus peur. Deux yeux apparaissent à leur tour, puis le reste d’un visage. Un corps tout entier. Gigantesque. Je suis tellement petit, tellement faible par rapport à lui ! Je le reconnais : mon père. Alexis. Je sais qu’il me protégera, alors pourquoi cette brusque angoisse ?
Je regarde autour de moi. Le vide a été remplacé par un décor que je connais : la table de la grande salle à manger. L’instinct de survie de ma part animal s’éveille : je veux m’enfuir. Je recule, mais je bute contre quelque chose : un couteau géant ! D’un coup, je me rend compte de l’horreur de la situation dans son effroyable intégralité : je suis au cœur d’une assiette, et aujourd’hui, c’est moi le plat principal !
Je jette un regard désespéré à mon père. J’ai été trahi ! Il ne me sauvera pas, il sera ma perte ! Je veux hurler, je n’ai plus de voix. La viande n’a pas de voix. Je ne suis plus humain ! Personne ne viendra à mon secours. Personne ne pleurera pour moi. Personne ne se souviendra de moi. Je vais mourir seul avec moi-même : on ne regrette pas la nourriture, on n’a pas de compassion pour elle. Jezabel Disraeli n’existe plus, je ne suis qu’un morceau de chair servant aux autres, à Delilah, à mon père.
Je sens la douleur mordante du couteau dans mon épaule gauche. Je suis petit à petit dépecé avec soin. Ceci avant de subir une mastication consciencieuse. Je… je veux… Que cela cesse ! Pitié ! Mais cela ne s’arrête pas, pas tout de suite. Je suis réduit en bouillie, mais je n’ai pas encore assez souffert. Pourtant, je sens que je ne pourrai pas en supporter davantage. Je suis sur le point d’être avalé quand le noir revient subitement.
Je me réveille en sursaut. Je suis trempé de pleurs et de sueur. Ce n’était qu’un cauchemar. Etrangement, cette pensée ne me console pas le moins du monde. Je ramène mes genoux contre mon torse et me met à sangloter comme un petit enfant. Tout seul dans le noir de ma chambre. Vraiment seul ? Je crois que je viens d’entendre la porte grincer, un mince filet de lumière se faufile jusqu’à moi. Cassian a du m’entendre pleurer.
22. mort par cannibalisme,
count cain/god child: jezabel disraeli