Jul 28, 2007 11:08
Titre : (Pas) Juste un film
Genre : Fiction, policier
Rating : G
Thème : #30 Ne regarde jamais en arrière.
(Pas) Juste un film
Comment cela a-t-il bien pu commencer ? Elle se le demande, adossée contre le mur froid, dissimulée dans la semi-obscurité.
Au départ, ils sont juste allés regarder un film au cinéma. Un film insipide, sans intérêt, mais malgré tout, assis côte à côte dans la pénombre, ils se sont bien amusés. La séance s’est terminée et la lumière est revenue. Il était trois heures du matin. Il n’y avait personne dans les rues. Elles étaient toutes désertes. Les gens normaux dormaient à cette heure-là. Il n’y avait qu’eux pour aller regarder un film de seconde zone à la séance de minuit.
Ils sont rentrés à pieds, parce qu’ils n’habitaient pas bien loin, que les trains et les bus étaient partis se coucher depuis bien longtemps, et que de toute manière, il ne faisait pas froid. Soudain il s’est tendu, elle n’a pas compris pourquoi. Il lui a pris la main et lui a chuchoté : « Cours ! et ne te retourne pas ! » avec une peur qui transparaissait dans sa voix rauque. La seconde suivante, ils filaient tous les deux comme des flèches, elle, plus entraînée par lui, parce qu’elle n’arrivait pas bien à comprendre.
Et ça lui est revenu. Une image fugitive, un souvenir du passé. Deux gamins en train de jouer au Monopoly, et puis une promesse : celle de ne jamais regarder en arrière.
A l’origine, ça avait un tout autre sens. C’était juste une histoire de « ne pas avoir de regrets ». Ses traits d’adolescent de quinze ans s’étaient figés, et il lui avait sorti ça, de but en blanc. Elle, elle n’avait que treize ans. Surprise par son sérieux soudain, elle n’avait rien dit, elle avait juste promis, de sa petite voix fluette.
Voilà à quoi elle pensait lorsqu’elle courait dans cette ruelle sombre, juste avant que sa main à lui ne lâche la sienne. Elle a continué à fuir, sans savoir ce qu’elle fuyait, tandis que lui n’était plus là. Elle a hésité, quelque part le souvenir de cette promesse perdurait toujours, et puis elle s’est dit, que c’était juste un truc de gamin. Alors elle s’est retournée. Elle l’a vu.
Etendu par terre, immobile, et elle aurait juré avoir entendu une détonation. Elle a vu une vague silhouette noire la poursuivre. Ce n’était rien qu’une ombre fugitive, pourtant elle était sûre de l’avoir vue.
Elle a continué à courir. Courir à en perdre haleine, courir aussi vite qu’elle le pouvait, sans savoir pourquoi. Et puis elle est tombée dans un cul-de-sac.
Elle ne s’est pas retournée. Elle savait que les deux rues formaient un espèce de « t ». En venant, elle avait tourné à droite, alors, si elle faisait demi-tour, elle pourrait déboucher sur la place Jean Moulin. Seulement en faisant ça, elle savait qu’elle devrait repasser devant la rue par laquelle elle était venue, et fatalement, devant lui.
Elle est restée longtemps, comme ça. Figée, immobile, indécise. Maintenant elle est tapie dans un recoin sombre. Un recoin qui la laisse invisible aux yeux des autres, sauf si quelqu’un s’avance juste qu’au fond de la rue condamnée.
Elle essaie de se détendre, de se dire que ça n’arrivera pas, et que, d’ailleurs, son imagination lui joue des tours, que personne ne la poursuit, mais la peur est trop forte. Cette angoisse sourde lui noue les entrailles, et la force à envisager les pires scénarii. Il va s’avancer, il va la trouver et la tuer
Elle se mord les lèvres, les larmes perlent au coin des yeux. Plus que la colère, l’incompréhension ou quoi que ce soit d’autre, la peur est là.
Elle se souvient parfaitement des avertissements de ses parents, de leurs mises en garde.
« C’est un voyou ! criaient-ils, un dealer de drogue ! »
Elle aurait pu se dire qu’ils avaient raison, qu’elle n’aurait pas du fréquenter un tel garçon, mais elle n’y arrive pas. La peur lui serre le cœur, et l’empêche de réfléchir. Elle lui fait voir son cadavre et murmure à son oreille qu’elle finira de la même manière. Elle lui fait entendre les battements de son cœur plus fort et lui fait souhaiter être sourde, pour ne pas entendre ses pas dans les flaques d’eau, à quelques mètres d’elle. Elle fait durer les secondes plus longtemps, et finalement, elle le voit, tout droit sorti «de « Men In Black », le canon de son arme pointé vers elle. Il lui déclare : « Je suis désolé, mais M. Costigan ne veut aucun témoin » et cette promesse résonne dans sa tête.
« Ne regarde jamais en arrière ».