Titre: Et au milieu coule une rivière
Auteur: Griseldis
Fandom: Fairy Tail
Personnages: Evergreen/Elfman Strauss
Thème: #4 Liens
Rating: G
Disclamer: Fairy Tail, son univers et ses personnages, appartient à Hiro Mashima.
Note : J'ai choisi de ne pas traiter les thèmes dans l'ordre donné mais dans l'ordre chronologique de l'histoire.
« Elfman, je t'avouerai que je suis plutôt déçu par ta contre-performance, pendant le festival. »
Devant le Maître de la guilde, qui semble plus minuscule que jamais, encore alité dans ce grand lit blanc de l'infirmerie, la silhouette gigantesque d'Elfman se ratatine.
Dans l'esprit des membres de Fairy Tail, l'incident du festival de la moisson n'est déjà plus qu'un épisode plaisant, malgré le bannissement de Laxus, et personne ne semble tenir rancune à personne des blessures reçues et infligées. Au contraire, dans la salle commune, on en rigole et on commente les différents combats, en évoquant l'idée de refaire un tournoi du même genre l'année prochaine.
Pourtant, Makarov a convoqué Elfman, et lui ne semble guère d'humeur à plaisanter sur les derniers événements.
« Tu es plus puissant qu'Evergreen, en force brute et en magie. Certes le pouvoir de ses yeux est terrible, mais la Bête en a vu d'autres. Comment a-t-elle pu te battre si facilement ? Tu ne fais pas assez d'efforts, mon petit. J'avais fondé de grands espoirs en toi. »
Elfman se mord la lèvre inférieure pour retenir de grosses larmes. C'est la question qui l'obsède depuis qu'il est revenu à son état normal. Evergreen fait partie des Raijinshū et il ne sous-estime pas sa puissance, car elle est forte. Mais pas tant que ça.
La Bête (et la mort de Lisana a été le terrible prix à payer pour toute cette puissance) a été capable de terrasser temporairement Mira-nee en mode Satan Soul. Alors, comment a-t-il pu perdre si facilement face à Evergreen ?
Oui, il a envie de pleurer, et il n'a pas besoin des remontrances de Maître Makarov pour savoir qu'il s'est montré indigne dans un combat qu'il n'aurait jamais dû perdre, et encore moins avec la précieuse vie de sa sœur et de tant d'autres membres dans la balance.
Et pourtant, la réalité est là : il a perdu contre Evergreen.
Parce que justement, il le sent bien dans son cœur, c'était contre Evergreen qu'il se battait et les terribles ramifications de cette constatation le dépassent et l'effraient.
Rien n'aurait dû compter en dehors de sa sœur et de sa guilde.
Makarov, voyant sur le visage du colosse le reflet du plus absolu désespoir, d'autoritaire, il passa à un ton plus doux : « Que s'est-il passé Elfman ? Tu sais que j'ai des grands projets pour toi, que j'espère te voir passer mage de rang S cette année… »
Le jeune homme reste un instant silencieux, songeant à sa sœur, transformée en pierre, à cette unique sœur qu'il n'a pas pu sauver après avoir tué l'autre.
« Je ne suis pas digne d'être un homme, » articule-t-il finalement, et comme si cette confession suprême était trop pour lui, il n'attend pas de recevoir son congé pour quitter la pièce.
Il ne dort pas cette nuit-là, pas plus qu'il n'a pu dormir les précédentes, les yeux obstinément plongés dans le vide, et la seule chose à laquelle il peut penser, c'est à cette grande sœur chérie qu'il aurait pu perdre si finalement Erza n'était pas intervenue.
Ce jour-là et le suivant, il reste obstinément cloîtré dans sa chambre, se contentant d'assurer à sa sœur au travers de la porte que tout va bien, qu'il est juste un peu fatigué.
La situation ne peut pas durer beaucoup plus longtemps, et le troisième jour, au lieu de gratter timidement à la porte, Mirajane se contente de la défoncer d'un coup de pied, prouvant si besoin est qu'elle est non seulement bien vivante mais d'une humeur exécrable.
Néanmoins, et comme toujours en présence de ce petit frère qui la dépasse de deux têtes, son cœur ne tarde pas à fondre, surtout en voyant le visage fatigué et blême, les joues sillonnées de larmes.
« Elfman, qu'est-ce qui se passe ? » demande-t-elle en s'asseyant sur le lit et en l'attirant à elle comme s'il n'était qu'une petite poupée de chiffon.
Elfman n'a pas vraiment de souvenir de sa mère, morte quand il avait deux ans, mais il lui semble, et c'est peut-être un peu cruel mais c'est ainsi, qu'il n'en a jamais eu besoin.
Sa grande sœur a toujours été là pour le protéger et le consoler. C'est peut-être pour ça que le constat est si amer : au moment où elle avait le plus besoin de lui, au moment où enfin, c'était à son tour de la protéger, il n'a tout simplement pas été à la hauteur
Alors il pleure dans ses bras, comme il pleure tout seul dans sa chambre depuis des jours, mais cette fois-ci, entouré par les bras chauds de Mira-nee, sa main fine caressant ses cheveux, enveloppé dans son odeur, il prend terriblement conscience qu'elle est vivante et que cette fois-ci, tout s'est bien fini.
Pour la première fois depuis les événements du festival, ses larmes ont plus de douceur que d'amertume.
Quand Elfman se réveille, un souper l'attend sur la table de nuit et sa sœur est endormie à son chevet. Un regard au réveil lui indique qu'il est plus de minuit et qu'il a dormi toute la journée.
Et elle l'a sans doute veillé tout le long.
Non, Elfman n'a pas vraiment de souvenir de sa mère, et c'est peut-être cruel de sa part mais puisqu'il a Mira-nee auprès de lui, il n'en a pas besoin.
Il faut encore deux jours à Elfman pour se remettre -en réalité, il est en grande forme dès le lendemain, mais Mira-nee a ce genre de regard auquel il vaut mieux obéir et il choisit sagement de rester au lit- et il profite du fait rare d'avoir sa sœur pour lui tout seul.
Il reçoit la visite de la plupart des membres de la guilde, y compris de Maître Makarov qui, agonisant une semaine plus tôt, est à présent au mieux de sa forme et semble vaguement inquiet de savoir si ce sont ses remontrances qui l'ont mis dans cet état-là.
Elfman assure que non et Makarov se laisse aller à une longue diatribe qui ressemble à des excuses à tel point qu'Elfman finit par se sentir mal à l'aise.
« C'est parce que c'était Evergreen, » dit-il soudain, interrompant le vieil homme qui reste un long moment à le regarder, en cachant tant bien que mal sa stupéfaction.
Puis il a un sourire complice, un rien paillard, et sans rien ajouter, quitte la chambre en sifflotant un air de romance démodée.
Elfman ne comprend pas. Ou peut-être bien qu'il comprend, mais il choisit de ne surtout pas y penser.
Il ne sait pas d'où viennent ces sentiments et il ne veut pas le savoir. Tout ce qu'il sait, ce que ça aurait pu lui coûter sa sœur. Rien ne vaut un prix pareil. Il va oublier Evergreen, elle va redevenir la seule membre féminine des Raijinshū, une camarade curieusement obsédée par les fées.
D'ailleurs, elle n'a jamais été rien de plus.
Le lendemain, il quitte enfin sa chambre.
Et la vie est cruelle, car la première personne qu'il croise est Evergreen.
Elle a un grand sourire, un sourire qui le fait frissonner intérieurement d'une manière qui n'est pas très agréable et alors qu'elle va lui parler, il détourne rapidement les yeux et s'éloigne.
Ce n'est pas agir comme un homme, un homme devrait saluer une femme, une camarade de guilde, mais il ne peut pas encore.
Demain, se promet-il. Demain, elle sera simplement Evergreen, et qu'importeront sa défaite, des chocolats, deux baisers et un parapluie rouge ?
Le lendemain, une grande nouvelle secoue Fairy Tail. Pour la première fois, l'alliance Baram va être attaquée directement, avec l'anéantissement d'une des trois guildes la composant, la mystérieuse Oración Seis. Et Fairy Tail ne sera pas seule dans ce titanesque combat, trois autres guildes, Lamia Scale, Blue Pegasus et Cait Shelter formeront avec elle un groupe d'attaque qui aura pour but de faire de faire tomber une des guildes les plus sombres de Fiore.
Sans surprise, Maître Makarov désigne pour cette tâche le seul membre de rang S disponible, Erza et son éclectique groupe, composé de Grey, Natsu et d'une des récentes incorporations qui a quasiment été la cause de la destruction de Phantom Lord, Lucy.
Elfman se dit que d'accord, le groupe d'Erza est impressionnant mais celui qu'il formait avec Mira-nee et Lisana n'était pas non plus à dédaigner.
Mais Lisana est morte et Mirajane, malgré son récent combat contre Freed, semble heureuse dans son rôle de barmaid et d'égérie de Sorcerer Weekly.
Il jette un regard à la dérobée à la table des Raijinshū (qui n'ont plus trop de raison de conserver ce nom, mais il n'est certainement pas assez fou pour le dire à haute voix) : est-ce que eux aussi songent que, dans une autre circonstance, ils auraient pu être choisis pour participer à cette alliance historique ?
Cependant, à la table des Raijinshū, il y a foule pour une fois : Freed y discute tranquillement avec Reedus, Bixrow enchaîne les bières en compagnie de Cana et Evergreen semble comploter quelque chose avec Biska.
C'est un choc.
Il ne les a jamais vus si… et bien humains, faute d'autre mots. Si bien intégrés à une guilde qu'ils avaient donné jusque là l'impression de mépriser et qu'ils avaient voulu détruire à peine dix jours plus tôt.
Elfman se demande bien ce qui a pu se passer pendant sa courte retraite (que Mira-nee appelle sa période de bouderie) et il se sent à la fois fier et honteux.
Fier du comportement de ses camarades, honteux du sien. La veille, n'a-t-il pas ignoré Evergreen ?
(Oui mais se rappelle-t-il, la veille c'était Evergreen, celle qui lui a donné du chocolat, celle qu'il a embrassée et qui l'a embrassé, celle qui lui a laissé un parapluie rouge, celle contre qui il a perdu, alors qu'aujourd'hui, c'est juste Evergreen, sa camarade de guilde.)
(La veille, il avait chaud et froid en la regardant, il tremblait à l'idée de lui parler)
(La veille.)
Il se lève un peu pesamment, sans trop savoir ce qu'il va faire exactement, et c'est presque contre sa volonté qu'il arrive devant la fameuse table.
« Tu as l'air en pleine forme, lui dit gentiment (il doit rêver ce n'est pas possible autrement) Freed.
― Indestructible, Elfman, renchérit Reedas.
― Tu as fini de bouder ? demande Bixrow qui visiblement a parlé avec Mira-nee.
― Je suis contente de te voir en pleine forme ! Tu nous inquiétais ! » C'est Biska qui s'est exclamé cela, et Cana s'est levée pour lui coller un bock de bière dans les mains : « Allez bois un coup, ça finira de te remettre ! »
Seule Evergreen n'a rien dit.
Elfman se demande si quelqu'un d'autre l'a remarqué.
Il se demande surtout pourquoi lui l'a remarqué. C'est Evergreen, juste Evergreen.
Finalement, entraîné par la poigne plutôt redoutable de Cana (elle a peut-être des bras épais comme des spaghettis mais elle est capable, si elle est ivre, de le battre au bras de fer), il finit par s'asseoir.
En face de Biska et d'Evergreen.
La première lui sourit gentiment et la seconde évite son regard avec une obstination qui le ferait rire s'il n'avait pas envie de partir en courant, et pour ne pas dire de bêtises, il porte la chope à ses lèvres.
La bière contre sa langue est fraîche, amère, délicieuse.
Pas une seconde, il ne lui vient à l'esprit que boire pour éviter de dire quelque chose qu'il risquera de regretter plus tard équivaut à se tirer dans le pied.
« Et je suis désolé, vraiment désolé, absolument désolé, de t'avoir ignorée hier ! »
Elfman a attrapé les mains d'Evergreen qui est blême de colère ou de honte. Heureusement la soirée a dégénéré, comme cela arrive toujours à Fairy Tail, et en dehors de Bixrow qui semble s'étouffer de rire personne ne fait vraiment attention à eux.
« Mais hier, continue-t-il laborieusement, hier, tu étais Evergreen-chocolat-baisers-parapluie. C'était le dernier jour. Aujourd'hui, tu es Evergreen-juste-Evergreen.
― Charmant, » dit-elle d'une voix polaire, alors que Bixrow ne se détourne même pas pour cacher un véritable rugissement de rire.
Elle tente de retirer ses mains, mais Elfman les retient fermement (des mains si petites, qui semblent si fragiles qu'il aurait peur de les briser s'il n'était pas si ivre et si Evergreen était autre chose que juste Evergreen) c'est important qu'elle comprenne.
« Je suis vraiment désolé, vraiment, vraiment.
― J'avais compris.
― Ça n'avait rien à voir avec toi, enfin, si, mais c'était surtout moi, et puis Mira-nee, et même Maître Makarov qui était furieux même si après il a ri et…
― C'est bon, je te dis. Tu peux arrêter là, je crois que tu es ivre. »
Elfman la regarde avec étonnement.
« Je suis ivre ?
― Complètement, » assure Bixrow qui prend tout ceci comme un acompte sur les fêtes de Noël. Quelque chose dans son sourire suggère qu'il a de quoi torturer Evergreen pendant des mois.
« Ah, d'accord. Alors, c'est pour ça que j'ai envie de t'embrasser, Ever. »
Puis avec un sourire parfaitement niais, Elfman lui lâche enfin les mains et s'affale sur la table, endormi.
C'est sa sœur qui le réveille quelques heures plus tard, et si le monde continue de tourner, la salle commune est à peu près vide.
« Tu t'es bien amusé ? » lui demande-t-elle gentiment.
Elfman est un peu dégrisé, et il ne se souvient plus trop des événements si ce n'est que Bixrow rigolait beaucoup et qu'Evergreen n'avait pas l'air de rire, elle.
Il espère qu'il n'a rien dit de trop idiot.
Même si ça ne devrait pas vraiment l'inquiéter.
Après tout, c'est juste Evergreen, n'est-ce pas ?
Puis il se demande si ce serait mal si pour un jour encore, elle était Evergreen-chocolats-baisers-parapluie.
Demain, se jure-t-il, demain, il sera toujours temps de dénouer définitivement ce lien absurde et douloureux.