Titre : Chimères
Thème : #8 - Jardin Secret
Auteur : Sohalania
Personnages : Charlie Weasley, mention d'Hermione Granger
Rating : K
Disclaimer : J.K. Rowling
Résumé : Charlie a peur
Il y a du sang et des cadavres autour de lui. Un odeur suffocante flotte dans l'air. L'odeur de la mort et de la peur. Sa peur. C'est la guerre. Charlie essaie de faire face, d'être courageux.
Il est jeune, c'est un homme et on n'attend rien d'autre de lui que de protéger ceux qu'il aime. Mais chaque jour Charlie se lève avec la peur au ventre. Car Charlie a peur. Comme il n'a jamais eu peur auparavant.
Alors il s'efforce de penser à autre chose. Il pense à la Roumanie, à ces jolies filles au rire clair qui s'amusaient à le charmer. Il se souvient de l'une d'elles. De sa bouche si tendre et de ses yeux si bleus, des doux baisers qu'il déposait sur son visage en lui murmurant qu'il allait bientôt lui faire l'amour.
Puis il surprend l'angoisse dans les yeux de sa mère et il se rappelle pourquoi il n'a jamais pu. Et la peur le reprend. Il aimerait dire que c'est pour les autres, pour son père qui n'est plus si jeune, pour ses frères qui justement le sont trop et pour sa soeur qui a choisi d'aimer un héros sans savoir que les héros ne revenaient pas toujours. Il aimerait être sans peur et sans reproche mais il n'essaie pas de se mentir. Il a peur pour lui-même, peur de mourir, de souffrir en mourant. Il a si peur qu'il doit se retenir de vomir.
Alors il pense aux merveilleuses sensations qu'il a sur son balais. Quand il vole il est le maître du monde et plus rien ne peut lui arriver. Il repense aux matchs qu'il dispute avec ses frères quand il est au Terrier. Il est toujours le gardien et ça fait hurler Ron qui aimerait bien prendre sa place... Son demi-sourire machinal se fane. Car Ron est parti très loin. Trop loin pour que ses aînés puissent veiller sur lui.
Alors il observe Fleur et Bill de l'autre côté de la pièce. Serrés l'un contre l'autre, ils espèrent passer la nuit et s'efforcent de ne pas songer au fait que que tout ce qui les attend n'est rien de plus qu'une autre journée improbable. Ils s'étreignent presque avec violence, refusent de se lâcher. Bill est comme Charlie, il veut qu'on pense qu'il n'a peur de rien. Mais Charlie sait. Et quand bien même...il envie toujours son frère, car Bill a trouvé un endroit où fuir, un refuge accueillant ; quand il respire l'odeur de sa femme et sent ses bras fins autour de son cou, Bill sait que plus rien ne peut plus lui arriver. Charlie l'envie mais il ne dit rien parce que c'est inutile. Alors il cherche, encore et encore, désespérément, un lieu dans son propre coeur, où il sera invincible.
Mais il n'y a que la mort autour de lui.
Soudain son père pousse un cri qui le réveille complètement. Sa terreur ne l'empêche pas de s'emparer de sa baguette quand il voit une ombre se dresser dans l'encadrement de la porte.
Le soulagement l'étreint soudain avec une telle force qu'il a envie de pleurer car c'est Ron, amaigri et abattu qui se tient devant eux. Le mugissement du vent et le fracas assourdissant des vagues derrière lui est comme un mauvais présage mais Charlie prend son frère dans ses bras. Car il sait que Ron, malgré tout son courage, a encore plus peur que lui. Quelque part se trouvent son meilleur ami et la fille qu'il a toujours aimée. Et il les a abandonnés.
Charlie s'efforce de ne pas y penser mais il c'est plus fort que lui. Il imagine ces deux enfants perdus dans le froid, effrayés par le moindre bruit, désespérés de ne plus savoir que faire. Son instinct lui dit de partir à leur recherche mais pour aller où ? Pendant que Ron lui raconte toute l'histoire d'une voix atone, Charlie regarde par la fenêtre et voit les éléments se déchaîner. Il repense à ce môme à lunettes qui n'a pas eu la vie facile. Un casse-cou téméraire qui n'a jamais eu peur de rien. Charlie imagine son cadavre et la bile lui monte à la gorge. Il le voit dans une flaque de boue, les yeux grands ouverts, sans vie, le visage maculé de sang. Charlie secoue la tête pour oublier mais tout ce à quoi il peut penser ce sont ces grands yeux verts qui le fixent sans le voir.
Puis Ron bégaie un nom. Il est au bord des larmes mais il continue avec toute cette force qu'il parvient à rassembler pour s'empêcher de bredouiller. Il le dit du bout des lèvres, ce nom, mais Charlie l'attrape sans y penser et presque malgré lui, il revoit cette petite fille au regard effarouché. Il se rappelle une gamine si minuscule qu'il aurait pu la mettre dans sa poche. Elle a des cheveux hirsutes et une frange mange ses grands yeux. Il se rappelle encore son cri lorsqu'il l'a soulevée et ses petites mains crispées sur ses épaules, la fraîcheur de sa joue quand il l'a embrassée. Le froid avait gercé ses lèvres et sa barbe naissante avait dû la piquer mais il n'avait pas pu résister. Elle a toujours eu une telle allure, Hermione...
Et Charlie sourit. Ron lui raconte les horreurs qu'ils ont traversées mais tout ce à quoi il pense c'est à cette fillette à l'expression perçante qui le juge en serrant son dragon contre elle.
Un jour, elle épousera son frère. Elle a beau lui tanner que non, qu'elle ne l'aime pas comme ça, lui il en est convaincu. Elle se met facilement en colère, Hermione, mais il s'en fiche car en ce moment-même, il revoit ses joues empourprées par l'indignation pendant qu'elle l'insulte en bafouillant de rage et que cette simple image le fait sourire, lui donne envie de rire pour la première fois depuis des mois.
Bientôt l'angoisse le prendra de nouveau à la gorge. Il aura de nouveau si peur qu'il en passera ses nerfs sur son frère. Il le traitera d'inconscient et de lâche. Ce sera une chance s'ils ne se battent pas. Il aura des mots cruels et il ne le regrettera même pas.
Mais Charlie se dit "juste encore un peu". Alors, encore un peu... Il oublie la faiblesse de Ron, il oublie son père trop vieux et ses frères trop jeunes. Il oublie Bill qui serre trop fort sa femme contre lui, le regard hanté de sa mère et ces héros qui ne reviennent pas.
Il repense aux grands airs d'Hermione et à ses deux pieds gauche ; aux mille et une choses qu'elle sait et à son air adorable de taupe quand elle lit. Et il ne voit plus que le sourire d'Hermione quand il essaie de la faire rire et le pétillement dans ses yeux quand elle le fait marcher. Sa figure insupportable de "Je-Sais-Tout" combinée au balancement gracieux de ses hanches. Ses hurlements quand ils la jettent dans le lac et sa mine concentrée quand ils se présentent à elle, couverts de bleus . Il les garde rien que pour lui, tout au fond de sa tête et de son coeur, et, pendant un instant l'angoisse le quitte, il n'a plus peur de rien. Il est a l'abri, loin de ces massacres. Il est de nouveau fort, courageux. Intrépide. Invincible.
Il sait depuis longtemps déjà que Hermione a ses secrets et qu'ils ne sont pas si bien gardés. Que lorsqu'une fille vous regarde en rougissant c'est bien parce qu'elle ne vous voit pas comme un frère mais rêve plutôt de vous comme d'un amant. Il sait que lorsque les yeux de Hermione pétillent ce n'est pas seulement de malice et que ce sourire éblouissant n'est pour personne d'autre que lui. Mais ça aussi, il choisit de l'oublier. Parce que c'est Ron que Hermione épousera.
Il le sait depuis si longtemps déjà.