Titre : Rien qu'un baiser, chapitre 23
Auteur : Mokoshna
Couple : ZoroXSanji
Fandom : One Piece
Rating : M
Thème : 23. Bonbon
Disclaimer : One Piece appartient à Eiichiro Oda. Je ne fais que reprendre ses personnages pour leur faire faire n'importe quoi.
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Chapitre 23 : Bonbon
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Quelle journée splendide ! Sanji leva les yeux vers le ciel, l'esprit en paix depuis des semaines. La petite embarcation dans laquelle il était monté ressemblait à s'y méprendre à celle qu'ils avaient empruntée, Zoro et lui, pour partir en quête de ce trésor hypothétique qui leur aurait valu la victoire au défi de Nami. Le temps était clément, la mer sereine, son ami ronflait paisiblement à ses côtés, le souffle encore faible mais le teint plus frais déjà qu'au matin. Ils ne tarderaient pas à arriver à destination, s'il en croyait les cris lointains des mouettes se disputant le poisson.
Sauf que cette fois, tout était différent, à commencer par Sanji lui-même.
Tout s'était passé si vite ! Le retour de Sandoval avait été triomphal ; All Game l'avait chargé d'une mission de la plus haute importance où il avait malheureusement perdu son fidèle As de Carreau. Qu'à cela ne tienne ; il avait déjà décidé de l'identité de son successeur, qui n'était autre que ce brave Trevor. La place du géant avait été échue à un homme capable que Sanji appréciait assez dans l'équipage, un certain Bernardo qui savait manier le sabre comme pas deux. Personne n'avait même songé à discuter cette décision : la volonté de Sandoval était sans appel parmi les Carreaux. Gare à quiconque aurait voulu le défier !
Sora avait sauté au cou de son Roi, Sandoval avait salué son équipage avec un sourire fier. Sanji put voir à quel point ils se ressemblaient, en fin de compte : la même mâchoire énergique, les mêmes sourcils étranges qui leur donnait un petit air exotique que les femmes trouvaient irrésistible (du moins il se plaisait à le penser). Sanji avait néanmoins hérité des cheveux et des yeux de sa mère. Ce Sandoval portait des dreadlocks et ses yeux sombres avaient l'éclat naturel de l'autorité ; il reconnut vaguement celui qui l'avait un jour fait sauter sur ses genoux. On le présenta en tant que nouveau Cinq ; le Roi l'accepta sans problème, jusqu'à ce qu'il pose le regard sur lui.
La réaction ne se fit pas attendre ; Sandoval eut l'air profondément troublé. Trevor eut le bon geste et demanda à s'entretenir en privé avec lui. Sanji ne sut pas exactement ce qu'il lui dit, mais sitôt qu'ils eurent finis, le Roi sortit en trombe, se dirigea vers lui et le prit dans ses bras en sanglotant, l'appelant son fils et lui promettant monts et merveilles. Ils eurent une longue discussion, ce soir-là, de père à fils ; Sanji lui exposa grosso-modo les raisons de sa présence à cette époque, en évitant soigneusement de révéler sa relation exacte avec Zoro et surtout ses déboires avec All Game. Son inconscience de quatre ans fut mise sur le compte d'une maladie rare qu'il inventa sur le moment, maladie qui faisait sombrer les gens dans le coma. Quant à son bras manquant, il était le résultat d'une infection mal soignée.
Que de promesses, que d'explosions de joie ! Sandoval avait retrouvé ce fils chéri qu'il pensait avoir perdu ; et, cela ne gâchait rien à la chose, il était devenu adulte et un sacré combattant, par-dessus le marché. Tout à ses émotions, il permit à son fils de libérer Zoro de sa réclusion et de l'emmener en lieu sûr. Sanji savait quelle était la marche à suivre grâce à Oeil-de-Bois : il devait amener Zoro aux Piques, afin que son histoire personnelle se déroule telle que prévue. Il était ce Cinq qui l'avait libéré et conduit à Regal ; il fallait qu'il joue sa part sans quoi le cours des choses risquait d'être trop fortement modifié. Zoro resterait chez les Piques quelques temps, au moins jusqu'à ce qu'All Game soit démantelé ; puis il deviendrait chasseur de primes, se ferait arrêter à Shells Town et Luffy viendrait le délivrer pour en faire l'un de ses compagnons de voyage. Beaucoup plus tard, Sanji et lui se rencontreraient sur le Baratie. Et tout recommencerait encore.
Tout ? Non, pas exactement. Pas question de refaire les mêmes erreurs ; il fallait éviter qu'ils ne se rendent sur l'île de la Tortue. Sanji et Zoro ne devaient jamais rencontrer All Game, du moins pas sans leurs amis du Going Merry, pas encore.
Mais comment faire ?
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Pipo fredonna une chanson qu'il avait apprise avec Kana durant son alitement, un air doux qui parlait de montagne et de neige. Il lui semblait l'avoir entendue de nouveau au milieu du brouhaha causé par la fête, à l'extérieur ; ces quelques notes avaient suffi à le ramener très loin en arrière, du temps où il vivait encore au village de Sirop. Se rappelait-on de lui ou avait-on oublié son nom avec le temps et le manque de nouvelles ? Il n'avait pas réussi à réaliser son rêve, après tout, pas vraiment... Les larmes lui vinrent aux yeux en repensant à son ancien équipage, à tous ces êtres chers qu'il avait perdu en ce jour funeste. Vite, avant que Chopper ne le voie larmoyer, il s'essuya avec le drap qui le recouvrait et secoua la tête pour se débarrasser de ces sombres pensées.
- Ils en mettent, du temps, soupira le renne en remettant pour la énième fois de l'ordre dans ses flacons.
- Et c'est grave ?
- Ça dépend. En tout cas, il n'est pas très bon de rester trop longtemps dans le Monde de l'Autre Côté.
Pipo se mit à trembler.
- J'espère que ce n'est pas mauvais signe. Quand j'étais au palais du Roi des Dinosaures, j'ai...
Il n'eut pas le temps de continuer ; un cercle noir s'ouvrit juste au-dessus de sa tête et une masse sombre tomba sur lui en l'écrasant. Chopper sursauta.
- Qu'est-ce que...
Pauvre Pipo ! Il étouffait et se tordait de douleur ; un coude était enfoncé dans son plexus et un genou avait évité de justesse l'entrejambe. Une voix fluette grogna tout contre son oreille ; l'éclat blond d'une chevelure bien entretenue fut son seul champ de vision durant plusieurs secondes. Puis le jeune homme qui était affalé sur lui se releva à grand-peine et s'excusa à profusion.
- Pardon ! Je ne voulais pas vous faire mal !
Pipo grogna ; le garçon aperçut alors les bandages qui lui couvraient la peau.
- Votre corps ! cria-t-il, paniqué. Je suis désolééé !
Chopper se hâta d'intervenir.
- Non, ça va, il était déjà comme ça avant !
- Mais j'ai dû lui faire plus de mal ! fit le garçon d'un air misérable. Je... je suis si confus !
Il s'inclina bien bas, les larmes aux yeux. Même Pipo se sentit mal à l'aise ; il secoua la tête en se mettant droit.
- C'est bon, c'est bon, je suis solide !
Le garçon releva la tête, tout penaud. Pipo put enfin remarquer qu'il était aussi mignon qu'un ange ; tout à fait le genre pour qui un homme renierait son hétérosexualité. Heureusement qu'il avait déjà Kaya, tiens ! Il lui fit un petit sourire gêné et se tapa le torse pour montrer à quel point il avait de la robustesse à revendre.
- C'est vrai ? chuchota timidement son interlocuteur.
- Puisque je vous le dis ! Il en faut bien plus pour mettre à bas le célèbre capitaine Pipo, maître des quatre océans !
Le garçon lui jeta un regard troublé ; ce fut alors qu'un cri étouffé se fit entendre de sous l'oreiller de Pipo.
- Couac !
- Ahiru ! s'écria Chopper en la sortant de sous son fardeau. Tu vas bien ?
Le canard ne répondit pas, tout occupé qu'il était à se remettre de ses émotions. Le mystérieux garçon se précipita sur elle et la prit dans ses bras.
- Ahiru ! Excuse-moi, je t'ai fait mal ?
- Ah, fit Pipo en comprenant, vous êtes Ken ?
Le garçon hocha doucement la tête.
- Lui-même. Et vous êtes ?
- Pipo ! Je faisais partie de l'équipage de Sanji !
Ken ouvrit des yeux ronds ; Pipo fit d'autant mieux le fier.
- Au fait, où est Sanji ? Il n'était pas parti avec Ahiru vous chercher ?
Expression paniquée de Ken ; il se leva d'un bond et fouilla la pièce des yeux. Chopper vérifiait qu'Ahiru n'avait rien de cassé et tentait de la réveiller avec des sels.
- Sanji ! Il est resté là-bas !
Pipo et Chopper tournèrent leurs têtes vers lui d'un même mouvement ; puis, après s'être concertés dans les yeux un court instant, ils attrapèrent un Ken bouleversé, chacun un bras, et le firent asseoir sur le lit d'un geste autoritaire. Ken se débattit en vain.
- Il faut y retourner ! dit-il. On ne peut pas le laisser !
- Du calme, fit Chopper d'une voix sèche. On ne peut pas t'aider si tu ne nous dis rien. Reprends ton souffle et explique-nous ce qui s'est passé le plus clairement possible.
Pipo fronça les sourcils. Depuis quand son ami était-il si mature ? Chopper avait toujours été l'émotif de la bande, le naïf, celui qui se faisait avoir à chaque fois. Les événements l'avaient-ils tellement changé, comme ils l'avaient fait avec Sanji et Pipo ?
Le regard du renne croisa de nouveau le sien, et Pipo put s'apercevoir à quel point il était éteint, presque opaque. Nulle trace de la transparence de jadis, des étincelles de candeur et de sincérité qui les peuplaient lors de leur première rencontre. Quelque part dans le coeur de Pipo, une partie du refuge secret qu'il s'était créé pour tenir le coup jusqu'au jour de sa vengeance se craquela. Il sourit, bon gré mal gré, et acquiesça en silence, le sourire faux. Ken tremblait près de lui ; il lui mit une main ferme sur l'épaule et lui enjoignit à son tour de leur raconter son histoire.
- Je... j'étais là-bas, commença Ken, perdu dans le Monde de l'Autre Côté... La Baroude allait me dévorer, mais Oeil-de-Bois est venu me sauver, il m'a dit de ne pas m'en faire, qu'on allait venir me chercher, et que surtout je devais obéir à Sandoval, qu'il m'aiderait à faire le point et à sauver tout le monde... Et puis Sanji est venu avec Ahiru, ils ont dit qu'ils allaient me ramener, et on est passé par la route rouge...
- Pardon ? l'interrompit Chopper avec agitation. Tu veux dire la route blanche ?
Ken le fixa d'un drôle d'air.
- Non, elle était rouge !
- Bordel !
Pipo sursauta si fort qu'il crut s'être déboîté l'épaule. De mieux en mieux ; Chopper jurait aussi.
- C'est grave ? fit-il d'une toute petite voix. Parce que moi, personnellement, j'ai rien compris...
- Bien sûr que ça l'est ! gronda son ami. La route est toujours blanche ; quand elle change de couleur, ça veut dire que quelqu'un la manipule !
Les yeux de Pipo s'ouvrirent démesurément.
- On peut faire ça ?
- Les kappa le font tout le temps.
- Ah... Et... le rouge, c'est...
- La pire chose qui puisse arriver ! C'est le plus haut niveau qui soit ! Ils l'ont rendue furieuse !
- Le niveau de quoi ? Qui est furieuse ?
- De magie astrale ! Et la route !
- De quoi ?
Chopper soupira.
- Excuse-moi, j'oubliais que tu n'as pas subi la même formation. Pour te résumer en quelques mots, il est possible pour quelqu'un qui a le Don et qui a reçu un certain entraînement de manipuler la Route des Esprits pour qu'elle s'ouvre à lui. Les kappa ont ça dans le sang, certaines autres créatures comme les Canards-Guides aussi. Des humains peuvent le faire s'ils subissent une mutation appropriée... mais ce n'est pas aussi simple, parce que la Route ne voudra peut-être pas d'eux, contrairement à ceux qui en ont le droit par la naissance.
- Qui ?
- La Route.
- Hein ? Elle est vivante ?
- Bien sûr qu'elle l'est, d'une certaine manière. Plusieurs créatures la célèbrent et lui offrent des sacrifices pour qu'elle soit toujours de bonne humeur avec elles.
Pipo fit la grimace, plus confus que jamais. Décidément, cette histoire de Route des Esprits le dépassait complètement ! Il savait que ce qu'il y avait là-bas était hors du domaine humain, mais à ce point-là, c'était de la folie !
Ou peut-être pas. Après tout, il en avait vu des choses extraordinaires depuis qu'il était parti de son village natal. Ça ne serait qu'une anecdote de plus à raconter à son retour !
- Cela dépend dans quelle culture on se place, continua Chopper en secouant la tête, mais en règle générale les créatures de l'Autre Côté savent qu'il n'est pas de bon augure d'offenser la Route des Esprits, celle qui leur apporte nourriture et stabilité.
- Nou... nourriture ? bégaya Pipo en pâlissant.
- Ça veut dire qu'on a offensé la Route ? intervint Ken. Mais nous n'avons rien fait pour ça !
- Pas forcément, dit Chopper. Comme je vous l'ai dit, ça eut aussi être l'action d'un puissant magicien.
- Qui ? Et pourquoi aurait-il fait ça ?
- Je l'ignore.
- Peu importe, il faut retourner le chercher !
Chopper soupira.
- Je ne suis pas sûr de pouvoir. Je n'ai jamais fini ma formation et Ahiru a loin d'avoir les capacités requises.
- Vous voulez abandonner Sanji alors ?
Ken se leva d'un bond ; ses yeux bleus jetaient des éclairs. Chopper parut se fâcher.
- Bien sûr que non ! Plutôt mourir que de laisser un ami !
- Allons-y dans ce cas !
- Je te répète que je ne peux pas ! Si tu crois que je n'ai pas déjà essayé !
Pipo se tourna vers lui, surpris.
- Tu as essayé ?
- Juste à l'instant, grogna Chopper, quand Ken et toi avez fait connaissance. Pour une raison que j'ignore, le kappa a refusé de venir. Pourtant, je lui ai proposé d'autres concombres, mais il n'en a pas voulu et il ne va même pas repasser prendre ceux que je lui devais déjà. Je crois qu'il a peur de quelque chose... ou de quelqu'un.
Ken en eut les larmes aux yeux.
- C'est pas vrai ! Et Sanji ?
- Je...
Ce fut à ce moment que la clochette de la porte d'entrée tinta, claire et forte. Chopper sursauta, regarda en direction de sa boutique d'un air perplexe tout en retenant son souffle. Pipo s'apprêtait à lui demander ce qui n'allait pas quand la porte de la pièce s'ouvrit doucement.
Pipo poussa un cri en voyant qui se trouvait de l'autre côté.
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Le sourire de Sania, Reine des Piques, était d'un charme incomparable. Pourtant, Sanji avait eu un peu de mal au début, et pour cause : la douce jeune femme était le portrait craché de Sally Neuf de Carreau. Regal, son compagnon et accessoirement Roi des Piques, lui en avait expliqué la raison en riant. Sanji avait ouvert des yeux de la taille de soucoupes en apprenant que ces deux femmes aux caractères si différents étaient soeurs, et de surcroît des jumelles... Regal avait simplement haussé les épaules en disant qu'il se trouvait bien loti : il avait hérité de la meilleure des deux, contrairement à ce fourbe d'Argo qui l'avait d'ailleurs bien mérité.
- C'est quand même incroyable, sourit-il en resservant un plein verre de vin à son invité, le fils de cette fripouille de Sandoval... j'ignorais même qu'il aimait les femmes !
Le tout dit sur le ton de la plaisanterie, avec un clin d'oeil en coin qui fit sourire Sanji. Décidément, Regal était un bon vivant ! Grand, la taille bien prise mais pas à l'excès, il avait une barbe bien fournie et le verbe facile. Il accueillit son collègue des Carreaux avec tous les honneurs, en l'invitant à dîner à sa table avec lui et sa femme Sania. Un véritable étal de victuailles avait été placé devant eux, assez pour nourrir une garnison. Sanji apprécia grandement l'allure sophistiquée de plusieurs plats, le fumet riche qui s'en dégageait, les formes harmonieuses de la maîtresse de maison.
- N'empêche, c'est moche ce qui est arrivé à ce pauvre gamin, fit Regal en jetant un coup d'oeil à Zoro qui était encore inconscient, allongé dans un lit confortable non loin de là.
Le médecin de bord, un homme petit et chauve avec fort accent guttural, s'en était occupé à leur arrivée. Cela n'avait pas été de refus. Zoro n'avait reçu que les premiers soins chez les Carreaux avant d'être envoyé en mer avec Sanji.
- J'arrive pas à croire que Sora l'ait autant amoché, continua le Roi de Pique. C'est pas son genre, d'habitude elle les tue d'un coup et on n'en parle plus.
- À vrai dire, soupira Sanji, c'est Sally qui s'en est chargée, mais c'est vrai que Sora n'a rien fait pour l'en empêcher.
- Ce n'est pas ce qui les étouffe, la pitié ou la charité humaine, intervint Sania. Je connais ma soeur, et cela ne m'étonne pas du tout. Elle a toujours été du genre sadique.
- Pas comme vous, sourit Sanji. C'est pour ça que je suis venu vous voir ; je me suis dit que vous pourriez le recueillir quelques temps, histoire qu'il se rétablisse...
- Pourquoi nous ? fit brusquement Regal. Vous auriez pu le laisser dériver au large d'une île habitée ou le livrer à la Marine.
- J'ai mes raisons.
- Je pourrais très bien refuser.
- Je suis prêt à vous payer.
- On a tout l'argent qu'il faut.
- Alors n'importe quoi d'autre, s'il y a quelque chose que vous désirez en échange, dites-le moi. Sachez seulement cela : il est primordial que Zoro Roronoa reste avec vous jusqu'à son rétablissement.
- Et pourquoi cela ? J'ai beau être un bon bougre selon certains, je ne suis pas un imbécile. Je ne vais pas croire sur parole un de mes chers « alliés » des Carreaux, à priori encore moins le fils héritier de Sandoval.
Regal sourit de toutes ses dents.
- Ce n'est pas que j'ai quelque chose contre lui, mais on ne peut jamais être assez prudent dans notre métier, n'est-ce pas ? Et Sandoval n'est pas connu pour son fair-play ou son honnêteté, bien au contraire...
Sanji jura intérieurement. Il savait qu'il aurait à rendre des comptes à Regal, pourtant, il espérait ne pas avoir à en passer par là...
- Puis-je compter sur votre discrétion ?
- S'il y a lieu, oui.
- Savez-vous quel âge j'ai ?
Regal parut surpris.
- Je ne sais pas moi, la vingtaine ? Quel rapport ?
- J'ai vingt-quatre ans, fit Sanji en ignorant sa question. Sandoval en a trente-huit. Et il m'a conçu à l'âge de vingt-quatre ans. Faites le calcul.
Regal fronça les sourcils.
- Vous vous moquez de moi ?
- Si seulement...
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Robin suçait un bonbon à la fraise tout en souriant à son capitaine. Elle détestait la fraise : trop sucré, trop doux à son goût. Pourtant, elle continuait d'en manger, encore et encore, au travail, dans ses appartements, au milieu de l'équipage. Elle avait passé vingt ans à survivre dans un monde qui la haïssait et quatre à faire un travail qu'elle exécrait ; manger un peu de fraise sucrée n'était rien en comparaison. Elle en remit un dans la bouche et en savoura longuement le goût.
Écoeurant.
Tout comme elle.
- Nous sommes arrivés, fit son capitaine, tous sourires. Ken et Ahiru doivent être déjà là, enfin j'espère. Tu crois que Pipo et Chopper seront contents de nous voir ?
Elle rit ; tout au fond d'elle, elle avait envie de pleurer, seulement elle avait oublié comment faire. Elle se contenta de mettre un troisième bonbon dans sa bouche.
- J'en doute.
La manche vide de la veste de son Roi flotta un instant au vent. Il sourit et poussa la porte.
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Luffy rit en voyant passer un nuage en forme de crabe. Il faisait si beau aujourd'hui ! Nami lui criait quelquefois dessus parce qu'il chapardait encore dans les réserves (que voulez-vous, il avait toujours faim !), mais à part ça c'était la belle vie. Le Going Merry avançait bien, la nourriture n'était pas si mauvaise même si elle ne valait pas celle de Sanji, le temps était magnifique, digne des plus grandes aventures. La seule chose qu'il regrettait, c'était l'absence de Zoro et de Sanji, mais Nami et Robin lui avaient assuré qu'ils reviendraient une fois qu'ils se seraient réconciliés, alors tout allait bien ! Il fallait seulement attendre.
Dommage que Luffy détestait cela. À vrai dire, il s'ennuyait un peu ; il n'aimait pas savoir son équipage loin de lui. Et puis, une aventure était tellement mieux quand on était tous réunis pour la vivre ! Pourquoi avait-il fallu qu'ils se disputent, ces deux-là ?
- Ah ! Celui-là ressemble à une pieuvre ! s'écria-t-il en pointant son doigt haut dans le ciel. Et celui à côté, c'est Sanji qui tient une poêle !
Le Merry parut lui répondre en faisant une légère embardée vers la droite ; Luffy éclata de rire en embrassant la figure de proue.
- Ouais, il me manque aussi ! Vivement qu'il revienne avec Zoro, qu'on fasse un grand festin pour fêter ça !
Ce serait magnifique ! Connaissant Sanji, il préparerait quelque chose de grand, de gros et de délicieux ; Luffy avait tellement hâte ! Et ils pourraient se relancer dans la quête du One Piece !
- Eh, Luffy ! cria Pipo de la vigie, il y a quelque chose là-bas, on dirait une barque !
Le capitaine du Going Merry se dressa sur ses deux jambes et, la main mise au-dessus des yeux pour éviter aux rayons du soleil de perturber sa vue, il scruta l'horizon du côté que Pipo lui avait indiqué. Une tache sombre se détachait au loin ; elle se rapprocha lentement et Luffy put voir qu'il s'agissait effectivement d'une embarcation. Il sourit de toutes ses dents.
- C'est sûrement Zoro et Sanji !
Chouette ! Il sauta aussi haut qu'il le put et cria de toutes ses forces :
- Eh ! Venez voir ! Ils sont de retour !
Nami passa la tête hors de la cabine principale et Robin leva les yeux du livre qu'elle lisait tranquillement sur le pont, allongée dans une chaise longue. Quant à Chopper, il faillit se couper le sabot avec le couteau effilé qu'il utilisait pour tailler en fines lamelles des feuilles de houx qu'il avait fait sécher au soleil.
- Qu'est-ce que tu as à brailler comme ça, Luffy ? demanda Nami en bâillant. J'étais en train de rêver d'un trésor !
- Ce sont eux ! cria Luffy de plus belle. Zoro et Sanji !
- Hein ? s'écria Chopper. Où ça ?
Pipo descendit de la vigie en quatrième vitesse.
- Eh, du calme, c'est juste une barque, on ne sait pas si ce sont bien eux !
Luffy fut catégorique.
- Ce sont eux !
- Mais...
- Ce sont eux !
- Ok, ok, on a compris, intervint Nami. Ne cherche pas à le contredire, Pipo, tu sais très bien que c'est inutile.
Pipo claqua des dents.
- Oui, mais si ce n'était pas eux ? Si c'était, je sais pas moi, une armée de féroces hommes-poissons pirates venus nous envahir ? T'y as pensé, hein ?
- Même si c'était le cas, soupira Nami, ce n'est pas ça qui va nous faire peur, n'est-ce pas ?
- Mais nous avons deux hommes en moins !
- Ceux qui restent sont vaillants et forts, fit à son tour Robin en souriant, n'est-ce pas, cher médecin ?
Le regard de Chopper se fit intrépide.
- Bien sûr ! Nous sommes des pirates ! Nous ne nous ferons pas envahir par des confrères !
Nami fit la grimace tandis que Robin riait doucement.
- Ce n'est pas vraiment ce que Robin avait voulu dire, je pense...
- Ils arrivent ! dit Luffy en sautillant partout.
Quel bonheur, quel bonheur ! Ses amis étaient enfin là !
- Je me demande s'ils ont trouvé un trésor, fit-il tout heureux. Peut-être que Sanji a ramené des montagnes de viande ?
Robin lui sourit.
- Même si ce n'est pas le cas, il préparera quand même à manger. J'en ai assez de passer aux fourneaux, à vrai dire. La cuisine n'a jamais été mon fort.
- Ouais ! À manger !
Une demi-heure plus tard et autant de bonds d'impatience, la barque arriva enfin près de leur navire. Luffy se précipita au bastingage.
- Ouais !
Et ouvrit des yeux ronds en voyant qu'il n'y avait qu'une personne sur deux.
Au fond de la barque, Zoro lui fit un petit signe et lui sourit. Il avait quelque chose de changé, mais Luffy n'arrivait pas à voir quoi. Il prit un air pincé.
- Yo, fit Zoro.
- Bah, t'es tout seul, Zoro ? Et Sanji ?
- Pas là. Il avait un truc à régler, il nous rejoindra plus tard.
- Ah ?
- C'est pas vrai ! s'écria Nami en se tapant sur le front. Vous vous êtes réconciliés, au moins ?
Zoro fit un sourire bizarre.
- Ça, pour sûr qu'on s'est réconciliés ! Tout va pour le mieux, même.
- Ouf ! fit Chopper avec un sourire rassuré. J'ai eu peur que vous ne soyez fâchés pour toujours !
- Enfin, ça se peut pas, dit Pipo, on est un équipage !
Chopper hocha vivement la tête.
- C'est vrai ! Des vrais camarades ne restent jamais fâchés longtemps !
- C'est évident !
Nami sourit et jeta une échelle de corde pour que Zoro puisse monter à bord.
- Dépêche-toi, fit-elle. Tu vas me dire où se trouve Sanji, on va se diriger le plus près possible de l'endroit où il est, comme ça il n'aura pas à faire trop de chemin. Dis donc, t'as changé de vêtements, non ?
Luffy dandina de la tête pour se faire une meilleure impression. Tiens, maintenant que Nami le mentionnait, c'était ça le truc différent avec Zoro !
- Ah, t'as plus ta ceinture !
- Depuis quand t'es aussi observateur, Luffy ? s'étonna Pipo avec un froncement de sourcils.
- Mais c'est bizarre ! continua Luffy en le pointant du doigt. Zoro a toujours sa ceinture !
Entretemps, le bretteur avait rejoint le pont et il remontait l'échelle tout en regardant autour de lui. Un peu comme s'il ne reconnaissait pas les lieux. Luffy fut un peu étonné mais ne dit rien. Zoro s'était peut-être perdu et il avait oublié où se trouvait les choses dans le Merry ? Après tout, ça lui arrivait assez souvent, et à Luffy aussi.
- Je l'ai perdue au combat, dit-il, et mes vêtements étaient dans un sale état alors j'ai mis ceux-ci.
- Ils te vont pas, dit Pipo, on dirait plus le style de Sanji... C'est lui qui t'a habillé ?
- Ah... euh... ouais.
- Je m'en doutais ! fit Pipo en ricanant. Ouais, vous vous êtes vachement bien réconciliés dis donc, pour qu'il te fringue comme lui... C'est-y pas meugnon...
Zoro était si étrange ! Une aura menaçante se dégagea de lui, un court instant, pour disparaître comme si de rien n'était. Luffy en fut si confus qu'il ne sut que dire.
- Zoro, t'es bizarre...
- Qu'est-ce que tu veux dire ? grogna le bretteur.
- Tu te fais des idées, Luffy, dit Nami, moi je le trouve aussi bourru que d'habitude. Vous avez au moins trouvé un trésor valable, les hommes ?
- Ouais, on peut dire ça. Sanji s'en charge.
Les yeux de Nami pétillèrent.
- Parfait ! Dans ce cas, cap vers Sanji !
L'équipage se mit en branle pour faire avancer le Merry, tous sauf Zoro qui alla se mettre dans un coin pour dormir et Luffy qui croisa les bras, le visage tordu par la réflexion. Quelque chose n'allait pas, quelque chose n'allait pas...
- Bizarre...
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Leurs visages ébahis faisait plaisir à voir. Sanji rit aux éclats ; ses épaules se soulevaient à chaque soubresaut et la manche inutilisée de sa veste se balançait de manière erratique. À ses côtés, Robin affichait une mine sévère et fermée.
- Vous ! cria enfin Pipo, les joues en feu. Comment... Pourquoi ?
Il fit mine de se précipiter vers eux, mains en avant, mais s'écroula avant de pouvoir même parvenir devant Sanji. La douleur terrassait visiblement son être.
- Doucement, Pipo, si je me souviens bien tu dois être bien amoché.
- Sanji ? siffla Chopper. C'est toi ?
Quel changement cela devait être pour eux ! Sanji savait que son apparence était quelque peu différente de celle qu'ils venaient de revoir : plus grand, plus vieux, les cheveux longs et un costume de capitaine bleu et or sur lui, il avait meilleure allure que son alter-ego égaré. L'expression sur le visage de Ken était cocasse ; un mélange entre trahison et désespoir.
- Qu'est-ce que ça signifie, Sanji ? cria-t-il. Pourquoi tu portes le costume des Trèfles ?
Sanji sourit de plus belle.
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La ville était si agitée ! Zero grogna en poussant violemment les pauvres hères qui avaient eu la mauvaise idée de se poser sur son chemin. Il n'allait pas s'attarder ici, au milieu de cette foule bruyante et ridicule ! On lui fit place assez rapidement ; une longue allée qui se déroulait jusqu'à la demeure de Leon King. Tant mieux ; c'était justement sa destination. Zero ignora les regards effrayés qu'on lui lançait et continua dans une humeur tantôt joviale, tantôt maussade.
Il fut chez son amant en moins de temps qu'il n'en fallut pour le dire. Évidemment, Leon n'était pas là, trop occupé qu'il était à présider la Fête de la Musique. Qu'à cela ne tienne ; il attendrait dans ses appartements. Les rares serviteurs encore présents le laissèrent agir à son gré, conformément aux indications de leur maître. De toute manière, rares étaient ceux sur l'île du Carillon qui osaient défier Zero des Carreaux.
La porte de la chambre était ouverte en arrivant. Un chant clair en sortait ; une voix connue. Sanji ricana.
- Salut, Sora.
La jeune fille cessa de chanter et lui jeta un regard ennuyé. Elle s'était installée dans un ample fauteuil qui semblait vouloir la dévorer tellement il était plus grand qu'elle ; ses cheveux bruns étaient attachés par un ruban violet en une coiffure qui la rendait plus jeune encore. Elle avait mis sur son bras un brassard des Carreaux.
- Ah, c'est toi, fit-elle d'un air ennuyé. Entre.
- T'es pas à la fête ?
- Non, il fallait que je voie Leon.
- Ah, il va pas tarder, alors ?
- Je viens de l'appeler. Il sera là dans dix minutes au plus.
- Parfait. Je déteste attendre.
La jeune fille lui fit signe de s'asseoir. Leon choisit le lit et s'y affala avec délice.
- Au fait, où t'étais passé depuis cinq jours ? reprit Sora.
- Occupé. La Route des Esprits et tout ça.
La jeune fille pâlit considérablement.
- Tu te fous de ma gueule, c'est ça ?
- Nope. Je m'étais paumé.
- Comment t'as fait ton coup ?
- Une erreur. Je me suis assez bien rattrapé ; un drôle de type qui ressemblait à Leon m'a ramené, sauf qu'il avait un bras en moins et qu'il était plutôt du genre... gentil.
Sora fit la grimace. Avec son teint blanc, cela donnait une image insolite qui amusa Zero.
- Tu as croisé Sanji ? fit-elle.
- Tiens, tu le connais ?
- Ken était-il avec lui ?
- Ken... ah, le garçon à tout faire de Leon ? Non, je l'ai pas vu.
- Ah, merde, Layla va pas être contente... Elle est folle d'inquiétude à cause de la disparition de Ken et de Sanji.
Zero ricana.
- Ta petite amie ? Quel rapport ?
- Ken est son fils.
- Tu veux dire qu'elle a déjà eu un mec ? Charmant.
La jeune fille lui lança un regard méprisant.
- Tu peux parler, toi ! Et puis non, elle n'a jamais été mariée, si c'est ça que tu veux dire. Ken est son fils adoptif.
Pour la peine, Zero éclata de rire. Que de potins en cinq minutes ! À croire qu'ils en avaient fait leur spécialité, comme les Trèfles. Quelque part, c'était dégradant de penser qu'ils pouvaient avoir un point commun avec ces conspirateurs et autres comploteurs à tout-va.
- Tu m'en diras tant ! Et je suppose que tu joues le rôle de la deuxième maman pleine d'amour et d'attentions ? C'est trop mignon !
- La ferme ! grogna Sora, folle de rage. C'est mieux que de baiser avec une créature de Sally Coeur-de-Glace !
Zero ne releva pas la pique et se contenta de hausser les épaules.
- Bah, on a le même statut, alors je suppose que c'est normal, dit-il. N'empêche, je me taperais bien ce Sanji pour changer.
Sora secoua la tête, un étrange sourire narquois sur le visage.
- Ça, ça risque d'être difficile pour l'instant, vu qu'il n'est plus là, dit-elle sur un ton railleur. Tu pourrais tenter ta chance avec celui qui reste, mais il est peut-être un peu vieux pour toi... Et un peu au-dessus de tes moyens.
- De quoi tu parles, petite merde ?
Durant un instant, l'expression sur le visage de Sora Les-Mains-Rouges, ex-Reine des Carreaux, le terrifia. Il se reprit néanmoins très vite et afficha un visage neutre.
- À ton avis, gros malin, fit la jeune fille, sur qui Sally a pris modèle pour créer Leon, hein ? Hein, tête d'algue ?
- Chais pas moi, on m'a parlé du Roi de Trèfle, mais je l'ai jamais vu ce type... Sandoval, c'est ça ?
Rire fou ; Sora se lécha les lèvres.
- Tu crois ?
Zero secoua la tête. Qu'avait-elle à parler en énigmes, cette sale mioche ?
Et par toutes les créatures des océans, pourquoi cela éveillait-il en lui un sentiment de familiarité ?
Le bruit d'une personne qui marche se fit entendre. Leon apparut sur le seuil de la porte, le sourire sec, un dossier bombé sous le bras. Il aperçut Zero et lui fit un signe de la tête ; il semblait contrarié.
- Ça y est, dit-il à Sora, Sandoval a entamé sa part du plan.
À suivre dans le prochain thème...
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Ouais, un chapitre de fini pour célébrer l'anniversaire de Pipo en ce 1er avril ! Je l'ai tapé en une nuit et presque à la suite, un record. Tout pleins de révélations, des schémas qui s'entrecoupent, des bribes de scènes qui se déroulent à des époques différentes avec des personnages différents, mais un lien conducteur : Sanji et son plan. J'espère que ça n'a pas été trop confus. Tout est en train de se mettre petit à petit en place pour la confrontation finale. Dites-moi ce que vous en avez pensé si l'envie vous en prend !
Merci de votre fidélité et à bientôt.