Bonnes fêtes à tous et à toutes !
Titre : Rien qu'un baiser, chapitre 16
Auteur : Mokoshna
Couple : ZoroXSanji
Fandom : One Piece
Rating : M
Thème : 16. Invincible, sans égal
Disclaimer : One Piece appartient à Eiichiro Oda. Je ne fais que reprendre ses personnages pour leur faire faire n'importe quoi.
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Chapitre 16 : Invincible, sans égal
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La boutique de Maine « Main de Velours » était un éloge certain au mauvais goût et à la singularité. Zero remarqua d'emblée l'enseigne orange criarde, la vitrine affichant aussi bien babioles inutiles que trésors bien dissimulés sous des mètres de ruban fantaisie, avec ça et là quelques jouets dignes des enfants les plus monstrueux que pouvait offrir la Route de Tous les Périls. On voyait entre autres un gros hochet clouté, une poupée au faciès de démon et aux mains armées de lames, un pistolet rose crachant des flammes grâce à un système qui actionnait la gâchette à intervalles réguliers. Le tout était coincé entre un bar à l'allure lugubre et une espèce d'entrepôt fermé avec un énorme cadenas et des chaînes de l'épaisseur de celles qui étaient utilisées sur un navire de guerre. Il ricana ; c'était exactement ce qu'il cherchait.
La porte tinta lorsqu'il l'ouvrit. L'intérieur était aussi farfelu que la façade. Les rayons encombrés cachaient le comptoir, situé au plus loin de l'entrée. Le propriétaire n'avait-il aucun problème de vol, avec tous les pirates qui traînaient dans les parages ? Étrangement, on ne voyait aucune trace de poussière ou de saleté. Maine devait nettoyer sa boutique avec soin.
- Couac ! entendit-il soudain. Un client, Martin !
Curieux, Zero pointa son regard en direction de la voix. Celle-ci venait d’un drôle de canard au plumage jaune qui était perché sur le dossier d’une chaise près du seuil. L'oiseau darda sur lui ses grands yeux bleus et hurla encore une fois pour faire bonne mesure. Avait-il été placé là pour hurler à chaque nouvelle visite, au cas où la cloche n'aurait pas fonctionné pour une raison ou pour une autre ? Zero haussa un sourcil dubitatif. Ce n'était guère intimidant, comme alarme. Depuis quand les canards parlaient-ils, d'ailleurs ? Certes, la Route de Tous les Périls regorgeait de créatures toutes plus farfelues les unes que les autres mais il n'avait jamais croisé un tel volatile... Il se baissa pour l'observer d'un peu plus près. Était-ce une espèce rare ? La plume gigantesque qui se dressait au sommet de sa tête lui donnait un air bizarre, comme si elle avait été piquée au hasard. Le canard présentait une silhouette toute ronde et des yeux à faire pâlir de jalousie une jeune fille soucieuse de la tenue de son mascara ; Zero se demanda tout d'un coup s'il devait faire preuve de courtoisie et le saluer en conséquence...
- Ne vous gênez pas, surtout, vous ne savez pas que c'est très mal élevé de regarder une dame dans le blanc des yeux ?
Réflexion faite, Zero commençait à avoir faim et ce canard aurait fait un rôti tout à fait convenable. Il dégaina un de ses sabres sous le regard horrifié de l'oiseau qui agita les ailes de manière désordonnée, faisant voler quelques plumes dans la boutique.
- Couac ! Qu'est-ce que vous faites ?
- La ferme, tête de piaf.
- Mais... couac !
Tremblant, le bec tordu par la peur, le canard s'envola pour se réfugier derrière une étagère. Zero remarqua alors une porte au fond de la boutique ; elle s'ouvrit et un nain à la jambe gauche en bois en surgit et se dirigea sans hâte vers lui. On eût dit qu'il sortait du lit, avec ses vêtements mal arrangés, ses cheveux en bataille et sa mine renfrognée. Il grogna un bon coup et leva les yeux vers Zero.
- C'est pour acheter ou pour regarder ? demanda-t-il d'emblée d'une voix nasillarde.
Zero sourit. Il n'y avait que des choses bizarres dans cet endroit. C'était parfait.
- D'abord pour regarder, et peut-être acheter ensuite.
- Vous cherchez quelque chose en particulier ? continua le nain en lorgnant les trois sabres qu'il portait à la ceinture.
Le canard se planqua un peu plus ; Zero ne vit plus que la plume de sa tête dépasser de sa cachette.
- Pas vraiment, non... à moins que vous n'ayez quelque chose à me proposer ? Je cherche un truc vraiment moche et inutile, voire gênant.
Le nain le fixa de son oeil torve, cherchant sans doute à savoir s'il était fou ou juste excentrique. Zero lui fit un grand sourire faux.
- Par ici, dit-il finalement en lui montrant le fond de la boutique. Je pense avoir ce qu'il vous faut.
- Je vous suis.
Si l'objet en question était aussi... insolite que son guide, cela promettait. Zero ricana en pensant à l'expression horrifiée qui ornerait le visage de Leon. Nul doute qu’il aurait droit à une soirée mémorable, après ça.
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Le quartier était un mélange de sordide et de pittoresque. Sanji pensa un instant au port de la partie Sud de l’île de la Tortue. Qu’était-elle devenue, cette île, d’ailleurs ? Aux dernières nouvelles, elle avait été conquise par All Game et leur servait de base ; qu’en était-il au bout de quatre ans ? Il avait oublié de demander à Ken ; il faudrait qu’il pense à le faire en rentrant. Pauvre Ken. Sanji n’était pas revenu tout de suite, finalement ; il espérait seulement que son jeune ami n’était pas encore réveillé.
- On cherche quequ'chose, mon mignon ? fit la voix railleuse d’une putain habillée de dentelle noire. J'peux t’offrir le paradis, si tu veux.
Sanji lui fit un sourire charmeur et secoua la tête.
- Je n’ai malheureusement pas le temps, gente dame, dit-il en lui faisant un clin d’oeil. Des affaires urgentes m’attendent, mais sachez bien que mon coeur gémit de tristesse à l’idée de rater l’occasion de passer une délicieuse soirée avec une personne aussi aimable.
La fille de joie gloussa, réellement amusée.
- Dis donc, tu causes bien toi, pas comme les sacs à rhum qui passent dans le coin ! Reviens un autre soir après avoir réglé ton affaire, et j'te ferai un prix, mon mignon, foi de Magdala !
Sanji s’inclina bien bas et lui baisa le bout des doigts, rajoutant à l’hilarité de la jeune femme. Elle n’était pas laide, du reste, se dit-il. Brune aux seins de la taille de pastèques gorgées de soleil, un minois avenant et la dégaine d’une femme qui se savait séduisante et l’affichait sans honte. Une vraie professionnelle. Sanji se désola de n’avoir pas le temps de passer un bon moment en sa compagnie.
- Soit-dit en passant, mon mignon... le gars au nez pas possible qui t'suit, là, c’est un copain à toi ? Il m’a l’air un peu coincé.
Sanji secoua la tête. Il avait bien senti que quelqu’un le suivait depuis un moment mais la présence ne semblait guère hostile. Elle avait même quelque chose de familier ; un je-ne-sais-quoi qui le retenait de sauter sur l’intrus pour lui démolir la face à coups de pieds. Il doutait pouvoir encore se battre aussi efficacement que dans le passé, de toute manière. Entre son bras manquant auquel il n’était pas encore habitué, son alitement de quatre ans et la nature inconnue du terrain, il ne devait pas avoir beaucoup de chances de remporter la victoire, en supposant que son poursuivant ait l’étoffe d’un combattant.
- Je ne le connais pas.
- Sa tête me dit quelqu'chose, fit Magdala. J'crois que j'l’ai croisé au marché, y vient d'temps en temps vendre des petits machins bien jolis.
Le visage de Sanji s’orna d’un sourire ravi.
- Quelle mémoire, dame Magdala !
La jeune femme eut un rire clair.
- C’est l'boulot qui veut ça, dit-elle avec fierté. J'me souviens toujours d'la face de clients que j'pourrais avoir. Ça peut aider.
Un bruit assourdissant les interrompit. Apparemment, le poursuivant de Sanji venait de faire tomber quelque chose. Sanji soupira et se dirigea sans hâte en sa direction, non sans avoir salué une dernière fois Magdala. La jeune femme s'éloigna à pas pressés.
- Écoutez, grogna Sanji, je n’ai rien contre votre filature, mais vous pourriez faire ça de façon plus discrète, quand même. Ce n’est pas pourtant pas compl...
Un regard sur le visage affolé de l’autre homme le coupa net dans son reproche.
- Pipo ?
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Ken se précipita au plus profond de la rue des Tambours, le coeur battant. Pour ceux qui ne connaissaient pas cet endroit, l'allée semblait petite et finissait en cul-de-sac. La vérité était toute autre. La « rue » se révélait être une enchevêtrement de ruelles plus ou moins étroites débouchant au même endroit : la Place du Pendu, appelée ainsi parce qu’au début de son inauguration, une foule de pirates en colère avait pendu un pauvre homme en son centre. Il ne restait de ce triste événement qu’un piquet de bois rongé par les intempéries, vestige de l’ancienne potence improvisée qu’on avait dressé là.
Ken se doutait qu’il n’avait que peu de chances de trouver Sanji sans savoir par où il était parti. La rue était ainsi faite : elle disposait d’une entrée officielle visible de tous et d’une multitude d’autres dissimulées dans des endroits insolites. Chacune d’entre elles menait à une partie différente de ce quartier qu’il aurait été bien difficile de rejoindre d’un autre point de départ. Il emprunta l’entrée officielle, priant pour arriver à temps. Sanji ignorait tout de la configuration des lieux, il venait à peine de se rétablir de sa maladie ! Ken se reprocha encore une fois son manque de vigilance.
- Couac ! fit une voix grêle à ses pieds alors qu’il passait devant une boutique étrange à l’enseigne orange. Vous voulez entrer dans notre magasin, joli monsieur ? Vous ne le regretterez pas !
Ken sourit au canard jaune dont l'énorme plume sur la tête volait au vent.
- Bonjour, Ahiru, dit-il, rassuré de voir un visage connu. Maine est ici ?
- Pas encore, Ken, répondit le canard. Il est parti à Kéropé chercher une larme de sirène. Tu es sûr que tu ne veux pas entrer ? On a reçu d’autres marchandises.
- Pas le temps, désolé.
- Dommage.
Ken hocha la tête et eut une idée.
- Dis-moi, tu as vu passer des gens dans le coin ? À part les habitués.
Avec un peu de chance, il aurait peut-être vu où allait Sanji ?
- À part les sempiternels pirates sans foi ni loi, sales et brailleurs, tu veux dire ? Non, désolée. Enfin, si, il y a bien ce type bizarre dans la boutique, mais ce n’est pas ton genre, il est grossier et...
- Quel type ? l'interrompit Ken.
- Un drôle de type aux cheveux verts avec trois sabres. Il est avec Martin, il lui fait voir l’arrière-boutique.
- Un type... avec trois sabres ? fit Ken, la voix blanche.
Zero était donc de retour ? Mais Leon ne lui avait rien dit ! Et Sanji qui traînait dans les parages ! Il ne fallait absolument pas qu’ils se rencontrent !
Il se précipita vers la boutique de Maine, le coeur battant. Ahiru le vit partir en ouvrant de grands yeux étonnés.
- Couac ?
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Les deux amis se fixèrent dans le blanc des yeux durant cinq bonnes minutes. Aucun ne savait exactement comment réagir ; c'était trop soudain, trop... étrange. Irréel. Sanji eut conscience de son allure suspicieuse, de la manche vide qui pendait sur son flanc gauche. Pipo semblait interloqué. Cela ne devait pas être facile, en y repensant. Sanji et Zoro avaient disparu depuis quatre ans ; pour leurs amis qui n'avaient pas été mis au courant et vécu leurs déboires, cela avait dû être un coup dur. Les avaient-ils crus morts ? Avaient-ils seulement cherché à les retrouver ?
- Pipo, chuchota-t-il, la voix rendue enrouée par l'émotion. Ça fait un bail, pas vrai ?
Les yeux exorbités de son vieil ami s'agrandirent davantage, si cela était possible. Sa bouche s'ouvrit en un cri silencieux ; doigt pointé vers lui, il bégaya son nom sans discontinuer.
- S... s... Sa... San... San... ji ?
C'était quand même bon de voir que certaines choses ne changeaient pas, à commencer par l'expression ahurie de Pipo quand il découvrait quelque chose qui le choquait. Sanji se sentit apaisé. Il allait retrouver un environnement familier, enfin ! Son réveil avait été... brutal. La vie qu'on lui décrivait, les gens qui l'entouraient, tout cela paraissait fictif, issu d'un autre temps auquel il n'appartenait pas. Mais c'était terminé. Il allait pouvoir retrouver ses amis de l'équipage de Luffy et à eux tous, ils trouveraient le moyen de ramener Zoro, quitte à le traîner par la peau des fesses.
Sanji se demanda ce qu'étaient devenus les membres de son équipage durant son absence forcée. Luffy avait-il réussi à devenir le seigneur des pirates ? Et Nami, Pipo, Robin, Chopper ? Avaient-ils réalisé leurs rêves respectifs ? L'espace d'un instant, un sentiment de jalousie l'envahit. Quatre ans. Durant ces quatre longues années, ils avaient dû en faire du chemin. Même Zoro, malgré son lavage de cerveau, devait avoir progressé dans son art de combat. Seul Sanji avait stagné. Pas seulement ça, en réalité : car avec la perte d'un bras, c'était un atout de taille qui partait en fumée. Il était sérieusement handicapé.
Donc, il fallait qu'il rattrape son retard au plus vite. Sanji ne voulait pas que Nami l'ignore davantage ou que Luffy ne veuille plus de lui dans son équipage, simplement parce qu'il n'avait plus le niveau. Et c'était rageant, de savoir que Zoro pouvait sans doute le battre à plate couture quand il le voulait.
- Sanji ? C'est toi ? C'est bien toi ? continua Pipo.
Bien. Il avait donc retrouvé sa langue.
- Qui d'autre ? Leon King, peut-être ? plaisanta-t-il.
Son ami parut confus. Sanji eut pitié de lui.
- Oui, c'est moi, Pipo. T'en connais beaucoup d'autres, des beaux gosses qui savent ton nom, hein ?
- Sanji... Sanji ! scanda l'autre homme.
- Oui, c'est moi, je te dis.
- Sanji...
Cela commençait à l'agacer. Sanji savait Pipo peu enclin à récupérer d'un choc violent, mais là c'était ridicule. Il devait retrouver les autres ! Il eut une pensée soudaine qui lui procura un instant de panique. Il était le cuisinier du Going Merry. À son départ, les filles s'étaient proposées pour occuper temporairement son rôle. Nami l'avait déjà fait par le passé et Robin avait des connaissances en tout. Les plats n'auraient pas été aussi goûteux qu'avec le cuistot officiel mais l'équipage aurait pu facilement tenir quelques semaines, voire quelques mois. Mais quatre ans ? Connaissant les habitudes alimentaires de Luffy, c'était quatre ans de carences en vitamines et en fibres. Quatre ans à tenir à la viande et aux sucreries.
Il ne savait pas trop s'il devait souhaiter qu'ils l'aient remplacé ou pas.
- Sanji, continua Pipo.
Sanji sentit sa patience fondre comme neige au soleil.
- Oui, bon, Sanji, ok, c'est moi. Remet-toi, bon sang !
Pipo n'eut rien de mieux à faire que de fermer les yeux, un sourire béat sur les lèvres.
- J'ai compris, se murmura-t-il à lui-même. C'est un rêve. J'ai dû me cogner quelque part en revenant du marché ou alors la faim me fait délirer. Sanji est mort, mort et archi-mort. C'est ça Pipo, t'es sur la bonne voie. Mort. Mort et re-mort.
Sanji fit une grimace agacée. Ses sourcils fourchus décrivirent une inclinaison surprenante, et, oserait-on le dire, inhumaine. Poing serré jusqu'à ce qu'il ait l'impression de n'être plus qu'une boule de nerfs en ébullition. Bouche tordue par l'irritation. Corps tendu.
Il prit son élan et abattit un seul coup de pied sur la tête de Pipo. Il avait calculé sa force : cela n'était pas suffisant pour le tuer, normalement.
Ou si c'était le cas... Eh bien, Sanji trouverait un autre moyen de contacter les autres, tout simplement. Pour l'instant, il avait bien trop de rage en lui pour laisser passer l'incident.
Le vacarme obtenu s'entendit jusque dans la boutique de Maine.
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L'arrière-salle était encore plus encombrée que l'avant du magasin. Zero n'arrivait pas à distinguer les produits, dans l'obscurité ambiante. Martin circulait sans problème ; avait-il donc des yeux de chat ou était-il seulement habitué ? Le chemin emprunté paraissait simple et droit, vu de l'extérieur. Zero avait enregistré le parcours entrevu à la lumière de la salle principale. Martin n'avait soit-disant pas de lampe et de toute manière, ce qu'il cherchait n'était pas très éloigné de l'entrée. Il avait seulement besoin de bras forts et de jambes hautes pour s'en saisir. Curieux, Zero avait accepté de le suivre.
Il se rendit compte que quelque chose n'allait pas au bout de cinq minutes de marche. Où diable se trouvait donc cette babiole ? La silhouette de Martin se découpait devant lui, floue mais assurée dans son allure. Zero ne pouvait pas en dire autant. Plusieurs fois, le bretteur se cogna sur un objet quelconque qu'il n'avait pas localisé à temps. Il avait assez confiance en ses sens et à son instinct pour savoir qu'il ne se trouvait pas là quelques secondes plus tôt.
- C'est encore loin ? demanda-t-il avec un mouvement de la main en direction de ses sabres, bien prêt à découper Martin en deux s'il ne lui fournissait pas une réponse convenable.
L'obscurité était étouffante ; Zero eut par intermittences l'impression qu'il n'arrivait plus à respirer. Sa main glissa sur la garde de Yukibashiri.
- Plus trop, fut la réponse laconique de son guide. Ne vous éloignez pas. Ne reculez pas.
Autour d'eux, des bruits sourds se faisaient parfois entendre : chuchotements brusquement interrompus, pas feutrés, chocs d'objets qui se cognent les uns sur les autres. Le froissement d'un vêtement. Des sanglots, loin derrière. Zero distinguait de moins en moins de choses. L'allée entourée de caisses et d'objets hétéroclites avait disparu ; il n'y avait plus qu'une voie sinueuse dans le noir, une voie qu'empruntaient des esprits invisibles. Zero n'en pouvait plus. Il voulut dégainer ses sabres.
Il s'aperçut avec fureur qu'ils n'étaient plus là.
- Martin ? tonna-t-il.
Sa voix paraissait faible, timorée. Zero cligna des yeux. Le chemin n'était plus aussi sombre car il avait eu le temps de s'habituer aux ténèbres. De magasin, nulle trace. Martin n'était plus là. Ses sabres avaient apparemment glissé ; en regardant en arrière, il les vit sur le sol, à quelques mètres.
Il voulut faire demi-tour ; un ricanement enfantin se fit entendre, empli de malice et de promesses de châtiments. Zero connaissait assez bien ce genre de rire pour l'avoir côtoyé sans cesse auprès de ses camarades de All Game. Qu'avait dit Martin, déjà ? « Ne vous éloignez pas. Ne reculez pas. » Il ne plaisantait pas, visiblement. Son instinct lui disait qu'il valait mieux respecter ces règles. Et s'il y avait bien une chose que Zero écoutait par-dessus tout, c'était son instinct. Il lui avait plus d'une fois sauvé la vie dans le passé.
- C'est bien joli, mais ça ne me dit pas comment récupérer mes bébés, fit-il avec frustration en fixant ses sabres.
Il s'était fait joliment avoir, tiens. Sally lui avait une fois parlé de ces chemins qu'utilisaient les créatures de l'ombre pour circuler entre deux endroits. Un humain ordinaire pouvait très facilement s'y perdre s'il ne faisait pas attention ; on avait déjà vu des cas semblables. Martin était-il un de ces êtres qui égaraient les voyageurs naïfs, afin que ses congénères puissent s'en repaître ? Encore heureux qu'il ait eu la présence d'esprit d'écouter les histoires aberrantes du Valet de Pique ; sans quoi, il serait complètement perdu à l'heure qu'il était.
- Hum, partir devant pour essayer de trouver la sortie mais abandonner mes sabres, ou rebrousser chemin et risquer de me faire dévorer ? Choix difficile.
Un grognement, à sa droite. Zero ricana.
- En même temps, je ne serais pas l'As de Pique si je me mettais à avoir peur du premier monstre venu, hein ? ajouta-t-il avec un sourire cruel.
Il fit un pas en arrière.
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Ken cria de toutes ses forces, espérant attirer l'attention de quelqu'un, n'importe qui. Il était rentré sans réfléchir dans l'arrière-boutique et il en payait à présent le prix fort. Comment aurait-il pu savoir que cet endroit était un piège destiné aux humains ? Son ancien statut d'Enfant-Chance était encore respecté parmi les créatures de l'ombre et le préservait de la malice des plus petits êtres, mais cela ne l'aidait pas à sortir pour autant. Il était perdu.
- Pourquoi faut-il que ma chance m'ait abandonné ? dit-il sur un ton amer. Je ne retrouverai jamais Sanji à ce rythme-là !
- Pourquoi cela ? fit alors une voix sereine à l'haleine vile.
Ken frissonna. La Baroude ! Il avait déjà entendu parler de cette voix féérique qui s'adressait aux égarés dans leurs moments de doute. La Baroude interrogeait la conscience des hommes et selon leurs réponses, elle pouvait les mener dans deux directions totalement opposées : l'égarement et la mort pour les âmes sans volonté, la sortie et l'apaisement pour les êtres solides dont le coeur ne faiblissait pas. Ken n'était pas sûr de remplir les bonnes conditions pour obtenir le deuxième résultat.
Pourtant, il tâcha de parler d'une voix claire et sans trémolo. Il fallait toujours répondre à la Baroude, ou elle venait vous dévorer sur place.
- Parce que je suis perdu. Parce que je ne sais pas me retrouver moi-même, donc je ne peux pas retrouver Sanji et le ramener.
- Pourquoi cela ?
- Parce que je suis faible. Parce que je ne peux pas faire grand-chose.
- Pourquoi cela ?
- Parce que mon coeur n'est pas assez solide...
Ce n'était pas bon ! Il était en train d'avouer à la Baroude qu'il ne pouvait pas lui échapper !
- Pourquoi cela ?
Il hésita un très court instant, assez pour sentir le souffle putride de la Baroude contre sa nuque.
- Parce que je n'ai plus la foi. Parce que je ne suis plus un Enfant-Chance.
- Pourquoi cela ?
- Parce que j'ai laissé la haine envahir mon coeur, dit-il dans un soupir. Parce que j'ai haï All Game et Zero tellement fort que les dieux m'ont enlevé ma chance et m'ont laissé grandir.
Une larme coula de sa joue et alla se perdre dans l'obscurité. C'était fini. La Baroude allait laisser les ténèbres le dévorer, si elle ne s'en chargeait pas elle-même. Pourtant, Ken ne fut pas aussi épouvanté qu'il l'aurait cru de prime abord. Au contraire, une sorte de sérénité envahit son coeur : il avait enfin dit à voix haute ce qui le rongeait depuis si longtemps ! Quatre ans. La Baroude pouvait bien l'emporter, maintenant qu'il avait reconnu sa faiblesse.
La voix de la Baroude lui lécha les oreilles.
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Zero tressaillit à peine lorsqu'une créature visqueuse se colla à sa jambe. Il la repoussa d'un mouvement brusque. Une autre revint à la charge, puis une autre, et encore une autre, jusqu'à ce que ses jambes soient envahies et aussi lourdes que du plomb. Il sentit qu'on s'agrippait de même à ses bras et rit d'une voix tonitruante. Les formes étaient inconsistantes, sa vision n'allait pas plus loin que le bout de son nez. Ricanements, cris. On s'agitait autour de lui. On se moquait de sa position.
- Rira bien qui rira le dernier, bande de spectres puants ! Vous ne m'aurez pas aussi facilement ! Je suis Zero des Piques ! Je suis invincible! Je suis sans égal !
Les cris fusèrent. Zero serra les poings.
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- Rien qu'un baiser, chuchota Sanji en pensant à Zoro.
Près de lui, gisait le corps inanimé de Pipo. Il l'avait proprement assommé ; son ami ne se réveillerait pas avant plusieurs heures au moins, sauf s'il trouvait un point d'eau et un remontant suffisamment puissant.
- Si je pouvais encore partager seulement un baiser avec lui, ce serait bien. Si je le retrouve, bien sûr. Fichu sabreur qui ne veut pas se laisser prendre.
Le menton sur les genoux, accroupi sur le sol près de Pipo.
- Je suppose qu'il ne me reste plus qu'à attendre... ou à traîner cet imbécile d'un bras. De toute façon, si cette tête d'algue a gardé son sens de l'orientation pourrave, j'ai encore toutes mes chances de le retrouver avant la nuit.
Pipo grogna dans son sommeil forcé. Sanji fit un sourire confiant et se leva.
À suivre dans le prochain thème...
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Le canard Ahiru est un emprunt éhonté à l'anime Princess Tutu, bien qu'il n'ait pas le même caractère que l'original. Pareil pour les personnages de Ken, Layla et Sora qui sont tirés de Kaleido Star pour ceux qui les auraient reconnus. Là encore, je ne m'inspire que de leur physique ; les caractères et les caractéristiques de chacun sont très différents de l'original.
Merci et à bientôt !