Titre de l’épisode : « Pendant que Ginny lisait les carnets de Pallas Railway »
Disclaimer : HP & C° sont la propriété de Rowling (et de la WB).
Spoiler : toute la saga HP.
Avertissement : PG
Note 1 : Kaamelott est à l’origine de cette série de vignettes.
Note 2 : J’ai écrit le premier jet de cet épisode il y a longtemps. Vraiment très longtemps. Je venais de me disputer avec ma sœur et, pour dissoudre toute cette colère, je m’étais dit que je pourrais écrire une scène de dispute entre Regulus et Sirius. Je n’y suis parvenue. A la place, j’ai écrit une dispute entre Mrs W. et Sirius.
Note 3 : Fleur est tellement awesome qu'elle a le droit à une réplique qui a été originellement dite par Spike (Buffy the Vampire Slayer)
Personnages présents : Sirius Black, Remus Lupin, Severus Snape, Mrs Weasley, Mr Weasley, Bill Weasley, Fred & George Weasley, Ginny Weasley, Harry Potter, Ron Weasley, Hermione Granger, Tonks, Fleur Delacour.
Grimmauld Place
-
Episode 11, deuxième partie : « Pendant que Ginny lisait les carnets de Pallas Railway… »
-
Le geste brusque et le ressentiment coincé entre les dents, Ginny ramassa les carnets et les entassa dans le carton qu’elle posa sur un tabouret. Elle s’empara des volumes huit et neuf. Elle hésita quelques secondes, l’ongle du pouce entre les dents, et prit finalement le dixième opus. Les carnets coincés contre son corps, elle se dirigea vers la cuisine, espérant qu’il restait encore des muffins aux myrtilles. Avec cette famille de…
Tempus moratur.
D’ici quelques minutes, Ginny sera dans la cuisine. Elle y retrouvera ses frères et ses amis et se joindra à leur conversation. C’est alors que, bouche pleine et yeux exorbités, elle apprendra qu’un drame s’est joué pendant qu’elle lisait les carnets de Pallas Railway. Elle l’apprendra de manière confuse et morcelée parce que tout le monde voudra participer à la conversation, tous voudront être narrateur. Ce ne sera pas toujours clair, un peu hystérique, exagéré et sujet à beaucoup d’interprétations. Pas toujours justes.
Alors, si vous le voulez bien, revenons en arrière, remontons un peu le temps et appuyons une seconde fois sur play afin de savoir ce qu’il s’est réellement passé pendant que Ginny lisait les carnets de Pallas Railway.
Tempus retroducit.
Ambulat.
Sirius et Bill avaient abandonné leurs carnets et discutaient à voix basse. De Pallas, de pyramides et de parmesan. Allez savoir ! Fleur, assise sur le tapis, le dos contre les jambes de Bill, lisait les carnets noirs. Elle en avait un de réserve sur les genoux et un autre mis de côté sous un pan de sa robe. De temps en temps, elle interrompait les deux sorciers pour avoir des précisions sur un mot qu’elle ne comprenait pas. On les lui donnait distraitement, sans agacement, avec complaisance.
Ron et Harry s’affrontaient aux échecs, mais Ron avait refusé d’abandonner Sa-Pallas-Adorée. Il jouait, lisait et gagnait tout à la fois. Harry pensait qu’il avait une chance et Ron riait intérieurement. Peut-être qu’il finirait par donner quelques leçons à Harry, parce que ça commençait à devenir de moins en moins plaisant de gagner sans trop y songer. Ne disait-on pas qu’à vaincre sans difficulté, on triomphait sans plaisir ? Et cela était bien dommage.
Hermione et Tonks s’étaient rapprochées. Du bol de cookies. La bouche pleine de biscuits délicieusement tendres, elles échangeaient quelques impressions gastrolâtres, stylistiques et historiques. Remus, assis dans un fauteuil, écoutaient les demoiselles pépier, sourire dissimulé derrière le onzième carnet. Il avait une idée sur la véritable identité de l’auteur de ces textes et cela rendait la lecture encore plus savoureuse. Si Sirius savait…
Oh ! Sirius saurait.
Severus Snape, directeur de la maison de Slytherin, s’était réfugié dans la salle à manger : le salon était un peu trop rouge et or pour son tempérament. En farfouillant dans la bibliothèque des Black, il avait mis la main sur un exemplaire original de Poisons en toute cordialité : « petits récits satiriques sur les manies des professeurs de potions ». Le Maître de Potions tournait avec respect les pages jaunies tout en tentant de ravaler quelques gloussements de plaisir. Humour fin et plume juste. Qu’importait à Severus Snape si parfois il se reconnaissait des le portrait dressé par cet honorable confrère quand c’était fait avec talent ! Même à lui, il n’échappait pas, que parfois, il touchait du bout des ongles la caricature.
Sur la grande table de la salle à manger, Arthur Weasley était occupé à rédiger un rapport des plus délicats. Il était arrivé il y a une demi-heure, la mine basse et le cheveu hirsute. Sa curiosité n’avait même pas été éveillée par le salon changé en salle de lecture. Il avait traversé la pièce, gagné la salle à manger, adressé vaguement un signe de tête à Severus et lourdement laissé tomber sa serviette sur la table. Snape avait froncé les sourcils, Arthur ne s’en était même pas formalisé. Il avait fait provision de café (on avait dépassé le stade où le thé pouvait aider) et s’était mis au travail. Sans un mot. Dissimuler la réalité, mais ne pas mentir. Être cohérent, mais ne pas tout dire. Choisir le mot juste, grave mais pas alarmiste. Cela nécessitait beaucoup de soupirs et de sorts Erasus. Et de café.
L’intrusion de Fred et George ne troubla pas immédiatement le calme de la pièce. Les jumeaux se laissèrent tomber d’un seul corps et avec mauvaise humeur sur une banquette. Comme personne ne prêtait attention à leur entrée dramatique (hormis Crookshanks qui sommeillait sur ladite banquette et qui appréciait assez peu de partager), ils soufflèrent encore plus et grommelèrent davantage.
- Qu’est-ce qu’il y a ? demanda Tonks. Elle ne dit pas « encore », mais il était très fortement sous-entendu à la fin de sa question.
- Il y a Maman ! ronchonna Fred.
- Tu peux être plus précis ?
- Elle met tout sous clé, répondit George, grincheux.
- Il reste encore des trucs à mettre sous clé, s’étonna Sirius.
- Votre mère pense à votre sécurité, déclara Arthur de la salle à manger, le dos courbé au dessus de son parchemin.
- Notre sécurité, on veut bien, dit Fred.
- Mais est-elle obligée de gâcher notre plaisir ? pleurnicha George.
Arthur se gratta le front, la nuque, la mâchoire et passa finalement la main au-dessus de son parchemin. Tous les mots disparurent. Une fois encore. « Votre plaisir ? » dit-il distraitement. Il ne verrait jamais le bout de ce rapport. Il le savait maintenant. Il était mort et il était en train de subir son supplice. Bonjour Sisyphe ! Hello, les Danaïdes ! Je suis Arthur Weasley et je suis condamné, jusqu’à la fin des temps, à rédiger un rapport indicible.
Les plaintes de ses fils sortirent Arthur de sa rêverie macabre.
- Il n’y a rien à faire dans cette maison…
- … A part nettoyer ! Sans vouloir t’offenser, Sirius, dirent les jumeaux en tandem.
- Je ne suis nullement offensé, je suis même on ne peut plus d’accord, déclara affablement le susmentionné.
- La seule chose qui reste à faire est de farfouiller et découvrir des trucs, reprit Fred.
- Des trucs dangereux, compléta Arthur. Sans vouloir t’offenser, Sirius.
- Pas de souci.
- Des trucs fun !
- Dangereux ! répéta Arthur.
- Peut-être, concéda George. Mais au moins ça nous familiarisait avec le danger. Ce n’est pas comme si dehors, on ne risquait pas de tomber sur un mangemort. Autant s’instruire !
- Le jumeau marque un point, déclara Sirius.
- Et puis il est vrai qu’il est agaçant de devoir courir après les objets, remarqua Snape. J’ai dû batailler des heures pour pouvoir récupérer le tome deux des Potions d’autrefois et autres recettes de grand-tante d’Alcibiade Thorus.
- Il devient même difficile de faire la cuisine ! intervint Tonks. Molly planque jusqu’aux couteaux !
- Parce que tu fais souvent la cuisine ? s’étonna Hermione.
- Non, mais si l’envie m’en prenait, je ne pourrais pas le faire.
- Et ce serait tant mieux, souligna Sirius. Tu es une piètre cuisinière.
Tonks marmonna, vexée, quelque chose comme quoi elle avait six ans, qu’elle avait progressé depuis et qu’on n’allait pas lui ressortir cette histoire de pancakes toute sa vie, quand même.
- Je le reconnais, Molly s’emporte quelque peu, mais, sans vouloir t’offenser Sirius, cette maison n’est pas la plus sûre qui soit.
- Une bonne fois pour toute, cela ne m’offense pas ! s’exclama Sirius, contenant difficilement son agacement. Cette baraque craint ! OK ? Il s’agit d’une donnée objective que je ne vous contesterai jamais.
- Amen ! murmura Remus de derrière le tome douze des Chroniques de Pallas R., apprentie adulte dans un monde halluciné.
Fleur se pencha vers Bill.
- Est-ce que c’est le moment où tout le monde tape sur tout le monde ? Parce que si c’est le cas, j’ai quelques remarques acides en réserve.
- Je ne crois pas que ce soit le moment, marmonna Bill entre ses dents.
Il écarquilla même exagérément les yeux pour faire mieux passer son message. Fleur haussa ses charmantes épaules.
- Dommage, pour une fois que l’on parlait de ta mère et que la conversation m’intéressait, soupira-t-elle.
Ce fut le moment précis que choisit Molly pour apparaître dans le salon. Elle trottinait aussi vite que ses talons, sa corpulence et le parquet nouvellement ciré le lui permettaient. Elle avait les joues un peu rouges et l’air catastrophé.
- Tiens, quand on parle du loup on en voit les crocs, marmonna Fleur par-dessus son livre.
- Ce n’est pas exactement ça, releva Remus.
- Elle le sait très bien, dit Bill en serrant les mâchoires. Il lança un regard étincelant à la demi-vélane qui lui répondit par le plus charmant des sourires innocents.
- C’est une catastrophe ! déclara Molly avec emphase et essoufflement. Elle se serait probablement laissé tomber sur la banquette si ses deux fils n’y étalaient déjà pas toute leur mauvaise humeur rancunière.
- Que se passe-t-il ? demanda Arthur, alarmé par l’entrée fracassante de son épouse.
- Albus vient de m’avertir que ce soir nous recevions des invités très importants.
- Effectivement, grommela Snape. Des vieux décatis plein d’importance et aux noms à l’histoire à rallonge.
- Des emmerdeurs, en somme, dit Sirius.
- Oh que oui ! Les chefs des familles Beauregard, Volens et MacKenna.
- C’est une ca-ta-stro-phe, reprit Molly devenue livide. Ses cheveux n’en semblèrent que plus roux.
- C’est plutôt une bonne chose si les grandes familles acceptent nos invitations, non ? remarqua Tonks.
- Non ! s’exclama Molly au bord de la crise de nerfs.
Tonks enfonça la tête entre ses épaules, façon tortue.
- Molly, quel est le problème ? demanda Arthur. Il connaissait bien son épouse, mais là, même lui ne parvenait pas à percevoir où se jouait le drame.
Molly tourna vers lui un regard exorbité. Ses lèvres tremblaient, ses doigts se crispaient sur son tablier et des larmes troublaient son regard bleu pâle.
- Nous n’avons plus une chambre de libre, hoqueta-t-elle finalement.
Un étrange silence tomba sur le salon et dépendances du 12, Grimmauld Place. Il y avait bien le feu dans la cheminée et les pages du carnet que Ginny tournait qui émettaient quelques sons, mais à part cela, silence total, intégral et médusé.
- Tout cela est très anticlimactic, déclara finalement Fleur.
Hermione voulut expliquer à la mal-anglophone que ce mot n’existait pas, mais cette dernière signifia assez clairement, bien que très muettement, qu’elle s’en moquait éperdument. So do not care !
Arthur se racla la gorge et replaça ses lunettes tout en haut de son arrête nasale.
- Tu es sûre, Molly ? Ce n’est pas comme s’il manquait de la place dans cette maison, sans vouloir te…
Arthur croisa le regard de Sirius et s’interrompit.
- Il y a de la place ! reprit-il.
- Pas assez !, s’exclama Molly.
- Comment est-ce possible ? demanda Remus. Parce que si on fait le compte…
- On est déjà plus que nombreux à loger sur place ! coupa Molly. Et c’est tout l’Ordre du Phénix qui débarque dans quelques heures !
- Tout l’Ordre ? répéta Tonks.
- Tout l’Ordre, assura Molly.
- Depuis quand l’Ordre est devenu si grand ? murmura Tonks.
Hermione secoua la tête ; Harry haussa les épaules.
- Depuis quand est-ce devenu une mauvaise chose ? répliqua Ron à voix basse.
- Apparemment, depuis que nous manquons de lits pour faire dormir tout le monde, dit Harry.
- Une grande et importante réunion se prépare et je n’ai pas assez de place pour loger tout le monde, hulula Molly.
Le simple fait d’avoir énoncé à voix haute cette affreuse réalité causa un regain d’angoisse à l’intendante auto-désignée du 12, Grimmauld Place. L’air lui manqua et son équilibre devint précaire. Les jumeaux se décidèrent finalement à se lever et à laisser leur mère s’asseoir.
- Il y a bien les banquettes et les canapés, tenta Tonks. Ce n’est pas très confortable mais…
- J’y ai déjà mis Mondingus, coupa Molly. Ainsi que Fred, George et Sirius.
- Merci, marmonnèrent les jumeaux d’une même voix amère.
- Sirius ? répéta Arthur. Mais enfin, chérie…, commença-t-il, hésitant.
- Laisse, Arthur. Rien ne m’offense ce soir, dit Sirius avec un grand sourire. Je me sens d’humeur chevaleresque et pur et surélevé.
Molly renifla. Le sourire de Sirius s’agrandit davantage. C’était un très grand sourire. Voire trop grand.
- Sirius, je suis navrée, mais j’essaie de rentabiliser la place, expliqua Molly. Or ce n’est pas comme si tu ne passais pas toutes tes nuits à déambuler dans les couloirs.
- Oh ! Mais je comprends parfaitement, Molly. Tu as fait ce que tu pensais être juste.
Harry observait le sourire de Sirius, se disant qu’à un moment il allait cesser de s’accroître. Muscles et tendons n’étaient pas extensibles à ce point ! Et pourtant…
- Et la chambre où est l’hippogriffe ? proposa Remus. Lui aussi avait remarqué le sourire de Sirius. Et il était inquiet. De plus, il n’avait jamais été particulièrement fan de l’animal. Et si Buck avait pu parler, il aurait probablement assuré que le sentiment était partagé.
- Vous pensez bien que la première chose que j’ai faite, c’est d’envoyer cette bestiole au garage ! Je ne comprends même pas comment on a pu accepter qu’un animal pareil vive dans la maison.
- Lui et moi avons partagé beaucoup de choses, déclara avec solennité Sirius. Il n’aurait pas compris que je ne l’accepte pas sous mon toit. Et puis il a un talent indéniable pour la déco.
Molly ne dit rien, mais son regard témoignait d’une grande éloquence. Sirius accepta toutes ces remarques muettes avec un gracieux mouvement de tête.
- J’ai rassemblé autant que possible les gens, reprit Molly.
- Est-ce que ça veut dire que Bill et moi allons pouvoir dormir dans la même chambre ? demanda Fleur.
- Bien sûr que non ! s’empourpra Molly. Vous allez dormir avec Hermione et Ginny, Fleur !
- Dans le même lit ?
- On mettra un matelas par terre !
Fleur non plus ne dit rien, mais son regard était très éloquent et sans aucune faute de syntaxe. Bill lui offrit un petit sourire contrit. Cela n’eut qu’un très bref effet.
- Non, je ne vois qu’une possibilité, déclara finalement Molly.
- Appeler SOS Sorciers-Bâtisseurs ? demanda Fred.
- Ils ont fait un boulot du tonnerre chez les Jordan !
- Déménager ? proposa Sirius.
- Il faut ouvrir la chambre, dit Molly.
- La chambre ? Quelle chambre ? demanda prudemment Tonks.
- Celle du bout du couloir, répondit Molly. Avec les têtes de diable sur la porte.
Nouveau silence dans le salon et dépendances du 12, Grimmauld Place. Un silence empesé, épais, poisseux.
- Impossible, déclara calmement Sirius. La porte est coincée.
Trop calmement.
- Il n’y a qu’à la décoincer !
- Impossible.
- Mais c’est stupide de bloquer une pièce quand…
- Il faudra trouver une autre solution, Molly. Cette porte restera fermée.
Sirius offrit un charmant sourire à Molly et se tourna vers Bill afin de reprendre sa conversation là où ils l’avaient laissée.
- Et alors ? Comment avez-vous pu contourner le maléfice ? demanda-t-il à ce dernier, quelque peu désorienté.
- Sirius ! Voyons ! Vous rendez-vous bien compte de l’importance de cette réunion ? demanda Molly d’une voix haut perchée.
- Parfaitement. Quoique je ne sois pas certain que cela changera beaucoup les choses. Je les connais bien les Beauregard & C°. Ils n’ont pas prêté une grande attention à la première ascension de Voldemort. Je ne vois pas pourquoi cela changerait maintenant. Surtout qu’ils sont plus vieux, plus perclus d’arthrite et d’idées dépassées.
- Molly, nous nous serrerons encore un peu, dit Arthur.
- Oui, on les mettra trois par lit, dit Fleur. Bill lui enfonça son coude dans les côtes. Elle lui écrasa le pied en représailles.
- Et puis nous ne sommes pas tous obligés de dormir sur place, reprit Arthur.
- Ne dis pas de bêtises ! soupira Molly, exaspérée. Tu sais bien que ces soirées se finissent tard et que le service de cheminette est désactivé la nuit. Or, tout le monde ne sait pas transplaner. Sirius, nous avons vraiment besoin de cette pièce.
- Non, Molly, nous n’en avons pas besoin, dit Sirius, le ton de moins en moins affable. Vous voulez juste savoir ce qu’il y a derrière cette porte. Si nous avions vraiment besoin de couchage, vous laisseriez Bill et Fleur dormir dans la même chambre. Chambre que vous monopolisez stupidement, puisqu’ils dorment de toute façon déjà ensemble.
Bill donna un coup de coude furieux à Sirius, tandis que Fleur se redressait avec un sourire satisfait. Mrs Weasley devint écarlate.
- Je vous prie de ne pas vous mêler de la façon dont j’élève mon fils, dit Molly tremblante de colère.
- Je voudrais juste vous faire remarquer que Bill n’est plus vraiment en âge d’être élevé.
- Ce n’est pas parce que vous êtes officiellement le parrain de Harry, Sirius, que vous avez la moindre compétence sur la question de l’éducation. Contentez-vous de ressasser le passé. C’est ce que vous savez faire de mieux.
- Tout le problème est là, n’est-ce pas, Molly ? C’est moi qui ai la garde de Harry et ça vous crispe le chignon !
Le regard de Molly s’amincit.
- Un Black poivrot qui a passé douze ans en prison, oui, bien sûr que ça me crispe le chignon ! Et je n’ai pas de chignon !
- Ça irait pourtant tellement bien avec votre tablier.
- Et on se demande pourquoi, j’aimerais mieux que n’importe qui ait la garde de Harry plutôt que vous.
- D’une, personne ne vous le demande, Molly. De deux, c’est moi que James et Lily ont choisi. Fin de la discussion.
- Ils ne sont pas connus pour avoir accordé leur confiance toujours à bon escient.
- Molly ! s’écria Arthur.
- Molly, je crois vraiment que vous ne devriez pas continuer dans cette voie, intervint Remus.
Snape avait marqué sa page, fermé son livre et, bien installé dans son fauteuil, ne perdait pas une miette de cette réjouissante conversation. Les enfants Weasley s’étaient tassés sur eux-mêmes, essayant de se faire le plus petit possible. Minuscule. Invisible, même. Hermione était au bord des larmes. Harry avait mal au ventre. Et Ginny lisait.
- Je crois que les paroles ont dépassé les pensées, intervint Tonks. Après tout de quoi s’agit-il ? D’une pièce. D’une toute petite pièce de rien du tout. Elle rit nerveusement. C’est plutôt ridicule !
- Cesse de rire stupidement, Tonks ! coupa Sirius. Il n’y a pas de quoi rire !
- J’essaie juste de… commença-t-elle. Sa gorge râpait.
- Nous savons très bien ce que vous essayez de faire, très chère, dit Molly. C’est fort louable de votre part. Mais Mr Black, ici présent, n’est pas le plus aimable des hôtes.
Sirius éclata de rire.
- Moi ? Un hôte ? A qui veut-on faire croire ça ? Certes, il s’agit de ma demeure ; certes, il s’agit de mon argent ; mais je ne suis en rien votre hôte. Il me semble que c’est vous Mrs Weasley, non ?
- J’essaie de me rendre utile, moi. Et puis il faut bien que quelqu’un fasse fonctionner cette maison, parce que si l’on devait compter sur vous…
- Molly !
- Il vous suffisait d’organiser le QG de l’Ordre au Terrier. Mais aux crochets de qui auriez-vous alors vécu ?
- Sirius !
- Je veux bien que vous jouiez à la maîtresse de maison chez moi, Molly. Ce n’est pas comme si je m’y étais senti un jour le bienvenu. Mais autant économiser les dernières plumes de votre plumeau : tous vos efforts ne pourront couvrir l’histoire de cette maison ! Aucune de vos formules n’effacera le nom des Black qui suinte des plinthes.
- Cette famille n’aura donc jamais rien produit de bon !
- Molly ! s’exclama Tonks.
Sirius ne fit aucune exclamation, il considéra longuement Molly, puis il sourit. Il sourit de côté, la tête un peu penchée, le regard franchement condescendant.
- Tu ne sais rien, Molly. Rien de ce que cela implique d’avoir grandi dans cette baraque. Tu ignores tout des choix que j’ai faits, des décisions que j’ai prises. Tu n’as que ton ignorance et tes peurs.
- Mon ignorance ? Je sais parfaitement ce que ta famille…
- Ma famille est aussi ta famille, Molly.
- Jamais.
-Y a le nom de tes parents sur ma tapisserie.
- Je n’ai rien à voir avec cette famille de dégénérés !
- Tu peux me dire tout ce que tu veux, le fait est là : tu es une Black. Tout autant que moi, que Tonks et qu’à peu près tous les sorciers de Grande-Bretagne. A part Snape. La seule différence entre vous et moi, c’est que je ne peux pas le cacher. Je m’appelle Sirius Orion Black, c’est quelque peu marqué dans mon nom. Je ne peux pas même pas faire semblant de l’oublier et, Hécate sait combien j’ai essayé. Car chaque jour, chaque regard qu’on pose sur moi, me le rappelle. Chaque mot que l’on me dit me le crie. Fils de Black.
- Dis-moi à quel moment je suis censée verser une larme ! Il faut que tu me préviennes car la mort de mes frères m’a quelque peu asséchée. Au fait, tu savais que, parmi leurs assassins, il y avait ta cousine Bellatrix ?
- Ai-je la tronche de quelqu’un qui a l’air étonné ?
- Tu as la tronche qui va avec ta baraque !
- Si ma tronche et ma baraque te dérangent tant que ça, Molly, rien ne te retient ! Tu peux partir quand tu veux, même maintenant ! La porte t’est grande ouverte.
Et la porte s’ouvrit.
La porte du 12, Grimmauld Place s’ouvrit violemment et une rafale de vent s’engouffra dans le hall. Le bois claqua contre la pierre, la poignée de métal s’écrasa et abîma le mur. Tout le monde sursauta. Excepté Ginny qui lisait. Elle marmonna qu’elle était trop occupée pour aller ouvrir la porte et demanda à Ron d’y aller.
La rafale remonta les escaliers, cavala dans les couloirs. Elle grandissait en puissance, défonçait porte après porte, ravageait tout sur son passage. Les rideaux volaient, les panneaux de bois claquaient et hurlaient sur leurs gonds. Les carreaux des vitres volaient en éclat. Les murs de la maison tremblaient, des meubles serenversaient dans un boucan infernal et des veines magiques, jusque làinvisibles, crépitaient. Hermione avait les mains plaquées contre sa bouche pour contenir les sanglots qui menaçaient d’éclater. Ron était cadavérique. Harry avait envie de vomir. Tonks tremblait de tous ses membres et se cramponnait à Remus pour ne pas tomber. Severus ne souriait plus. Les verrous des malles sautèrent et les meubles régurgitèrent les objets que Molly avait réquisitionnés et enfermés. Ils regagnaient leurs places, rasant les têtes, égratignant et bousculant ceux qui ne s’écartaient pas assez vite.
Et puis, aussi brusquement que la tourmente s’était levée, elle disparut. Le calme revint. Le vent tomba, laissant derrière lui chaos et débris.
Pendant quelques secondes, il n’y eut pas un bruit. On se regardait, pétrifié, abasourdi, déboussolé. Que venait-il de se passer ? Quelqu’un le savait ?
Les portraits, encore tremblants, émergèrent de derrière leurs cadres. Les serpents de bronze des luminaires et sur les portes sifflèrent. Le monsbre hurla. Les doxys sortirent des poutres, désorientées, le vol pas très assuré.
- Qu’est-ce que c’était que ça ? demanda Hermione, tremblante et bouleversée. Elle cherchait de la main Ron, mais ce dernier était incapable de lui apporter le moindre soutien.
- Outbursted rage, that’s what it was ! And a bloody revelation.
- Quoi ? fit Hermione.
Sirius et Molly se dévisageaient en respirant comme des dragons.
- Fils de Black un jour, fils de Black toujours, cracha Molly et elle tourna les talons. En passant, elle ferma la porte d’entrée qui claqua comme une gifle.
Arthur balbutia quelques excuses et courut après son épouse. Mais personne ne s’en souciait car tous fixaient Sirius.
- Quoi ? aboya ce dernier, excédé par tous ces regards insistants. On tressaillit et recula insensiblement.
- C’est bon, j’me tire ! marmonna-t-il.
Il quitta la pièce à grandes enjambées. Personne ne lui courut après.
Dans le couloir, Sirius s’arrêta devant le portrait de sa mère. Le vent avait dérangé le rideau qui recouvrait habituellement totalement la toile. Entre les pans de tissus mal joints, Sirius découvrit l’expression incrédule de sa mère. Elle ouvrait la bouche et la refermait, comme si elle essayait de dire quelque chose, mais ne parvenait pas à formuler les mots. Sirius tira sur les rideaux et partit. Loin du tableau. Loin du salon. Loin de tout ce merdier ! Il n’avait vraiment pas besoin de ça ! Pas maintenant ! Et même jamais.
- Tu étais donc là ?
Sirius perçut nettement le soulagement dans la voix de son ancien compagnon de maraude, mais il l’ignora. Remus soupira et vint s’asseoir à côté de Sirius, sur le parquet, dos contre le mur.
- Tu sais il existe un truc très confortable qui s’appelle « fauteuil » ? Tu devrais essayé.
Sirius haussa les épaules.
- Je me suis toujours demandé comment James faisait pour gérer ton mauvais caractère, mes sautes d’humeur et les angoisses de Peter.
Sirius ne répondit pas. Il n’y avait en fait pas grand-chose à répondre. Que James était un saint ? Sûrement pas. Que James avait la patience d’une lionne ? Bien sûr que non. Que James était sage ? Laissez-les rire !
- Est-ce que tu sais pourquoi, James et moi, nous sommes devenus amis ? demanda Sirius. Il regardait droit devant lui, l’air un peu absent, la voix lointaine. Remus l’observait du coin de l’œil. Sirius l’inquiétait.
Il n’y avait pas un jour où Remus ne regrettait pas la disparition de James. Pas un jour. Mais depuis quinze ans, les sentiments de tristesse et de manque s’étaient apaisés. Ils s’estompaient, jour après jour ; chaque matin, ils lui étreignaient un peu moins le cœur. C’est la vie !
Mais en cet instant précis, tandis qu’il était là, assis sur des lattes disjointes (probablement véreuses), à côté d’un ancien ami qu’il ne comprenait plus très bien, Remus souhaitait que James fût là. Plus ardemment qu’il ne l’avait souhaité ces dix dernières années. Parce que Sirius était un masochiste et que James n’avait pas son pareil pour lui foutre des coups de pied au cul. Sans mauvais jeu de mots. James n’était pas un saint, loin de là, mais c’était un très bon ami : il savait écouter et réconforter.
- Bien sûr ! Vous vous êtes battus le premier jour et vous avez été punis. Quelque chose comme dix heures de retenue, répondit Remus.
Il avait bien conscience qu’il forçait un peu trop sa voix sur les notes joyeuses. Si Sirius le remarqua, il n’en laissa rien paraître.
- Douze, rectifia ce dernier. Deux samedis entiers, enfermés dans la salle des trophées.
- On ne traînait peut-être pas ensemble à l’époque mais je te rappelle…
- Mais ça c’est la réponse au « comment ? », coupa Sirius. Pas au « pourquoi ? ».
Sirius se leva et s’approcha, mains dans les poches de la tapisserie où était brodé l’arbre généalogique de toute la famille Black.
- J’ignorais qu’il y avait une autre raison, répondit franchement Remus.
Pendant un long moment, Sirius resta silencieux. Remus en profita pour regarder l’arbre. L’admirer presque. Il était immense, lourd de ramifications. Remus était incapable de remonter plus loin que ses arrière-grands-parents, tandis que Sirius pouvait donner le nom de ses ascendants en 1549 !
- Je n’ai jamais rencontré une personne pour qui ce n’était pas important que je m’appelle Black. A partir du moment où je dis mon nom, je suis catalogué. Et il ne s’agit pas d’un catalogue dont on sort facilement, ajouta Sirius.
Remus aurait pu rappeler à Sirius que les préjugés, il connaissait, mais il ne dit rien. Parce que ce n’était pas le moment. Parce que ce n’était pas réellement le sujet. Il y avait quelque chose d’autre. Remus le sentait confusément. Sirius retardait le moment de parler, il prenait des détours, évoquait le passé pour ne pas avoir à dire ce qui se passait réellement dans le présent.
- Excepté James, continua Sirius. Il n’en avait rien à faire que je sois un Black.
Remus n’était pas tout à fait certain que cela fût vrai, cela devait probablement être un peu plus compliqué.
- Tu sais ce qu’il m’a dit quand je lui ai dit comment je m’appelais ?
Remus secoua la tête, plus par politesse que pour réellement marquer son ignorance. A ce stade, sa présence n’était qu’accessoire. Il le savait. Il attendait.
- Il m’a dit : « tes parents ne doivent pas beaucoup t’aimer pour t’avoir donné un nom pareil ».
- Il a dit un truc pareil ?
- Yep ! Il avait touché juste sans le savoir. Ça m’a foutu hors de moi et je l’ai frappé. Et il a fait quelque chose à laquelle je ne m’attendais pas de la part d’un petit gnome à lunettes.
- Il t’a frappé.
- Il m’a frappé, ce con.
- Et il t’a pété la dent.
- Et il m’a pété la dent.
- Et tu lui as cassé les lunettes.
- Yep ! Et il a eu un bel œil au beurre noir.
- Et vous êtes devenus amis.
- Après douze heures à astiquer des vieux trophées rouillés, tu deviens ami même avec un Gobelin ou une table.
- Et avec un loup-garou ?
- Oh ! Là, il faut au moins six heures de plus.
- Salaud !
- Pour te servir.
Remus remarqua que le regard de Sirius ne vadrouillait plus sur la tapisserie, qu’il s’était fixé sur une zone.
- Je ne me souviens pas quand le prénom de mon frère est apparu sur la tapisserie : j’étais trop petit.
De l’index, Sirius effleura une broderie noire. Remus se leva à son tour. Il ne put s’empêcher de remarquer qu’il le fit avec beaucoup moins de fluidité et d’élégance que Sirius ne l’avait fait. Ses articulations étaient encore inflammées et ses muscles endoloris par la transformation. Boitillant légèrement, Remus se rapprocha de Sirius et de la tapisserie. Le doigt de Sirius glissa vers la gauche.
- Je n’étais pas là quand ma mère a brûlé mon nom. Elle a effacé mon existence, comme ça, du bout de sa baguette. Ma propre mère. Quelle mère fait ça ?
Remus ne répondit rien. Lisa Lupin n’avait peut-être pas ôté le nom de son fils de l’arbre généalogique familial, mais elle avait fait tout ce qui était en son pouvoir pour ensevelir son existence.
Remus remarqua alors quelque chose…
- Elle n’était même pas issue de la branche principale ! poursuivait Sirius.
- Sirius…
Remus s’approcha davantage, hypnotisé par le geste que Sirius faisait.
- … Mais l’honneur du nom des Black lui importait plus qu’à mon père…
Remus attrapa la main de Sirius et l’immobilisa. Sirius ne lutta pas réellement. Remus appuya sur la main de façon à pouvoir voir parfaitement le pan de la tapisserie qui l’intéressait. La nuit était tombée, on n’avait pas allumé les bougies dans la pièce, mais cela importait peu à Remus : il voyait dans la pénombre aussi bien qu’en pleine lumière. Et ce qu’il voyait…
- Ton nom, Sirius !
Sirius ne dit rien. Il ne bougeait pas. Il retenait même son souffle. Remus pointa la broderie noire dans la tapisserie gris argenté.
Sirius
(1960 - )
- Oui, il est réapparu sur la tapisserie, dit calmement Sirius.
- Quand ?
La confusion de Remus était telle que ce dernier n'était pas en état de faire des phrases. Mot interrogatif, direct au cœur du problème. Nul besoin de passer par une syntaxe compliquée.
- Il n’était pas là ce matin…
- Comment ?
- Oh, tu sais…
Sirius haussa les épaules.
- Fils de Black un jour, fils de Black toujours !
Sirius sourit tandis que son doigt passait encore et encore là où autrefois il y avait un trou dans la tapisserie.
Un sourire de côté, un sourire forcé, un sourire cassé.
Coming soon : l’épilogue de cet épisode : « Mais, au final, qui est Pallas Railway ? »